Zalem "στίγμα" pour Stigma, soit après quelques circonvolutions linguistiques et autres finesses de l'alphabet grec, "s/t" donc self-titled, soit une manière des plus élégantes de baptiser un disque éponyme, ici le premier album des angevins de Zalem au départ un peu branché post-rock progressif intello. Le cliché est certes facile, limite une provocation même, mais derrière ce double album effleurant les 90 minutes de musique (tout de même...) se cache un groupe qui aime brouiller les pistes. Le genre de truc qui aime donner des titres un peu "perchés" à ses morceaux, du style "Hypnotic oblivion", "Five ours, twenty​-​six minutes and a few light years to reach the interstellar space" ou "Pandemonium redux" histoire de montrer qu'il est plus cultivé que la moyenne et que lui a fait des études. Là, c'est vrai que cela peut hérisser légèrement, sauf que lorsque l'on découvre l'album, qui reste la seule chose comptant réellement en fait ici, on se rend compte que Zalem laisse aussi transparaître autre chose au travers de sa musique.

Une douzaine de titres flirtant avec les cimes du post-rock plus ou moins progressives des Caspian, Russian Circles et autres Red Sparowes, les angevins oeuvrent dans un registre certes assez balisé mais où l'émotion est en réalité le seul maître-mort. Le reste, c'est surtout pour la forme, aussi jolie soit-elle. Rien de bien intellectualisant là-dedans, on s'adresse plutôt à l'intime, au sensoriel, ce que le groupe a parfaitement compris, livrant des compositions organiques et puissantes qui allient à merveille l'ascension stratosphérique du post-rock et les effluves plus terriennes d'un rock progressif aux fulgurances jazzy et tentations métalliques aussi affirmées que maîtrisées ("Missing"). Et s'il s'est écoulé près de quatre années entre la première démo du groupe et l'album présentement chroniqué, ce n'est certainement pas pour rien. Car outre sa longueur intrinsèque, Stigma présente des morceaux à la beauté aussi évidente que fouillée, aérienne quoiqu'un peu emphatique à la longue (ça c'était le risque évident). Mais surtout, il maîtrise à merveille l'art délicat de la nuance ("Hypnotic oblivion", "Five ours, twenty​-​six minutes and a few light years to reach the interstellar space"), tout en conservant ses ardeurs évocatrices le temps de quelques fulgurances post-metal ("Inside the dark nebulae").

Pour autant, cela n'empêche aucunement Zalem de jouer également la carte du minimalisme avant de laisser parler son explosivité ("Twin sol", "Pandemonium redux"), au détour de laquelle on entrevoit l'influence d'un Pelican avant que "Waiting for nothing" ne laisse perler cette amplitude émotionnelle que l'on a pu parfois rencontrer du côté de This Will Destroy You et la retenue feutrée d'un Jeniferever sur "Valley of hearts delight", avant que "Dancing paranoia" n'annonce l'ultime offrande du groupe sur l'épilogue-fleuve "Panorama ephemera". Plus de trente-deux minutes d'une ultime odyssée post-rock (au sens large), la conclusion évidente d'une heure et demi de musique plutôt classe, ambitieuse à défaut d'être réellement originale, mais inspirée. Dans cette sphère-là, c'est un peu long, donc sans doute à réserver aux plus passionnés...

PS : l'album est en écoute intégrale juste ci-dessous.