Troy Von Balthazar Salut Troy, comment as-tu survécu à la crise sanitaire et tes confinements depuis 1 an et demi ?
J'ai pris le temps de terminer mon nouvel album et de commencer le suivant. C'était un moment difficile et étrange pour nous tous et c'était dur de voir mes amis souffrir à la fois de la peur qu'engendre cette crise et de la maladie que provoque ce virus. J'ai reçu deux vaccins, alors j'essaie d'être intelligent et prudent avec ce virus. Nous avons eu la chance jusqu'à présent de ne pas connaître de guerre majeure dans cette région de notre vivant, mais ce virus est similaire sous certains aspects. J'espère que ce moment de folie passera bientôt et que dans quelques années, ce ne sera plus qu'un étrange souvenir.

Ce nouvel album est sorti en août et s'intitule Courage, mon amour !. Pourquoi avoir utilisé la langue française pour l'identifier ?
Je vis en France depuis quelques années après avoir passé plus de 6 ans à Berlin. À la fin de mon séjour à Berlin, j'en avais vraiment assez des humains, et de la vie en général, alors j'ai déménagé dans la Creuse pour être loin de tout. Là-bas, je passe mon temps avec les vaches et les arbres. J'ai passé quelques années seul, c'était important pour moi d'avoir le temps de réfléchir, de prendre quelques jours pour vraiment se poser les bonnes questions et d'avoir le temps d'y répondre sans que mes pensées soient altérées. C'était bien d'essayer cela, cela a fait de moi une personne plus heureuse. C'est un réel plaisir d'être de retour en France, la plupart de mes amis sont ici. Je trouve que la culture ici est comme les petites vagues d'un lac, il y a une certaine fluidité dans la culture française qui est douce et naturelle. C'est agréable de vivre ça.

À qui s'adresse "mon amour" dans ce titre ?
Oh, c'est une exclamation qui s'exprime de manière générale, c'est une expression qu'on utilise pour essayer de donner du courage dans un moment difficile, comme une pensée qu'on pourrait dire à quelqu'un qu'on connaît. En cette période spéciale, nous devrions tous la dire.

Peux-tu nous parler de "Le monde extérieur", titre qui est également en français ? Est-il lié à la pandémie ?
Ce texte a été écrit avant la pandémie. Il est extrait de mon livre Caution! Poison snake! No entry!. Je voulais parler français sur cet album parce que c'est important pour moi de me rapprocher de cette langue. Pendant de nombreuses années, je ne voulais pas être connecté, je voulais comme bloquer la plupart de ce que les gens disaient. J'aimais la liberté et le silence, mais maintenant, je me sens un peu différent. J'aimerais parler à mes amis en français, me joindre à eux à la fête. Nous pouvons tous changer.

Ce disque est surement plus intime que tes précédents, j'ai l'impression que tu as beaucoup plus utilisé le piano et les synthés. Quelle approche as-tu eu pour composer ce disque ? Combien de temps cela a-t-il pris ?
J'ai enregistré ce disque tout seul dans la Creuse, dans une petite maison. Mon processus de travail est simple : Je me réveille le matin en pensant à la chanson de la veille. Le reste de la journée, je prends du temps au piano, à la guitare ou à un autre instrument pour trouver la meilleure façon de l'exprimer. J'enregistre cette musique le jour même, pendant qu'elle est encore fraîche. C'est comme une amibe à ce stade, sans forme. Le lendemain, je cherche des paroles dans mes livres ou j'écris de nouveaux mots pour les adapter à la musique. Mon chant est enregistré en une fois, et l'enregistrement s'effectue tout en même temps que j'écris. Je suis devenu très attaché à cette façon de faire de la musique. C'est plus proche de la peinture à bien des égards. Cela ne fonctionnerait pas dans un grand studio car cela prendrait trop de temps, mais seul à la campagne avec toutes mes guitares autour de moi, c'est incroyable. Chaque soir, je m'endors heureux, et le lendemain matin, je continue...

Où as-tu été puiser ton inspiration pour ce disque ?
Tu sais, je suis quelqu'un de très simple dans la vie. C'est d'ailleurs comme ça que je me décrirais. Je ne veux rien d'autre que ce que j'ai actuellement, tout m'inspire ici.

