L'histoire de Therapy? commence en 1989, deux jeunes irlandais se rencontrent à un concert, Andy Cairns (chant, guitare) et Fyfe Ewing (batterie) s'entendent bien et décident de monter un groupe, ils répètent dans la chambre de Fyfe quand il a terminé ses cours et qu'Andy n'est pas à l'usine. Après quelques mois, ils vont dans un studio de Belfast pour enregistrer leur première demo, (4 titres) Andy ne pouvant assurer les parties basse qu'en studio, ils demandent à un pote de Fyfe de les rejoindre, Michael McKeegan intègre donc le groupe et va livrer avec eux leur premier concert au "Belfast Art College". Le trio enregistre une nouvelle démo (4 titres) et enchaîne quelques concerts. Au début de l'année 90 ils sortent le single "The meat abstract" sur leur propre label Multifuckingnational Records. Ils en éditent 1.000 exemplaires qui se vendent très rapidement. Le buzz prend forme avec les concerts qu'ils donnent en compagnie de The Beyond, Fugazi, Teenage Fanclub et Tad. Ils signent chez Wiiija Records et retournent en studio pour enregistrer leur premier EP. Babyteeth (7titres) sort en juillet 1991, malgré un son assez faible, Therapy? entre de plein pied dans le paysage musical anglo-saxon, ils participent aux prestigieuses John Peel Radio Sessions et continuent d'ouvrir pour des groupes renommés comme Babes In Toyland par exemple. Le succés étant au rendez-vous, le groupe part à Londres pour bosser sur la suite de ses aventures, ce sera d'abord un nouvel EP : Pleasure Death (6 titres) qui sort en janvier 1992 avec le célèbre "Potatoe junkie" pour séduire les masses. Therapy? débarque sur le continent et s'incruste au Reading Festival ! Mais ils ne passent pas l'été à jouer et couchent sur bandes leur premier véritable album : Nurse sort en octobre avec "Teethgrinder" et "Nausea" qui font un carton et "Gone" qui montre que le groupe peut faire autre chose qu'un mix batard de punk, de métal et de rock (et dont la caisse claire résonne comme dans une piscine). Nurse leur ouvre les portes des Etats-Unis où ils donnent quelques concerts dont un avec les Screaming Trees. L'année suivante se passe entre sortie de CDs (Shortsharpshock EP, Opal Mantra, Face the strange EP) et tournées (avec Helmet et The Jesus Lizard !).
1994 est une année charnière pour Therapy?, c'est l'année de Troublegum, le groupe change de statut passant de "bon groupe indé" à "stars internationals", le monde entier découvre Therapy? avec cet album, moi aussi, sans anti-sèche, difficile à réécouter l'album quels titres étaient sortis en single, tous sont des bombes, Therapy? propose un rock différent, un rock agressif, rugueux, réel, sombre et aussi aguicheur qu'une poubelle de toxico. "Nowhere", "Die laughing" (i think i've gone insane, i can't remember my own name), "Screamager" (screw that, forget about that, i don't wanna know about anything like that i'got nothing to do...), les riffs sont simples, basiques, les rythmiques également, le chant a certes un peu de particularité mais rien n'indiquait que le groupe aurait un tel succés, on peut encore se demander pourquoi on aime tant ce groupe sans avoir de réponses... Pas d'explications mais peu importe puisque c'est bon ! Therapy? vient de réussir un coup de maître, ils retournent aux USA avec Henry Rollins, Tad et Swervedriver, et reviennent en Europe pour enregistrer l'album suivant avec Al Clay. Martin McCarrick (guitariste et violoncelliste) les aide à bosser les arrangements et ajoute des cordes "classiques" à quelques titres dont la reprise de Hüsker Dü "Diane". Infernal love sort en 1995 alors que la radio n'a pas terminé de diffuser les tubes de Troublegum. Le son est encore amélioré et le premier single "Stories" rassure, Therapy? ne s'est pas enflammé, ils font toujours ce qu'ils savent faire. L'album sera pourtant décrié par une partie des médias qui n'acceptent pas que le groupe fasse un Troublegum 2, il y a pourtant sur ce Infernal love de nombreux ajouts/changements (des choeurs, des cordes, des arrangements, un son très propre). Et encore une fois, la plupart des titres sont sublimes : les calmes et torturés "A moment of clarity" et "Bad mother", le rancunier "Jude the obscene", le nerveux "Loose", l'électrique "Epilepsy", les tubes efficaces de par leur beauté ou leur simplicité "Misery", "Stories" et "Diane". Infernal love est un bon album.
