Au début des années 90, Thom Yorke commence sa carrière musicale en tant que chanteur de Radiohead. D'abord estampillée rock, la formation d'Abington explore les terrains de l'électro/rock au fil du temps. Le groupe a enregistré neuf albums studios, le dernier en date remontant à 2016 (A moon shaped pool). Parallèlement, Thom Yorke a pris des chemins de traverse. Entre 2006 et 2019, il se lance dans une carrière solo. Vient alors la nécessité de s'entourer de musiciens de tournée : il fonde alors un supergroupe, Atoms For Peace, avec Flea (Red Hot Chili Peppers), Nigel Godrich (Radiohead) et Joey Waronker. Plus récemment, il s'est lancé dans deux projets. D'un côté, il est membre fondateur du groupe The Smile avec Jonny Greenwood (Radiohead) et Tom Skinner (Sons of Kemet), de l'autre, il réalise des bandes originales pour le cinéma. En 2018, il compose la musique pour le film d'horreur Suspuria (Luca Guadagnino). Cette année, il crée la musique du drame italien Confidenza (Daniele Luchetti).
Pour cet album, Thom Yorke s'est entouré d'une petite flopée de musiciens de jazz apportant tour à tour du saxophone, de la clarinette, du violon, de la flute, de la trompette, des basses ou des percussions. L'album commence avec son morceau le plus long : "The big city" (7:49). La composition tient presque du classique, seules quelques notes électro se jouent en boucle. L'air est calme et aérien. À la moitié du titre, des bourdonnements font surface un instant. À presque deux minutes de son terme, "The big city" prend une allure plus inquiétante. Des basses semblent marquer un pas dans l'ombre. "Knife edge" est un morceau magnifique où Thom Yorke pose un chant doux et angélique. Accompagné d'un synthé, il fait régner dans cette composition une forme de nostalgie : le miroir d'un souvenir heureux. Un truc à écouter en boucle... Assez court, "Letting down gently" est un jazz qui met en évidence le travail des cuivres. Avec une durée similaire, c'est au tour des clarinettes de s'exprimer sur "Secret clarinet". "In the tree" pourrait être une musique traditionnelle des moines tibétains. Ce n'est pas la seule à nous souffler le vent du voyage : le début de "Prize giving" peut transporter qui veut jusqu'en Égypte.
Sur "Four ways in time", le chant de Thom Yorke revient accompagné de violons. L'intention est bien moins lumineuse que sur "Knife edge". Les violons poursuivent leur aventure sur "Confidenza". Cette fois, nous avons plongé dans un drame intense. L'état d'esprit est proche de la B.O que le chanteur de Radiohead avait composé pour Suspuria. "Nosebleed nuptial" nous sort une minute de la noirceur en faisant revivre les cuivres. Finalement, ce morceau est une hydre. Il possède deux autres parties distinctes : l'une est faite de violons grinçants, l'autre est une basse seule et profonde. "Bunch of flowers" marque une dernière rupture en proposant un jazz lent. C'est ici que la flûte semble être la structure du morceau. "A silent scream" passe très vite (00,38'). La fin se présente avec "On the ledge". Tout le monde s'en mêle sous des airs de free jazz, c'est le morceau le plus chaotique de cet album. Confidenza est une BO qui prend des apparences diversifiées et cela en fait toute sa richesse. L'approche jazz est originale et la musique de Thom Yorke toujours aussi intense.
Publié dans le Mag #62