David Basso Salut David. Peux-tu tout d'abord te présenter en quelques mots auprès de nos lecteurs : ton parcours, tes activités principales....
Je suis donc David Basso, je réalise des clips pour des groupes allant du punk-rock (Uncommonmenfrommars, Forest Pooky, Flying Donuts) à la chanson française (Amélie-lès-Crayons, Suissa). J'en ai réalisé une cinquantaine. Je suis également photographe (www.punkframeshop.com) et je réalise aussi des films pour les entreprises. Je suis indépendant depuis 2004 en gros :)

Diesel est construit autour des Uncommonmenfrommars, groupe que tu as vu naître, grandir, évoluer et stopper les activités après une carrière prolifique en disques et en concerts. Diesel aurait-il pu voir le jour sans ce groupe ?
Oui. D'une autre manière, j'aurais raconté une autre histoire peut être tournée autour de ISP, que j'ai filmé pendant de nombreuses années, ou les Flying Donuts, qui ont eu aussi un beau parcours sur 20 ans. Mais quand j'ai décidé de raconter une histoire, plutôt que de faire un documentaire sur une scène avec son lot d'interviews par genres, j'ai regardé mes images sur ces 20 dernières années et j'ai vu que j'avais la vie d'un groupe du lycée à aujourd'hui, du parcours de la major au label indé, des tournées de belles salles aux petits clubs en Allemagne et au Japon. Une histoire qui est leur histoire, qui est liée en parallèle à la mienne et touche le plus de monde possible.

Dans le film, tu expliques en préambule que tu connaissais les jumeaux Daff et Trint, ainsi que leur famille, depuis que tu étais à l'école, et que tu as commencé à les filmer quand ils ont débuté leurs activités musicales. Mais à partir de quel moment Diesel a commencé à te trotter dans la tête ? Dès le début, tu avais la ligne directrice ou la colonne vertébrale du film en tête ?
L'idée du projet Diesel est née en 1999, au moment où j'ai compris que ce que je filmais devait être archivé pour en faire un jour un film. La ligne directrice telle qu'elle est dans le film ne s'est écrite qu'en 2015, mais je voulais raconter depuis le départ la vie d'un groupe qui s'enferme dans un van 9 places pour aller faire un concert à l'autre bout de la France, jouer 45 minutes et revenir le lendemain ! Raconter l'histoire de ces groupes qui pressent leur tee-shirt, leur CD, gèrent leur merch, leur tournée, et ce de façon DIY. Les groupes dont on ne parle pas dans les documentaires, en somme.

D'ailleurs, pourquoi ce titre "Diesel" ?
C'est lié au carburant le moins cher quand on est un petit groupe qui fait une tournée au cours de laquelle les frais de route sont énormes et où il faut faire au plus économique pour ne pas finir trop dans le rouge !

J'ai été marqué par Peter Black des Hard Ons (qui a un boulot à plein temps en Australie) qui explique en avoir voulu à l'époque à Nirvana d'avoir explosé, dans le sens où le grand public a depuis été persuadé que les rockeurs et punk rockeurs étaient des millionnaires ou des rentiers. Et dans le même temps, Sam Guillerand a également cette analyse intéressante qui veut que les gens qu'il côtoie dans la société le discrédite car il est musicien. Lors de la réalisation de ce film et au gré des séances de présentations du film dans les salles, des auditeurs ou spectateurs t'ont-ils fait part du fait que leur vision de la situation était faussée ?
Très peu sont venus me voir pour se confier sur ce sujet finalement. Quand on en parle, les spectateurs sont contents d'être éclairés sur le sujet et de voir les groupes en parler avec de solides arguments. Le film a donné envie à des gens qui n'y connaissaient rien à "googler" ou "spotifier" le nom des groupes pour les découvrir ! Les gens sont surpris et admiratifs de la passion qui nourrit tous ces groupes (que ce soit leur métier ou non) qui vivent finalement leur passion.