Mais après le rêve Troublegum, le réveil est dur, en janvier 1996, Fyfe Ewing ne supporte plus la pression et décide d'arrêter. Graham Hopkins est recruté pour le remplacer et Martin McCarrick devient le quatrième membre du groupe à part entière. La tournée les emmène outre Atlantique où ils se retrouvent sur scène avec Girls Against Boys puis Ozzy Osbourne. Ils enregistrent deux reprises pour des tribute albums (une des Misfits, une autre des Smiths) et revisitent les salles européennes. Après avoir pris un peu de repos et joué avec Idlewild et les Deftones, ils sortent en août 1998 Semi-detached mais leur label (A and M Records) les lache. "Church of noise" fera son petit bonhomme de chemin dans nos oreilles mais l'album ne reste pas dans les annales, les expérimentations sonores ("Tramline") et les petites folies noisy ("Stay happy") prennent le pas sur le rythme et les fredaines. La traversée du désert continue et si un label les prend sous son aile pour qu'en 1999 sorte Suicide pact-you first, ils ont de la "chance" car sur cet album s'affirme un rock indé plus formaté, moins coupant et osé, où les bons titres sont rares "He's not that kind of girl" qui lance l'album sur un bon rythme, dommage que tout ne soit pas du même tonneau et que l'ensemble sonne un peu brouillon ("Hate kill destroy") et hétérogène (quel point commun entre la balade "Six mile water" et la bravade punk "Other people's misery" ?), tout comme son morceau caché, Therapy? semble perdu, grisé, loin de chez lui.
Si pour le public le double best of So much for the ten year plan qui sort en 2000 rappelle combien Therapy? nous a apporté, cet album n'existe que pour terminer le contrat signé quelques années plus tôt avec Mercury... On y retrouve les tubes du groupe mais aussi quelques inédits ("Bad karma follows you around", "Fat camp"), des raretés ("Evil Elvis", "Summer of hate"...) et une somptueuse version de "Lunacy booth". Il faut dire que les irlandais ne sont pas avares de reprises, de version unplugged et de compositions non éditées sur album... En 2001, le combo part s'installer aux USA, à Seattle, pour travailler avec Jack Endino. Ils sont sur place pour enregistrer mais insatiable groupe de scène, ils en profitent pour jouer avec Mudhoney, The Melvins ou Nebula. Le nouvel opus s'appelle Shameless, il sort à la fin de l'année, moment choisi par Graham Hopkins pour quitter le groupe. Ce Shameless apparaît comme la suite logique du pacte suicidaire mais "en mieux", ici se détachent du lot "Dance" et "I am the money" titre trés haché possédant cependant un refrain très efficace. Les autres titres sont tous de très bonne facture (sauf peut-être "Tango Romeo") avec des attaques punks, des petits solos, des lignes de chant tantôt hargneuses tantôt charmeuses... Seuls sont peu à leur place les choeurs présents un peu partout ("This one's for you" par exemple), même si on s'y fait, ils sont vraiment pénibles sur "Alrite". Enfin, on trouvera toujours un peu de délires sur l'album avec des morceaux un plus expérimentaux comme le criard "Joey" ou le loufoque "Body bag girl". Therapy? semble avoir trouvé l'équilibre entre noisy déjanté et chansons efficaces... mais n'a plus de batteur et leur nouveau label les lache également. Keith Baxter (3 Colours Red) prend la place derrière les futs quelques temps, celui de recroiser la route de Neil Cooper (ex-The Beyond, Cable), l'année 2002 se termine donc mieux qu'elle n'a commencé, le groupe est à nouveau au complet et Spitfire les a signé (pour combien de temps ?)
Infos sur Therapy?
![Therapy?](/thumbnail/68x68xdim/2022/rock/therapy@mdpi,2.jpg)
> Lire la dépêche
![couv Mag 57 the ocean](/thumbnail/68x68xdim/2023/rock/couv-mag-57-the-ocean@mdpi.jpg)
> Lire la dépêche
![JAAW](/thumbnail/68x68xdim/2023/indus/jaaw@mdpi.webp)
> Lire la dépêche
![flux RSS flux RSS](/img/svg/rss.png)
Therapy? discographie sélective
Therapy? dans le magazine
Numéro :
Mag #57
La cigale ayant chanté tout l'été, elle se retrouva avec un putain d'énorme mag à la rentrée ! Plus de 330 pages pour le retour aux affaires courantes et attaquer notre onzième saison en temps que Mag ! The Ocean et son superbe album sont à l'honneur mais ont aussi répondu à nos questions Unsane, Angie d'NRV, Black Taboo, Therapy? , Les Lullies, Yawners, Birds In Row et Worst Doubt !
