Why Mud Groupe 1 Vous n'échapperez pas à l'épreuve des présentations. Qui est Why Mud ?
Roland (guitare chant) : Why Mud, au départ, ça vient de moi. Pendant un voyage en Australie qui a duré deux ans, j'ai imaginé une histoire sous forme d'un concept-album que l'on sort aujourd'hui. Quand je suis revenu, j'ai contacté Camille (batterie) et Antoine (guitariste-claviériste) avec qui je jouais dans un groupe de rock au lycée. Loïc, notre bassiste, s'est greffé dans le projet trois mois après les débuts en février 2013. Why Mud, c'est vraiment un groupe de potes, une forte amitié liée par la musique.

Vous êtes tous de Boulogne-Billancourt ?
Camille (batterie) : Le 92 plus généralement, Vélizy, Boulogne et Sèvres. Boulogne, c'est là où on était au lycée, où on répète, c'est un peu notre QG. Mine de rien, c'est aussi la ville qui nous soutient, on a gagné un tremplin là bas, elle nous a soutenu financièrement pour qu'on mixe l'album.

Il y a le festival BB Mix là bas...
Camille : Exactement, mais on n'y a pas joué. On aurait pu mais il fallait faire un choix suite au tremplin. Soit on prenait la thune, soit on jouait dans ce festival. Mais ils nous ont néanmoins permis de jouer une date avec Elefant au Carré Bellefeuille, la salle qui accueille le BB Mix. C'était vraiment cool cette soirée.

Ce soir, vous jouez au Silencio, club select élitiste scénographié par David Lynch et ouvert aux arts. Même moi, je ne pensais pas un jour foutre les pieds dans cet endroit. Comment est-on arrivé à se retrouver ici ce soir ?
Camille : D'abord, il faut trouver un super pote motivé qui vient du milieu du spectacle et qui prend bénévolement un rôle de manager. Ensuite, ce mec trop stylé arrive à te dégoter une attaché de presse qui elle-même, par ses relations, te fait jouer dans un endroit pareil.
Loïc (basse) : Elle a fait connaître Triggerfinger, entre autres.
Camille : On a cette chance qu'Ophélie ait vraiment aimé l'idée du concept-album et l'ambiance qui s'en dégageait. Elle s'est débrouillée pour nous trouver un lieu ayant la particularité d'avoir un certain style dans lequel les professionnels du milieu artistique pourraient nous découvrir. Parce qu'il faut savoir qu'apparemment, il y a pas mal de salles à Paris où les pros ne viennent plus, par lassitude du lieu ou le choix des programmations.
Antoine (guitariste-claviériste) : On a essayé de gérer la communication de notre groupe, quand notre album a été terminé, pour le présenter au public. On a fait une sorte de release party au Bus Palladium, mais ça n'a pas marché. La communication n'est pas vraiment notre métier. Maintenant, nous avons une petite équipe qui nous accompagne dans notre développement parce que ces gens croient en nous.
Roland : Ils y croient même plus que nous ! (rires) C'est ahurissant qu'ils mettent autant de temps de leur vie pour un projet qu'ils n'ont pas créé. On en est tellement reconnaissant, c'est une sorte de cadeau inconcevable.
Camille : Ouais, faut surtout pas qu'on loupe le coche là parce que notre manager bosse gratos, il perd de l'argent depuis un an avec ce projet. Il ne faut pas qu'il ait fait tout ça pour rien. C'est pareil pour les mecs qui font nos vidéos, c'est du quasi gratos. A un moment donné, il va bien falloir que tout ce réseau soit rémunéré, même si on sait très bien que ce n'est pas une musique commerciale.
Antoine : C'est bien d'être accompagnés de personnes qui ont du recul sur le projet, et qui nous donnent des avis et conseils car on est tellement dedans qu'on ne sait même plus ce qui est bon ou pas. Ca nous libère et ça donne de l'élan.

