Thom Yorke : The eraser Neuf titres, neuf pistes composées et interprétées par un Thom Yorke qui a décidé de faire un pas de côté par rapport à l'entité Radiohead sans pour autant complètement revendiquer son indépendance. Au contraire. Comme si naviguer entre deux eaux, à la manière de certains des derniers travaux du groupe était pour lui une manière de mieux s'affirmer. Un pari osé, mais tellement excitant pour un homme, vocaliste de génie, frontman charismatique qui n'a depuis bien longtemps plus grand chose à prouver et peut quasiment tout se permettre. Mais Thom Yorke n'est pas homme à se laisser griser par la facilité et malgré une discographique hors-norme, demeure un artiste inspiré, travailleur et cherchant à se renouveler avec un projet lui permettant de mettre en danger son confort artistique. Et, à l'instar de l'expérimental Bodysong, signé de son compère au sein de Radiohead, Johnny Greenwood, Thom s'est ici fait plaisir. Et dès les premières secondes, les accords de clavier de l'éponyme "The eraser", nous emmènent vers des sphères éléctro-pop instropectives et hypnotiques. Les arrangements sont particulièrement travaillés, fourmillent de détails et autres subtilités éléctroniques, la voix de Thom Yorke vient se poser dessus avec un sentiment d'harmonie absolue, nous transportant par là même dans un autre monde. Mélodies feutrées, inspirations cold-wave, la pop sophistiquée et mêlée d'éléctro doucereuse délivrée par le vocaliste de Radiohead trouve l'un de ses climax dès le second titre de l'album : l'excellentissime "Analyse". Quid d'un minimum d'objectivité ici ?
On pourra dire ce que l'on voudra, Thom accouche avec ce morceau d'une merveilleuse pépite, suave et poétique. Entre intensité mélodique et retenue discrète, on perçoit ci et là un artiste qui ne cherche pas à en imposer, mais plutôt en faire ce que bon lui semble... avec un talent fou. Un clavier évoquant tout naturellement le travail de Sebastien Tellier sur son Sessions, une éléctro chaleureuse mais d'une précision quasi chirurgicale, "The clock" ou "Black swan" révèle la véritable nature de ce qui fait l'essence de The eraser. Entre velleités expérimentales et approche mélodique tout en raffinement, Thom Yorke a composé un album qui apparaît comme le plus pur prolongement des orientations éléctroniques entrevues chez Radiohead. Regorgeant de petites trouvailles éléctro-pop mais également très accessible, The eraser est de ces albums qui parvienent à innover tout en rester incroyablement agréable à écouter. Rythmiques groovy (Black swan), ambiances cotonneuses sur l'obsessionnel "Skid divided", ou étrangeté pop pour le synthétique "Atoms for peace", The eraser ne donne jamais dans le redite (le clinique "And It rained all night"), son auteur semblant être parvenu à se réinventer à chaque nouvelle composition. Et trouve alors le second climax de son album : "Harrowdown hill". Single annoncé de ce premier essai discographique semi-solo, ce titre est un hit absolu.
Epuré et émotionnellement envoûtant, développant mille nuances sans jamais en perdre une seule en route, avec un Thom Yorke au sommet de son art, ce morceau apparaît comme la synthèse idéale de ce qu'est ce projet semi-solo du chanteur de Radiohead. Neuvième et dernier titre de cet album hors-norme, l'halluciné "Cymbal rush", vient boucler la boucle éléctro-pop de The eraser, et mettre une touche finale à une oeuvre remarquable de maîtrise, inspirée et personnelle que Thom a écrite et interprétée avec une élégance confondante. Chapeau-bàs.