Liens Internet
- liabilitywebzine.com : webzine rock
- musik-industry.com : webzine rock/métal/ciné
- reuno.net : webzine culturel
Rock > Therapy?
Biographie > de la musique pour se soigner
Review Concert : Therapy?, Therapy? Boule Noire (mai 2022)
Interview : Therapy?, Therapy? en interviOU (sept. 2023)
Interview : Therapy?, Tout ça pour une Therapy? (mars 2022)
Interview : Therapy?, Therapy en question (nov. 2018)
Interview : Therapy?, Therapy et points d'interrogations (août 2015)
Therapy? / Chronique LP > Hard cold fire
Tournées reportées, re-reportées et encore reportées, anniversaire de leurs 30 ans de carrière, album best of, album remasterisé (Nurse), side-project (Jaaw), Therapy? n'a pas toujours maîtrisé son calendrier depuis Cleave et a du laissé au placard ce nouvel album pendant près d'un an et demi avant de le faire, enfin, paraître. Si pour les fans, l'attente fut longue (même si les diverses sorties et autres projets ont pu satisfaire une partie de notre appétit), je n'imagine pas ce que ça a dû être pour notre trio affamé de scène et de partage. Avoir des titres sous le coude et ne rien pouvoir en faire, ça doit être terrible.
Déboule donc au printemps Hard cold fire, trois mots qui semblent ne pas aller ensemble (du feu froid ?) mais qui sont les premiers d'un vers de Louis Macneice, poète fier d'être irlandais qui a vécu au XXe siècle, connu pour sa poésie humaniste et engagée, ça correspond donc tout à fait à Therapy? sur les idées mais aussi sur ces mots qu'on peut mettre dans une phrase pour résumer leur musique, un rock assez dur, parfois froid mais toujours nourri par un feu sacré. On avait beaucoup apprécié Cleave, si c'est également ton cas, tu ne devrais pas être trop surpris par son petit frère, avec la même équipe dans l'ombre et la même envie d'en découdre, on obtient forcément un bon album !
Et histoire de mettre tout le monde d'accord, on se prend en pleine tête "They shoot the terrible master", une dynamique imparable, un son granuleux, une caisse claire qui claque et un refrain qui se fredonne, pas de doute, Andy et ses potes vont encore marquer des points. Si "Woe" n'apporte pas grand-chose, on a ensuite l'enchaînement "Joy" et "Bewildered herd" qui ont un je-ne-sais-quoi de Troublegum et me ravissent, entre l'énergie et la gestion des silences, ce sont deux perles ! J'aime bien aussi "Two wounded animals" mais pour une toute autre raison, sur ce morceau, l'effet sur le chant va flirter avec le style de Richard Patrick (Filter) sur l'immense Title of record. Retour au old school avec "To disappear" et son riffing acéré, un peu basique mais plus intéressant que la variété de "Mongrel" qui compte un peu trop d'idées à mon goût. Rien de tel que l'essentiel, une petite mélodie et une paire d'accords saccadés sur un rythme qui envoie, genre "Poundland of hope and glory", et je suis content... En tout cas, plus que quand les effets bouffent un peu les notes ("Ugly") ou quand ça trainaille un peu ("Days kollaps").
Avec plus d'une moitié de la tracklist de très haute volée, on peut confirmer que Hard cold fire est un bon album de Therapy? et avec une réelle variété dans les approches, il peut certainement rallier assez large le nombre de fans qui aiment parfois des éléments différents chez ce groupe hors norme.
Publié dans le Mag #57
Chronique Livre : Therapy?, Tout ça pour 30 ans de Therapy?
