En attendant le réveil des Sleeppers, rien de tel que de s'abreuver à la source si on a soif de riffs à la saturation noisy et granuleuse, cette source est bien connue puisque les Unsane nous triturent les oreilles avec leur son si particulier depuis maintenant presque une trentaine d'années même si leurs apparitions sont rares (on n'en est qu'au huitième album). L'artwork est toujours ensanglanté mais si Andrew Schneider (Cult of Luna, Pneu, Rosetta, Keelhaul...) s'est encore occupé du mixage, c'est Dave Curran (bassiste et chanteur) qui a géré les prises (comme il l'a déjà fait pour Sofy Major ou Big Business) et s'en sort plutôt bien quand il faut rendre un son cradingue, abrasif et identifiable. Les New Yorkais ont encore changé de label, passant cette fois-ci chez Southern Lord (All Pigs Must Die, Earth, Pelican, Sunn O)))...), ce qui prouve à la fois que les labels alternatifs et corrosifs ne manquent pas outre-Atlantique et que les Unsane ont la bougeotte.
Sterilize donc. Tu m'étonnes qu'il va falloir stériliser ce bordel. Dans une société de plus en plus aseptisée où même certains des artistes reconnus comme assez déviants sortent des opus ultra lisses et léchés, le trio noise-core balance des kilos de riffs rouillés, un chant filtré par des graviers et des lignes de basse ultra gravement saturées, de quoi choper le tétanos par simple contact auditif. M'en fous, suis vacciné alors j'y retourne. C'est qu'on prend un plaisir fou à se faire défoncer les oreilles par ces mélodies criardes, ces enchaînements de notes rampantes qui cherchent à gratter les moindres écorchures pour étendre les plaies pour créer cette petite croûte de sang coagulé que tu vas arracher plusieurs de jours de suite en sachant pertinemment que ça ralentira la guérison. Démangeaison jouissive que tu ne cherches pas à contrôler, l'écoute de cet album fait un bien fou car les sons entrent en résonance avec le corps, le plaisir est animal, aussi brutal que certains breaks mais parfois également aussi délicats que les caresses de la lame d'un couteau sur la peau. Les quelques aérations (par des notes plus aiguës, par le ralentissement du tempo, par la baisse de densité de l'air ambiant...) démontrent une véritable envie pour le groupe de diversifier ses titres et de ne pas simplement faire leur truc sans se casser la tête.
Les offrandes d'Unsane sont rares, elles sont exigeantes, peut-être dangereuses mais c'est à chaque fois une ode aux sonorités rock les plus écorchées et aux sensations pures. Va donc vérifier dans ton carnet de santé que tu es à jour avec tes vaccins contre toutes les saloperies qui traînent et Sterilize-toi.
Publié dans le Mag #30