Le dessin enfantin sur la pochette donne aussi ce sentiment de rentrer dans ton intimité. Pourquoi ce choix ? Quel message as-tu voulu donner à travers ce dessin ?
La peinture est un moment personnel que j'ai vécu une fois. Un moment spécial que j'ai vécu avec le regard d'un enfant. Juste une milliseconde qui a été extra colorée dans mon esprit. Il y a une harmonie dans l'imperfection du souvenir. J'ai offert ce tableau à quelqu'un de spécial dans ma vie et je l'ai revu récemment en réfléchissant à une idée d'album. J'ai ressenti une connexion avec cette peinture comme cela arrive avec une nouvelle chanson qu'on compose. J'ai donc décidé d'en faire la couverture de l'album. J'ai dit à mon amie : "Elle vaudra un million d'euros à ma mort". Elle n'était pas d'accord... jusqu'à présent.

Troy Von Balthazar - Courage mon amour Tu sembles porter beaucoup d'attention aux paroles de tes chansons d'autant plus que les compositions les subliment. Ressens-tu le besoin de transmettre tes textes au public, aussi fortement que ta musique ?
Les paroles sont toutes aussi importantes que la musique. Selon moi, il y a tellement plus de fantaisie dans les textes, tant de choses à examiner et à exprimer, extérieurement et intérieurement. J'aime prendre du temps et essayer de rendre mes textes forts, en espérant que quelquefois je parvienne à réussir à le faire.

As-tu prévu de sortir de nouveau recueil de poésie ?
Non, mais j'écris toujours.

As-tu participé de près ou de loin à la réalisation du clip de "What I like (About me) ? Peux-tu nous en parler ?
Non, je n'ai pas pris part à l'écriture ou à la réalisation de ce clip. C'est un réalisateur de Los Angeles, Joey Alvarado, qui s'est chargé de ça, un gars super sympa. Il a aimé la chanson et je lui ai donné entière confiance. J'ai découvert le clip le jour où il a été mis en ligne.

Sur le disque précédent, la release party s'est faite avec Elias Dris. Est-ce une chose que tu souhaiterais refaire dans le cadre d'une tournée, inviter quelqu'un ?
Bien sûr ! Tout le monde est le bienvenu sur scène quand je joue devant un public. Parfois, je me sens seul sur scène, alors je suis toujours heureux quand quelqu'un monte et chante avec moi.

En parlant d'invité, je voulais savoir si tu avais des nouvelles d'Adeline Fargier et si tu pensais un jour rejouer avec elle, car je trouvais votre duo très complémentaire et assez magique.
J'aimerais beaucoup rejouer avec Adeline. Elle joue de la guitare avec Cat Power depuis plus de 5 ans lors de ses tournées mondiales. Je les ai vus jouer à Berlin, c'était incroyable. Adeline est une musicienne extraordinaire, avec un vrai style musical. On peut s'entraîner pendant des années pour devenir un bon musicien mais on ne le peut pas pour avoir un style naturel. Elle l'a naturellement dans son jeu.

Fin d'année 2020, Vicious circle a réédité A taste for bitters, album majeur de la scène indie de la fin des nineties, est-ce que vous êtes prêt à remonter sur scène pour fêter cette réédition ?
J'étais très ravi que Vicious circle réédite cet album, qui était très spécial pour moi. Philippe Couderc, le fondateur du label, était un fan de Chokebore et a été d'un grand soutien pour la sortie de l'album. Il est décédé récemment, il me manque. Nous aimerions un jour refaire des concerts avec Chokebore, mais l'avenir est incertain et la fin est toujours proche.

Quels sont tes plans pour les prochains mois et années ? Une tournée est-elle prévue pour défendre ce nouveau disque ? Ou la situation actuelle compliquée est quelque chose qui t'empêche de te projeter ?
Mon désir pour les prochaines années est de faire de meilleurs albums. J'aime aussi mixer la musique d'autres artistes, c'est quelque chose que je fais beaucoup en ce moment car j'adore cette étape dans la création musicale. En ce moment, je suis en plein dans l'enregistrement de mon prochain album. Je ferai de la musique aussi longtemps que je le pourrai avant d'être en panne d'inspiration ou d'énergie. Avant cela, je voudrais écrire quelque chose de vraiment beau. Je m'en suis approché plusieurs fois mais je n'ai jamais atteint cette musique que j'entends dans mes rêves. Écrire la musique de mes rêves, c'est mon plan.

Pourrais tu finir cette interview par ta citation favorite ?
"Je ne me souviens même pas de quel jour on est, comment pourrais-je alors me souvenir d'une citation ?" de Troy Von Balthazar !