Vous êtes liés à l'association Gadoue, en quoi vous aide t-elle ?
(Rires général) Camille : Je vais t'expliquer en deux secondes. Tu vois le BB Mix ? Celui qui l'organise, c'est mon chef, c'est un musicien qui s'appelle Pascal Bouaziz, chanteur de Mendelson depuis une vingtaine d'années. Il m'a dit : "Si tu veux gagner de l'argent en faisant de la musique, oublie tout de suite, mais par contre, il te faudra une structure pour toucher tes cachets de session". Gadoue, c'est le résultat de ça, c'est notre association, et c'est la traduction de Mud.
Roland : Et Pascal est donc le régisseur du studio dans lequel on joue.

Adam & Joe est votre premier album, un album-concept comme vous l'évoquiez. L'histoire tourne donc autour de deux frères, c'est bien ça ?
Roland : C'est ça. C'est une histoire avec beaucoup de détails qui représente une personnification de l'âme et de l'esprit. Ca raconte la dualité humaine, le perpétuel combat entre l'âme et l'esprit d'un corps humain, les conséquences et la différence entre penser avec l'âme et penser avec l'esprit. Et ce combat épique est représenté par ces deux frères, Adam & Joe. Ca fait un peu tragédie grecque exagérée et l'élément déclencheur de la rixe c'est leur père qui incarne le corps humain. La dissociation de l'âme et de l'esprit rend le père fou.
Camille : En fait, Adam c'est le cadet. Il a cinq ans de moins que Joe et le quatrième personnage, qui n'est pas vraiment présent dans l'histoire, c'est la mère qui est morte en le mettant au monde. Le gros problème c'est que le père et l'aîné eux ont un manque mais pas Adam, qui représente l'âme et la pureté, puisqu'il n'a jamais connu sa mère. Son seul problème, c'est d'être né en fait.
Roland : On a établi des actes dans l'histoire qui représentent chacun des saisons. On s'est mis en mode Vivaldi pour l'occasion. On aime bien partir en cacahuètes...

Justement, je suis assez curieux de savoir par quel processus vous êtes arrivé à effectuer une narration en musique ?
Roland : Par la manière d'écrire en donnant du sens aux paroles. Ce qui est curieux, c'est que les chansons n'ont pas été écrites dans l'ordre de l'album. Elles sont nées par nécessité d'un détail dans l'histoire. J'ai la trame générale et j'intègre les morceaux en fonction de leurs rôles.
Camille : On peut dire aussi qu'il y avait beaucoup plus de chansons dans ta tête au début, quelques une ont été écrémées, d'autres se sont greffées soit à leur place, soit qui ont retrouvé leur place comme tu le soulignais.
Roland : Ouais, et c'est marrant parce que les choses ont pour habitude de prendre sens un peu après. Quelque chose qui n'avait pas de sens marqué à la base finit par en trouver un qui est complètement logique. Je pense à la première chanson que j'ai écrite qui s'appelle "Inside is out", elle est venue se greffer dans le moment clé de l'histoire et quand j'ai réécouté les paroles après coup, ça m'a parlé direct.
Loïc : C'est inconscient des fois, il y a tellement d'auto-persuasion dans l'histoire au sein du groupe. On a eu des coaches scéniques qui nous ont forcés à lire et à comprendre l'histoire, de ressentir chaque chanson sur scène que c'est devenu inconscient, peut-être pas dans la composition mais au moins dans le chant.

