Tomahawk - Oddfellows Ils sont de retour : quelques mois après la boxset vinyl collector Eponymous to anonymous, mais surtout cinq années après leur dernier méfait studio, les membres de Tomahawk reviennent aux affaires avec toujours ce line-up à faire pâlir le plus blasé des critiques rock. Pour mémoire : Mike Patton (Faith No More, Fantômas, Mr Bungle, Peeping Tom + 75 autres projets divers et variés), Duane Denison (ex-The Jesus Lizard), John Stanier (ex-Helmet, Battles) et surtout le nouveau : Trevor Dunn (il n'avait pas participé à l'enregistrement d'Anonymous sorti en 2007) qui remplace Kevin Rutmanis démissionnaire. Un quatrième larron, collaborateur de très longue date de Patton qui fera difficilement regretter l'ex-Melvins avec son CV en béton armé (Fantômas, Mr Bungle, Secret Chiefs 3, MadLove et Melvins lui aussi depuis peu). On vend du rêve là.

En clair, si Rutmanis est bon, Tomahawk n'a certainement pas perdu au change et son nouveau-né toujours sorti chez Ipecac (le label co-géré par Mike Patton himself, on reste en famille), en est la démonstration incontestable. Pas de round d'observation, on piétine les cendres du calumet de la paix et on déterre la hache de guerre avec un premier titre éponyme, littéralement habité par une tension sous-jacente vénéneuse. Une mise en bouche presque noisy, insidieuse, millimétrée qui plonge d'entrée de jeu l'auditeur dans cet Oddfellows au riffing lizardien, lignes de basse acérées comme des lames de rasoir et à la précision rythmique évidemment implacable. On passe à la suite et le groupe envoie un single évident avec le tubesque "Stone letter". Patton expédie ses vocalises avec tout le charisme qu'on lui connaît. Ses compères, eux, ne sont pas en reste pour faire parler leur groove à l'efficacité indie-rock alternative mis en exergue par une production très sobre (confiée à Collin Dupuis - The Black Keys). Mais pas que, car Tomahawk claque rapidement des hits instantanés avec un "I.O.U." aussi court que ténébreux avant de laisser la place à la tornade "White hats/Black hats".

Si d'aucun critiqueront l'apparent manque d'homogénéité ou l'absence relative de ligne directrice de l'album, on objectera que c'est avec des titres de ce calibre que le groupe impose sa griffe électrique comme personne. Et pour confirmer cet état de fait, il calme radicalement le jeu quelques instants plus tard avec le minimaliste "A thousand eyes" puis insuffle sa frénésie rock et ses accès de folie à la pattonerie parfaitement assumée sur le jazzy "Rise up dirty waters". Idem sur "The quiet few". Hanté par une certaine idée du rock caniculaire, alternatif, chamanique et polymorphe ("I can almost see them"), le carré d'as américain fait ce qu'il veut avec sa maestria habituelle. Qu'il s'agisse de dévorer goulument la platine avec un "South paw" gentiment fracassant ou de laisser filer les choses tout en nonchalance feinte ("Choke neck"). Quoiqu'il fasse, Tomahawk le réussit avec une facilité toujours déconcertante même si évidemment peu surprenante. Un "Baby let's play ____" charnel et enfiévré avant un "Typhoon" final aussi véloce que tendu comme une arbalète, Tomahawk boucle la boucle avec classe et rappelle qu'avec eux, les bonnes vieilles habitudes ne changent jamais.