Therapy? / Chronique LP > A brief crack of light
Pour être tout à fait franc, et pour rempiler pour une deuxième chronique, j'aurais préféré évoquer l'album Disquiet paru en 2015 car pour moi (attention, spoiler), c'est le retour de la grande foire aux mélodies pop punk. Mais comme l'article a déjà été écrit par un respectueux membre du W-Fenec, je vais me pencher sur la question de A brief crack of light paru en 2012 et succédant à Crooked timber. Et tout comme son prédécesseur, celui-là n'est pas vraiment mélodieux non plus ! Avec les basses bien en avant, A brief crack of light bénéficie d'une prod' semblable au disque précédent (à l'exception toutefois de ce son de caisse claire), et se révèle également d'un excellent niveau, clairement au-dessus d'un Shameless (2001) par exemple. Je vais être moins bavard que pour la review précédente, et me prêter au jeu d'un titre un mot (ou deux, faut pas déconner non plus).
1. "Living in the shadow of a terrible thing" : riffs et refrains accrocheurs, morceau noisy et mélodieux en même temps. 1er single complètement mortel
2. "Plague bell" : un morceau surprenant, bourré d'effets chelou et bourrin à souhait
3. "Marlow" : ça chinoise à fond, avec une guitare qui semble assumée
4. "Before you, with you, after you" : c'est tout sauf une chanson d'amour celle la ! Le refrain est cool.
5. "The buzzing" : les Melvins sous acide
6. "Get your dead hand off my shoulder" : tout est dit dans le titre, aussi flippant qu'un épisode de Walking Dead ! Une sacrée réussite.
7. "Ghost trio" : on pourrait croire à un morceau de Ministry mais lorsque le chant arrive, c'est mélodieux et donc c'est Therapy? tout craché. Un grand cru
8. "Why turbulence?" : un morceau bourrin avec paradoxalement un un jeu de batterie d'une finesse inégalée
9. "Stark raving sane" : un morceau de punk rock teinté de noise
10. "Ecclesiates" : morceau vraiment étrange, quasi instrumental.
Dix titres pour un album bien construit, peut-être moins accessible que Crooked timber mais néanmoins de grande qualité. Le côté obscur de la force, en quelque sorte.
Dans une récente biographie (je ne parle pas du livre mais de ce qu'on peut trouver dans les annonces de concert ou de disque), il était mentionné que groupe avait tout traversé : l'arrivée du CD, le développement d'Internet, l'effondrement de l'industrie du disque, la création des plateformes musicales numériques.et pourtant, le trio Irlandais est toujours là. Ces gars sont passionnés et constants. Ils ont divisé les fans tellement leurs disques sont différents mais ils s'en battent les couilles. Ils jouent ce qui les fait vibrer, au gré du vent et des époques, sans aucun opportunisme puisque, selon moi, c'est toujours cohérent. Therapy?, à jamais les premiers.
Publié dans le Mag #50
Therapy? / Chronique LP > Crooked timber
Les bons gars de la team du W-Fenec me laissent carte blanche pour parler de Therapy?. Quelle aubaine ! Ceux qui me connaissent bien sont déjà au courant : j'ai 12.000 "mon groupe préféré". Mais s'il ne fallait en choisir qu'un, j'opte sans hésitation pour Therapy?. Un groupe qui m'a donné envie de jouer de la musique lorsque j'étais boutonneux, au même titre que Nirvana. Ce que j'adore chez eux, c'est ce coté "cul entre deux chaises" ultra assumé, à la fois mélodique et à la fois bourrin, avec ce mélange de Punk, Pop, Metal, Noise...
J'aurais pu chroniquer tous les disques, mais je vais notamment me focaliser sur Crooked timber. Et pourquoi cet album-là ? Mais parce qu'il est monstrueux pardi ! A l'époque de la sortie de ce disque (en 2009 donc), Therapy? est déjà devenu un groupe de seconde zone qui joue dans de très gros festivals, mais dans les pays de l'Est !!! Et alors ? Rien à branler pour la bande à Andy, toujours fidèle au poste. A l'époque, Therapy? met clairement la mélodie de côté. Les deux précédents albums sonnent quand même vraiment noise, loin, très loin de l'immense Troublegum taillé "fm" ! Je me vois encore chez le disquaire choper Crooked timber sans avoir encore rien entendu de son contenu. La pochette est simple et efficace : logo sur fond noir. Je me souviens m'être demandé si ils allaient relancer la machine à tubes ou envoyer un disque qui bourre en mode bien malsain. Pour la machine à pop punk, il faudra attendre 2015 et l'immense Disquiet mais la réponse à ma question est paradoxale... Ca bourre plus que jamais, le son est énorme, c'est froid, voir glacial quasi tout au long du disque. C'est accordé très bas ("Enjoy the struggle" est plus grave qu'un groupe de death), la basse est ultra devant dans le mix sur l'ensemble des morceaux ("Somnambulist"). Il n'y a pas beaucoup d'accords majeurs qui donnent le smile (moi qui adore ça aussi) et pourtant ça me met une taloche tellement dingue que je vais saouler tous mes potes avec ce disque pendant un certain temps ! Et le mieux dans tout ça, c'est que l'on garde bien en tête les morceaux qui sont hyper bien construits (le single "Crooked timber" qui est le morceau le plus mélodique du disque ; "Bad excuse for daylight" qui aurait pu se retrouver sur Bleach de Nirvana ; "Exiles", mon titre préféré avec un le basse/batt' en osmose, aussi audacieux que réussi). Clairement mon album préféré de toute la discographie, dans la même veine que Nurse ("Clowns galore"). Ça sonne 90's tout du long mais avec la modernité du millésime 2009 dans l'approche.