Et combien de temps cela a t-il pris pour mettre en œuvre cet album ?
Roland : Sans prendre en compte le fait que certaines chansons ont été faites en Australie, je dirais deux ans à partir de la constitution du groupe. Mais au delà même de la composition, le dilemme c'était surtout de se trouver un son, une patte sonore. Donc le côté production, changer son pédale board, tester tout ces sons entre nous, ça nous a pris pas mal de temps aussi.
Antoine : Un projet tel que celui que nous avons porté, doit être crédible. Et ça commence par le son.
Roland : A ce sujet, ça me rappelle notre premier concert au Chesnay, on avait fait zéro répète ensemble, on n'avait aucun son, aucune cohésion. Je suis arrivé avec une seule pédale et c'était la pédale d'accordeur... (rires).
Antoine : On a gardé l'enregistrement de ce live qui comporte cinq chansons d'Adam & Joe, et quand tu réécoutes ça et que tu vois le résultat final, c'est le jour et la nuit. Ça donne envie de se taper dessus, on est des gamins qui ont mûris.
Roland : Tiens, on l'a jamais dit en interview mais pour les geeks musiciens, pour une raison totalement obscure, on est accordé en Ré, La, Ré#, Sol, La, Ré. Je sais même pas pourquoi, surement pour faire chier.
Loïc : Quand j'ai commencé avec eux, j'ai dû carrément réapprendre mon manche de basse, déjà que leurs compositions étaient des labyrinthes du Minotaure de merde. J'avais envie de les tuer !

Why Mud - Adam & Joe On ressent dans Adam & Joe pas mal d'influence dont celle de Radiohead, et de Jeff Buckley...
Roland : Radiohead, je kiffe, mais ce qui est étrange c'est que pour Jeff Buckley, on me l'a dit bien après. C'est certain que dans le processus créatif, on essaye d'imiter, et c'est de ça que vient une originalité. L'intention de Why Mud n'est pas de se pomper un artiste, d'autant plus que notre accordage bizarre ne nous permet pas trop de faire des reprises, par exemple. Même dans le son, je n'ai pas l'impression d'imiter.
Loïc : Non mais inconsciemment, tu mets forcément tes influences dans ta musique.
Roland : Je n'ai pour habitude de réécouter beaucoup ce qu'on enregistre, mais quand je le fais, je vois autre chose que des influences. C'est plutôt des images, des souvenirs liés au studio et à l'enregistrement.
Antoine : C'est après coup qu'on se rend compte que certaines choses sonnent comme untel ou untel, surtout quand tu commences à faire écouter aux potes et qui te disent : "Là, ça ressemble à du Radiohead !"
Roland : En parlant de pote, ça me rappelle Alexandre qui un jour me dit après avoir écouté un nouveau morceau : "Putain, ça sonne tellement Why Mud !" (rires)

La pochette, c'est un photomontage ou une vraie photo ? Et où a t-elle été prise ?
Roland : C'est une vraie photo qui a été prise par un ami photographe en Écosse. Je l'avais vue sur sa page Facebook, ses couleurs un peu pastel, la maison complètement paumée et le paysage m'ont tout de suite parlé.
Loïc : Ce qu'était rigolo c'est que cette photo là, tu nous l'avais montré peut-être 6 mois ou un an avant qu'on réfléchisse à un artwork. On s'est pris la tête, même engueulé pour savoir ce qu'on devait faire pour cette pochette. On a essayé de dessiner des trucs, faire appel à des gens. Et 3 semaines avant la sortie, Roland a ressorti cette photo et on s'est demandé pourquoi on s'était finalement pris la tête alors que cette solution était évidente. Le photographe s'appelle Julien Soulier, et il commence à bien se faire connaître.

Vous passez par pas mal de concours-tremplins dont le Ricard SA Live Music, c'est indispensable selon vous pour avancer ?
Roland : On a d'ailleurs totalement loosé le Ricard SA Live Music. Non, ce n'est absolument pas indispensable de passer par des tremplins.
Antoine : Ça nous a notamment aidé pour avoir des fonds pour mixer l'album. On ne peut pas totalement cracher dessus.
Roland : Moi, ça me rend complètement fou de demander à mes potes de passer par tout un processus pour voter pour nous à un concours. Ca me gonfle totalement ce genre de truc.
Loïc : Tout en sachant qu'à la fin, ce sont des mecs qui choisissent. On s'était fait niqué avec mon groupe de l'époque. Non, mais pour le Ricard SA Live Music, t'as une première sélection où les mecs votent subjectivement. Tu ne sais même pas s'ils écoutent les sons réellement vu la masse de groupes présents, c'est ridicule. Je me souviens que Joey Starr disait que pour jouer il n'a jamais passé de concours et qu'il emmerdait les groupes qui étaient passés par des concours pour faire sa première partie. Ca m'a fait tilter parce qu'à l'époque d'NTM, c'était encore plus chaud de percer. Les tremplins et concours, c'est un truc à la mode où t'as l'impression que tout le monde se sent obligé de les faire.
Camille : En fait, les concours existent parce que les groupes sont noyés dans la masse. Encore aujourd'hui, on nous parle de faire Fallenfest et Emergenza. Merde, j'ai 30 piges, pas 17 !
Roland : Aucun groupe n'a besoin de ce concours, ça fait juste de la pub à Ricard et aux labels et partenaires qui participent à l'événement.

