À travers les décennies, qu'est-ce qu'on en a bouffé du post-punk ! Je parierai fort que certains de nos lecteurs ont même perçu les résonnances des fréquences de Joy Division, Bauhaus ou Siouxsie and The Banshees traversant le liquide amniotique de leur mère. Début 2020, un groupe lyonnais nommé Tisiphone s'en est fortement inspiré pour constituer les grandes lignes de son premier EP Koma forte, quatre ans après un album inaugural. Une façon de se réapproprier un style qui ne vieillit décidemment pas en y rajoutant cette petite touche de "cold" mystérieuse et un tempérament exubérant qui sied parfaitement au propos. Enregistré à la Station MIR à Lyon, cet EP trouve son (dés)équilibre dans l'ambivalence de ses atmosphères, qu'elles soient vocales ou instrumentales. "Heureux je suis", titre intronisant cet EP, nous embarque dans un trip crescendo, insidieux, percussif et foncièrement rock dans lequel se mêlent voix tendue façon talk-over et cris hystériques. On se dit à cet instant que cette demi-heure va s'annoncer rude et dense tandis que "Nasty kids" nous prend à contre-pied en déployant une humeur beaucoup plus flegmatique presque hypnotique. "Atomic tissue" est surement le morceau le plus "fun" du disque, instantanément dansant, il nous rappelle par moment l'esprit de Duchess Says alors qu'"Exil" pourrait totalement être le résultat d'une rencontre entre 1=0 et Delacave. "Bully" calme à nouveau les ardeurs, sa poésie faisant corps avec un univers stellaire et cosmique avant que "Rageux" nous assomme une dernière fois les tympans avec sa rythmique mécanique, sa basse sombre et cradingue. Une cold-wave folle et digne d'intérêt que l'on préfère de loin en VF, c'est peut-être le seul conseil qu'on prodiguerait à Clara, Suzanne et Léonard.
Publié dans le Mag #44