Les Unco, au même titre que les Burning Heads, ont gouté aux majors pour finalement se sentir plus libres et peut être plus heureux en indépendants en gérant par eux même tout ou presque (les Burning créant même leur label). On a même l'impression que ce dur labeur les a sauvé (en tout cas pour ces deux groupes) : selon toi, le punk rock est-il voué à rester indépendant avec des passionnés aux manettes pour qu'il survive ?
Je ne sais pas si le punk rock est voué à rester qu'à être connu par une bande d'initiés ou passionnés. Ça dépend des modes, mais c'est la base de la solidité de cette scène, c'est pour ça qu'elle reste solide et vraie. La passion ne ment pas, et comme le dit Greg Laraigne dans le film : si tu deviens gros et qu'un jour tu redescends, si tu viens du DIY, ça t'apporte des bases solides pour toute ta vie, tu le fais par passion, qu'il y ait de l'argent ou non qui rentre en jeu !

Diesel Tu présentes ton film Diesel dans des cinémas et des salles à travers la France. Une sortie nationale ou une diffusion TV est-elle envisageable ? Au final, le réseau du cinéma indépendant trouve des similitudes avec le réseau punk rock ?
Complètement. Le circuit CNC (Centre National du Cinéma et de l'image animée) / prod agréée / distribution est très fermé : si tu n'entres pas dans la boucle dès les premières lignes de scénario pour gratter du financement d'état, c'est le parcours du combattant. Mais on va y arriver ! Sans le réseau punk rock, le film ne vivrait pas de la même façon ! Ce sont les fans, les passionnées qui le réclament et qui se bougent pour le diffuser. Pour exemple, une asso à Reignier (74) a organisé une projection du film dans un cinéma devant 60 personnes le 23 décembre dernier. Je les remerciais pour la soirée, et ils m'ont dit que c'était une première pour eux d'organiser une projection d'un film, étant plus habitués à l'organisation de concerts ! Ils se sont tournés vers le cinéma du coin parce qu'ils voulaient simplement voir le film, c'est la raison principale. Diesel, c'est le film d'un passionné avec des passionné(e)s pour les passionné(e)s (et le grand public) ! Encore une fois, la passion soulève les obstacles.

Tu as réalisé pour ce film des dizaines d'interviews qui n'ont pas pu toutes être retenues dans le montage. Des mauvais souvenirs, des déceptions ? Quelles ont été pour toi les rencontres les plus marquantes ? Une réflexion à retenir ? Ma femme est persuadée que Frank Turner est un type sympa, tu confirmes ?
Yes, il est hyper sympa ! Forest Pooky l'a côtoyé l'automne dernier sur une tournée, il te le confirmera aussi ! Il y a 10 ans, Frank Turner jouait en France devant 10 pélots. Il sait d'où il vient ! La rencontre la plus marquante, émotionnellement parlant et pour ce que ça représente, c'est celle avec Bad Religion. Je n'ai pas touché terre pendant 3 semaines après ! Mais celle qui m'a le plus touché sur le fond est celle de Nasty Samy : il en dit plus qu'en une interview de dix interlocuteurs réunis ! Il me semble que l'interview dure à peu près une heure, comme celle de Peter Black des Hard-Ons qui dure pas loin d'une heure trente ! Ce sont des musiciens qui ont fait énormément de choses, qui "vivent" la musique au quotidien, connaissent parfaitement les contraintes qu'impliquent le fait d'être musicien, et s'ils ont tout ce temps à te consacrer pour une interview, c'est que du bonheur pour ton film. Après ma toute première interview de Sid (manager des Unco) et Ed en rentrant d'une tournée en 2008, et qui a duré une heure (avec du blabla, des pépites, des infos, du contenu), c'est à ce moment là que je me suis dit que je ne verrais pas le bout du montage du film si je continuais à faire des interviews fleuves !

Diesel Les moyens de communication au début des Unco n'ont plus rien à voir avec ce qui se passe aujourd'hui (Internet, réseaux sociaux, plateformes de financement participatif,...). Tu parles des fanzines dans Diesel, mais rarement, les zines sur la toile ou plus largement Internet ne sont évoqués. Une raison particulière ?
Non, ce n'est pas un oubli, c'est que le sujet est dense. Les fanzines sont une trace écrite, le papier survit au temps. Par exemple, j'aurais pu parler de Myspace qui a aidé pas mal de groupes à se prendre en main, mais je n'ai pas trouvé de captures d'écrans de l'époque, pas de traces exploitables visuellement. Volontairement, je ne me suis pas engouffré dans ce sujet-là de peur de ne pas savoir bien en parler ! Je suis déjà content d'avoir abordé le thème des fanzines dans un film de 1h30 sans perdre le spectateur !

