We Insist ! - Berlin We Insist ! - Berlin Je ne crois pas me tromper en affirmant qu'il s'agit bel et bien ici du premier live report sur le W-Fenec d'un art qui se développe de plus en plus dans le monde du rock indé : le ciné-concert. Comme son nom l'indique, ce dernier est une représentation en direct d'une bande-son d'un film très souvent muet qui est projeté au public dans le même temps. Ce soir, We Insist ! a choisi cet exercice avec comme pellicule une œuvre de 1927, pas si anodine que cela, à savoir Berlin: Die sinfonie der großstadt réalisé par le pionnier du cinéma abstrait allemand Walter Ruttmann. Car doit-on rappeler que le désormais trio, après le départ du saxophoniste Cyrille Méchin et du guitariste Julien Divisia, a un lien fort avec cette ville où est implanté son label ? Encore une curiosité dans le monde de la musique que ne manquerait pas d'argumenter mon cher collègue AureliO. D'autant plus que le groupe a privilégié l'Allemagne pour débuter la tournée de son ciné-concert. Ne soyons pas mauvaise langue car cela n'est pas totalement illégitime non plus.

Avant de transgresser l'habituelle représentation musicale et en attendant que la salle se remplisse, Filiamotsa Soufflant Rhodes fait office d'amuse-gueule pour démarrer les festivités. Formation composée des deux musiciens (violon-batterie) de Filiamotsa - dont nous avions pu apercevoir le talent lors des Eurockéennes en 2010 - accompagnés d'une personne aux cuivres et d'une claviériste-machines, est le fruit d'une création portée par le CCAM de Vandoeuvre-Les-Nancy (54) et l'association Adénoïde Von Krollock. Le quatuor joue ses compositions tantôt noisy, tantôt ambient-post-rock, frôlant parfois l'improvisation avec ses déballages d'effets en tous genres. Presque envoutant de bout en bout, ce nouveau groupe restera comme une belle surprise de la soirée où We Insist ! est son attraction.

Berlin: Die sinfonie der großstadt pourrait être considéré comme avant-gardiste, tout comme le groupe qui joue sa bande-son ce soir. De par les différents rythmes imposés dans le montage de Ruttmann et de par cette espèce de "symphonie" élaborée grâce aux différentes matières vivantes que compose la ville de Berlin, cette œuvre filmée en pleine République de Weimar est un parfait terrain de jeu pour les membres de We Insist !. Composé originellement par Edmund Meisel, la musique proposée par le trio parisien donne le ton à chaque découpage de scène montrant la vie d'une ville en constant mouvement. Et sans une certaine maitrise instrumentale et une imagination débordante, le groupe n'aurait surement pas pu réussir un tel coup de force. Ainsi, les inspirations math-rock familières au trio viennent se frotter aux rythmes variés imposés par Herr Ruttman ou comment le tempo donné par les machines d'une imprimerie se retrouve sous un déluge de riffs vigoureux.

Même si la musique n'est pas toujours en raccord avec les images (on oublie assez vite l'apparition par moment de certains "blancs"), We Insist ! a le mérite de nous avoir ouvert l'esprit sur, d'une part, la qualité de cette œuvre encore très peu connue et en avance sur son temps, et d'autre part, sur le choc des générations en sonorisant une œuvre qui n'aurait pas pu bénéficier de cette musique à l'époque. Et puis, personnellement, il fut assez difficile de ne pas jongler entre la scène et l'écran plus en hauteur. La passion de la musique nous rattrape toujours.