Voilà un disque que je réécoute souvent et que vous le conseille vivement. Therapy? n'a que faire des codes et barrières à respecter. Crooked timber peut paraître difficile d'accès mais je vous jure, on se met dedans très vite, et il faudra plus que du subutex pour s'en défaire. Si vous aimez ce groupe et que vous ne comprenez pas ce skeud, je vous conseille de revendre votre unique album Troublegum pour deux euros et de retourner écouter Limp Bizkit ou The White Stripes !
Publié dans le Mag #50
Therapy? / Chronique LP > One cure fits all
Si la qualité d'un album se mesure à l'aune de sa pochette, il va être difficile de pouvoir prétendre que One cure fits all est un bon disque. L'artwork n'a certes jamais été la priorité de Therapy? (en même temps c'est un groupe de musiciens, pas d'artistes peintres ou de photographes) mais là c'est... hum... particulier. Je vous laisse juger.
Musicalement ça démarrait pourtant plutôt bien avec "Sprung" aux guitares bien lourdes et bien grasses, à la batterie sèche et au refrain plus mélodique... la marque de fabrique de Therapy? en somme. Et la formule magique était reprise juste après, dans "Deluded son". C'est ensuite que les choses commencent à se gâter. Les chansons défilent, sans retenir mon attention et j'ai même plutôt envie d'appuyer sur next au bout d'une minute. Jusqu'à "Dopamine, seratonin, adrenaline", dont les mots répétés à l'envie dans le refrain me renvoient au "Feel good hit of the summer" des Queens Of The Stone Age ("Nicotine, valium, vicodin, marijuana, ecstasy and alcohol, cocaïne !") mais en beaucoup plus fade. Peu après le riff de "Our white noise" me sort de ma torpeur - bah voilà, c'est ce son là que je veux entendre ! - pour vite me faire replonger ensuite, avec quand même un nouveau sursaut lors de "Rain hits concrete". "Can you feel it" y chante cette vieille carne d'Andy. Alors déso pas déso mais je ressens pas grand-chose, même si c'est un des rares morceaux qui se démarque. C'est dire le niveau du reste. Next. Re-next et on termine (qui a dit enfin ?) sur la chanson la plus poppy de l'album, "Walk through darkness" mais qui n'a absolument pas la puissance tubesque dont le groupe est souvent capable.
Bref, vous l'aurez compris, ce n'est pas franchement une pièce maîtresse de leur discographie et ce n'est pas étonnant que personne parmi mes camarades ne se soit bousculé pour en parler. Pour être complètement honnête, on m'a même refilé le bébé. Arf, c'est difficile d'être toujours au top et vu la régularité et la rigueur dont ont fait preuve jusqu'alors (et après) nos Nord-Irlandais, je leur pardonne bien volontiers cet album en tiers-teinte.
Publié dans le Mag #50
Therapy? / Chronique LP > Never apologize never explain
Je ne sais pas si cela a été suffisamment évoqué jusque-là dans ces pages mais Therapy? est un groupe monstrueux. Point. Il n'est pas mis à l'honneur, en couv' du Mag avec un traitement discographique spécial pour rien. Et ce monstre caméléon peut revêtir plusieurs têtes au gré des albums, tantôt vicieux, torturé, plus heavy, tantôt davantage mélodique et la plupart du temps, mélangeant habilement tout cela. Avec un titre pareil, Never apologize never explain, je te laisse imaginer l'ambiance qui prédomine ici.