Toi qui a grandi aux sons des années 90's, qui a côtoyé la scène inde noise punk française et la relève des 00's avec Unco, Flying Donuts, Dead Pop Club, que t'inspire le renouveau de la scène française ?
Je suis largué ! Et pourtant, j'essaye de découvrir de nouveaux groupes ! Mais les groupes que j'écoute en ce moment sont soit des copains (Forest Pooky, Mighty Bombs, Hateful Monday, WarHill, Mike Noegraf, Oakman), soit des groupes qui ont tourné avec des copains (Seth Anderson, Frank Turner, The Decline!) ou des copains de copains qui ont tourné avec des copains (Heavy Heart, Toy Guitar). Mais bon, tu dois connaître parfaitement ce que je dis !

Diesel Quel accueil reçoit Diesel auprès du public et des "professionnels". Et les Unco, ça leur a fait quoi de voir le film ?
Daff s'est confié en disant que Diesel était ce qu'il le rattachait à la musique aujourd'hui. Il veut même s'investir dans le projet, filer un coup de main (dont les sous-titres anglais du film, ce qu'il a fait). Je n'ai pas eu de conversation franche et sérieuse sur le film avec Ed et Jim qui l'ont vu à Orléans en mai 2017, d'autant plus que c'était un autre montage du film que celui que l'on peut voir aujourd'hui. Jim était content/rassuré que UMFM ne soit qu'un fil conducteur pour le film, qu'il ne soit pas une biographie complètement sur le groupe, même si on en apprend beaucoup sur ce dernier. Ed m'a dit : "C'est cool, bravo !" (c'est sans doute le plus long compliment qu'il ait pu me faire de toute sa vie, ah ah). Après, je n'ai fait qu'observer leurs réactions durant la projection, ils étaient très enthousiastes à la première, alors pas besoin de s'échanger des mots non ? ;)
Trint et Daff (sans oublier leur maman) étaient émus pour la première du film à Romans en octobre dernier ! On a regardé Diesel deux ou trois fois ensemble avec Trint, et c'est marrant, c'est comme des commentaires audio de DVD : on rigole, on papote tout le long, c'est notre vie qui défile ! On parle souvent des Unco, mais il y a aussi Forest qui est très présent dans le film, étant leur petit frère ! Forest Pooky a été très investi dès le début du montage sur la traduction de pratiquement toutes les interviews anglaises, il a vu le film dans toutes ses versions ! La première fois qu'il l'a vu en public, c'était à Tours, ça lui a fait bizarre de ressentir des passages de sa vie, de celle de sa famille avec la réaction des gens !

Tu as lancé il y a quelques mois (années) un financement participatif pour que le film puisse voir le jour et qu'il soit édité en DVD, financement qui a rencontré un joli succès. En plus du film, le DVD présentera-t-il des bonus type extraits de concerts, interviews ? Peut-on toujours commander le DVD ?
Oui, on peut toujours passer commande du DVD, vu que je ne l'ai pas encore édité. Le film est terminé depuis octobre 2017 mais j'ai encore beaucoup de travail dessus : le montage des contenus est une sérieuse étape, ainsi que de sous-titrer le film en anglais. Même si il y a eu quelques pré-achat du film aux Etats-Unis, en Italie ou en Allemagne, ils sont en droit de le comprendre non ? Envoyer le film en festival représente des frais, sans parler de la promotion... Toute rentrée d'argent est le bienvenue ! J'en aurais besoin pour monter les bonus. En parlant des bonus, je dispose de captations de concerts et d'autres trucs cool à monter et montrer !

Si tu as quelque chose à ajouter, c'est le bon moment.
Merci de soutenir le projet ! Et rendez-vous sur le site (http://diesel-lefilm.com) pour toute action : programmation, pré-achat du DVD, merch...