Dire que j'ai beaucoup écouté Disruption, l'inespéré nouvel album des Vulgaires Machins est un doux euphémisme. Je ne te ferai pas l'affront de te présenter le quatuor Québécois dont la dernière apparition discographique remonte à... 2010. Séparé à la suite de Requiem pour les sourds, le groupe a repris ses activités aux alentours de 2016, et 2022 sonne donc comme le grand retour sur disque. Indisponible en version physique (pour le moment, espérons-le) en France, les plateformes numériques permettent de se délecter de ce petit bijou mi-punk mi-pop et 100 % authentique.
Le retour aux affaires des Vulgaires Machins (succédant à la réalisation de divers projets solo pour ses membres) est une aubaine. Certainement pour eux, et totalement pour nous. Comment ne pas succomber à la qualité d'écriture du groupe ? L'envie d'y retourner n'en est que plus formidable. Alors que les précédents opus étaient axés sur le constat d'une société apathique et la remise en cause d'un système qui nous dévore, le groupe aborde avec Disruption des thèmes bien plus personnels, tout en se préoccupant avec ses mots des maux politiques, environnementaux et libertaires, dans un sentiment mêlé de désillusion et de questionnement en tout genre. Un cri du cœur ? Oui, assurément. Ou plutôt un cri des cœurs, le chant étant équitablement (ou presque) partagé entre Guillaume Beauregard et Marie-Ève Roy, les deux guitaristes de la formation. Ce qui a pour conséquence d'équilibrer les forces et sublimer l'ensemble.
Mélangeant avec brio les brûlots punk-rock ("Liberté", "Obsolète") et les titres aux accents pop (le formidable "Asile", "Entre le deuil et le blâme", "Imbécile"), Vulgaires Machins tire toujours profit de ses chansons pour délivrer des paroles justes sur fond de refrains imparables (tous les morceaux, mais mention "plus plus" à "Obsolète"). Les guitares sont moins tranchantes, tandis que les textes restent forts et percutants. Indémodable et incontrôlable machine à tubes, Vulgaires Machins délivre des moments forts qui incitent à la remise en question et qui ne vont pas arranger le mal-être qui est en nous. Chanté en français, Disruption est un disque mélancolique, émouvant, rageur, introspectif mais aussi porteur d'espoir. Avec pour fil conducteur des harmonies maîtrisées et des morceaux plus qu'aboutis. Une réussite, tout simplement.
"Je lève mon verre" aux Vulgaires Machins, auteurs d'un "Indicible" disque qui n'a rien d'"Imbécile" ou d'"Obsolète" et que je pourrais écouter "Jusqu'à l'aurore". Comme quoi, en mélangeant au sein d'une même phrase le titre de quelques morceaux de ce brillant album, on peut percevoir de l'amour et de l'espoir.
Publié dans le Mag #55