Un an à peine après le déjà très bon High anxiety, voilà le désormais redevenu power trio (exit le deuxième guitariste) de retour, pour un album bien plus frontal et froid. Pas de circonvolutions, dès le début Andy Cairns et sa bande sont en mode vénère, bien tendus. "Rise up", live like a fucker and "Die like a motherfucker" posent le décor. S'ensuit "Perish the thought" qui démarrant de manière très noisy, se veut finalement plus groovy, avec à nouveau ce refrain accrocheur, reconnaissable entre tous, la Therapy? touch, quoi. Peu après "So-called life" nous rappelle que Songs for the deaf des Queens Of The Stone Age, sorti récemment n'est pas tombé dans l'oreille d'un sourd. Mais on ne peut décemment pas accuser les Irlandais de suivre la mode stoner, leurs premiers albums, desquels se rapproche beaucoup Never apologize never explain avaient déjà quelques accents rocailleux dans les guitares. Je ne vais pas détailler individuellement les chansons mais elles ont toutes leurs particularités. Et une similitude : Neil Cooper, le nouveau batteur arrivé deux ans auparavant, a très rapidement pris ses marques avec le groupe et notamment Michael McKeegan, bassiste originel. On a donc droit à une rythmique bien en place, comme sur "This ship is sinking" (tout en tension) ou encore l'envoûtant, prenant et puissant "Polar bear", étonnant single tiré de l'album au final apocalyptique. Étonnant car c'est loin d'être le morceau le plus calibré, à l'inverse des suivants, "Rock you monkeys" (autre single) et "Dead" dont l'équation est simple : bon gros riff + bonne grosse mélodie = bon gros tube !
Ce dixième album marque donc un retour du groupe à ses premiers amours, plus sombres (la pochette en atteste également), délaissant quelque peu les mélodies même si elles ne sont jamais bien loin mais sans perdre une once en efficacité. Il a aussi une saveur particulière plus personnelle car c'est sur cette tournée que j'ai vu Therapy? en live pour la première fois, après avoir fait tourner les disques en boucle pendant près de dix ans. Depuis je n'ai jamais raté une seule occasion et jamais été déçu, tant le groupe est toujours généreux sur scène. RDV est donc pris le 4 mai à la Boule Noire !
Publié dans le Mag #50
Therapy? / Chronique LP > Shameless
Au début des années 2000 et après un Suicide pact - you first qui n'a pas convaincu les foules et alors que le Neo Metal s'abat sur la planète, Andy Cairns veut faire ce qu'il appelle un disque de "rock 'n' roll déglingué". Une session chez Jack Endino, le célèbre producteur de Seattle/Sub Pop, est programmée et le groupe s'attèle à composer ce fameux disque de rock. Ni plus ni moins. Enregistré au Studio Robert Lang qui a entre autres vu passer devant la table de mixage Foo Fighters, Alice In Chains et Nirvana, Shameless est un disque garage rock brut de décoffrage, un disque simple et efficace. Peut-être trop simple et finalement pas aussi efficace pour un groupe de la trempe de Therapy? habitué à brouiller les pistes et à mélanger sans concession le Punk, le Metal ou la Noise.
Comptant quelques invités prestigieux (Barrett Martin des Screamin Trees, Neil Fallon de Clutch, Rich Jones des Black Halos et futur Ginger Wildheart Band et Michael Monroe Band), ce disque démarre sur les chapeaux de roue avec le single punk rock sans concession "Gimme back my brain", le lancinant puis fulgurant "Dance" au refrain accrocheur et la petite bombe "This one's for you" aux gimmicks noise et au refrain percutant. Un sacré début. La suite de l'album se révèle toutefois un cran en dessous et finalement assez inégale, avec des titres catchy mais quelque peu fouillis ("Wicked man", "Endless psychology" aux sonorités à la Queens Of The Stone Age et son pont noise, le garage "Alrite" et ses chœurs qui gâchent un peu tout, "Tango romeo" aux refrains inférieurs aux couplets) et des réussites qui dénotent toutefois du répertoire "classique" du -alors- quatuor Irlandais ("Theme from Delorean" aux accents surf, "Joey" punk rock pied au plancher).