Quels sont les retours vis à vis de ce premier album ?
Roland : L'album sort le 8 avril officiellement, mais il est prêt depuis octobre en physique parce qu'à l'époque il fallait qu'il le soit pour la fameuse release party. On a du avoir une quinzaine d'articles sur les webzines pour le moment, on a vendu une centaine de téléchargement.
Antoine : C'est encore trop tôt pour le dire car notre communication est désormais gérée par des professionnels. Jusqu'à présent, c'était un peu à l'arrache, on vendait les disques sous le manteau en concert, c'était du bouche à oreille. Faut rappeler qu'on est pas labellisé, on est pas distribué, donc pour les retours, on va attendre un peu, même si jusqu'à présent c'est pas mal positif.

OK, donc votre intention, c'est de tendre vers la professionnalisation ?
Roland : Il y a un peu de ça, ouais. On reste des musiciens qui n'ont jamais réellement d'angoisse, on sait ce qu'on a à faire, que ça plaise ou non. On est forcément touché dans les deux situations. Notre désir, c'est d'aller de l'avant. Tu vois, on vient de sortir le disque, et on est déjà en train de penser au suivant, car plusieurs morceaux sont déjà prêts. Trois ans, c'est long quand même.

Mais il faut bien que votre nouvel album vive sur scène quand même !
Camille : Bien sûr ! On ne demande qu'à se barrer de Paris et voyager, aller dans les hôtels et s'enculer, par la force des choses (rires).
Roland : On a déjà eu un avant-goût de tournée en partant pour une date à Bordeaux. Repartir à Paris sans avoir dormi, on veut carrément revivre ça.
Antoine : Faut se mettre en quête d'un booker, c'est le premier objectif.

Why Mud Groupe 2 Roland, est-ce qu'il y a une bonne scène musicale à Sydney ?
Mais grave ! Curieusement, Sydney même, ce n'est pas la joie en terme de concerts, comparé à Paris. Mais comme il y a beaucoup moins de gens sur une superficie bien plus grande, tu vois beaucoup plus les musiciens qu'à Paris. Il n'y a pas de salles de concerts de malade à Sydney, à part l'opéra bien sûr. Là bas, tu as le label Modular Records (NDR : Architecture In Helsinki, Wolfmother, The Rapture, Movement) qui est mondialement connu. Ils ont lancé Tame Impala entre autres. Et ce qui est marrant c'est qu'à Sydney, les gens sont beaucoup plus accessibles. Si les gars de Modular Records étaient à Paris, ils seraient intouchables, inabordables. Je les croisais régulièrement dans le bar où je bossais, "Ca va Roland ?" et tout, et il y a même un gars de chez eux qui faisait aussi barman dans mon bar. A Sydney, il y a vraiment la place pour se développer en tant qu'artiste, même si tu n'es pas encore totalement confiant.

Pour terminer, pour ceux qui aimeraient se procurer l'album, c'est par où que ça se passe ?
Camille : Je peux donner mon 06 !
Antoine : Déjà, tu viens au concert si t'habites Paris. Et sinon, directement sur Internet à partir du 8 avril.
Camille : Tu trouveras les contacts sur notre page Facebook/whymud ou notre site internet whymud.co. Sinon, pour le streaming, on peut être écouté sur les plateformes Spotify, Deezer, Bandcamp (Why Mud) et Soundcloud.