Ukandanz - Awo Que celui qui a déjà écouté du rock alambiqué un tantinet noise (crunch plus précisément), chanté en éthiopien et influencé par la culture musicale de ce pays, me file son 06 pour que j'aille visiter de suite sa discothèque. Je me vois bien arriver dans une espèce de caverne d'Ali-Baba où se nicherait un disque de black-zouk norvégien à côté d'un de salsacore (oui, j'aime les néologismes) cubain. Ne rêvons pas et ne tombons pas non plus dans les extrêmes, mais sachez qu'Ukandanz fait partie de ces formations O.M.N.I. sur lesquelles on adore tomber. A ce sujet, on remercie chaleureusement les labels Dur et Doux, Bigoût Records, Buda musique, Ethiosonic et Atypeek Music qui s'y sont tous mis pour sortir sous toutes ses formes, Awo, le deuxième album de cette formation déjà parent d'un prénommé Yetchalal en 2012.

Petit point historique avant de parler du contenu de cette galette : Ukandanz est donc la rencontre d'un quatuor français lyonnais - constitué de Lionel Martin au saxophone ténor (Bunktilt, Raw), de Damien Cluzel, guitariste chez Kouma, Pixvae et Polymorphie, du bassiste Benoît Lecomte (JMPZ, Ni, Suba) et de Guilhem Meier, batteur de Poil, ICSIS, Loo et Dof - avec Asnake Gebreyes, un charismatique chanteur de la scène d'Addis Abeba en Éthiopie. Autrement dit, une belle brochette de musiciens qui s'avère explosive sur le papier, logiquement confirmé sur disque où cette formule rock singulière, s'inspirant de chansons traditionnelles et populaires des Azmaris (troubadours éthiopiens), prend tout son sens.

Outre la belle surprise de cette fusion unique appelé "Ethiocrunch" par certains, Awo se révèle comme une transe sonore électrique appuyée d'abord par une rythmique convulsive lourde, puissante et légèrement saturée. Sur laquelle s'ajoutent deux éléments importants qui dirigent l'état d'exaltation, à savoir le sax ténor torrentueux de Lionel qui s'aventure autant sur les rythmiques qu'en "lead" et le chant éblouissant et incontrôlable d'Anaske. Cet album se vit presque comme une expérience live, tant l'énergie qui s'en dégage est brute de décoffrage, tel un groupe de free-jazz qui s'amuse à faire virevolter ses ambiances pour décontenancer son audience. Sans être de l'éthio-jazz, ni même réellement du rock tel qu'on le connaît en occident, Ukandanz dresse une véritable leçon de brassage des cultures musicales internationales et prouve avec classe que la sauvagerie sonore se conjugue à toutes les sauces, surtout lorsqu'elle est influencée par un pays dont on a tant à apprendre en terme musical.