Considéré par le groupe lui-même comme un album non abouti, et malgré son allure de disque patchwork qui tape dans les sous-genres du rock, je l'aime bien ce Shameless. Il fonctionne, même s'il manque de consistance et de fulgurance. Il ne tient pas le comparatif avec les trois premiers albums devenus des classiques, c'est un fait. Il part dans tous les sens, peut-être. Mais je l'aime bien quand même.
Publié dans le Mag #50
Therapy? / Chronique LP > Suicide pact - You first
Pour le numéro spécial, on ferait pas l'intégrale de la discographie de Therapy? ? Euh... Ca va être du boulot tout ça... Ouais mais on aura quelques belles plumes en renfort, ça peut le faire. Gui de Champi n'a pas eu de mal à me convaincre de participer à cette aventure et me replonger dans les albums de Therapy? mais très honnêtement, c'est avec un peu d'appréhension que je réécoute Suicide pact - you first pour cet article. L'âge d'or du groupe et sa Sainte Trinité (Nurse, Troublegum et Infernal love) correspond peu ou prou à ma période de teenager (de 15 à 18 ans, cet âge où tu dessines le logo du groupe un peu partout, il est encore sur ma trousse). Passé cette époque, un temps chargé de bons souvenirs comme ce temps passé chez les disquaires de Canterbury (comme Third eye) à fouiner pour trouver une rareté, un bootleg ou un TShirt introuvable en France, j'ai un peu décroché et si j'ai continué à écouter leurs albums, ils ne m'ont pas toujours emballé, notamment celui-ci.
Une fois n'est pas coutume, ils ont placé le meilleur titre en premier, "He's not that kind of girl" lance donc l'album sur un bon rythme, le son est "propre", le chant varie les tonalités mais dès "Wall of mouths", on perd en énergie, c'est avec celle du désespoir qu'Andy envoie ses lignes et ses riffs, on le sent moins concerné, cherchant derrière quel masque se dissimuler, il multiplie les aspects de sa voix comme les distorsions de guitare ("Jam jar jail") mais cet ensemble assez rock ne prend pas, "Hate kill destroy" sonne même comme si le morceau n'était pas achevé. Le groupe aurait-il improvisé en studio (le caché "Whilst I pursue my way unharmed" le laisse penser) ou a tenté des choses qu'il n'a pas réussi ? Ce qui reste, encore aujourd'hui, c'est que Therapy? ne semble pas savoir où aller, leur talent pour mélanger les ambiances est bien peu visible, que ce soit sur un titre ("Big cave in") ou sur plusieurs (la belle balade "Six mile water" vs la bravade punk "Other people's misery"), on se perd à essayer de les suivre et de comprendre où ils veulent en venir. Le label Ark 21 ne sort qu'un "single" (en tirage ultra limité pour l'Allemagne) pour "Hate kill destroy" (avec "Sister" et "Six mile water" en live) et le groupe ne tourne qu'un clip, c'est pour "Little tongues first", titre qui reste moins dans les mémoires que "He's not that kind of girl". Allez, je vais ranger l'album et le laisser dormir sur mes étagères, c'était certainement la dernière fois que je l'écoutais.
Therapy? / Chronique LP > Semi-detached
Jamais Therapy? n'aura mis aussi longtemps à sortir un album (3 ans) mais on ne remplace pas Fyfe Ewing comme ça, en deux roulements de caisse claire. Et puis il faut dire aussi qu'ils étaient sur un rythme plus que soutenu auparavant : 5 disques en 5 ans, des concerts et festivals incessants, des hits fulgurants, un succès hallucinant. Il y a moults groupes du Rock'n'Roll of Fame qui se sont cramés les ailes (ou la tête) pour moins que ça mais nos Irlandais sont toujours dans le game et entendent bien le rester.
Nouveau batteur, donc (Graham Hopkins), un deuxième guitariste / violoncelliste (Martin McCarrick) qui devient membre du groupe à part entière et un Chris Sheldon, déjà aux manettes de Troublegum, à nouveau producteur. On ne peut pas dire que ça leur avait porté préjudice par le passé. Tout ceci pour un résultat qui sonne... comme du pur Therapy? ! Le ton est donné d'entrée avec le tonitruant et efficace "Church of noise", tube en puissance, encore très fréquemment joué en live, c'est plutôt bon signe. De la noise il en est question également dans le morceau suivant, "Tightrope walker", au refrain néanmoins hyper accrocheur et c'est vraiment ce qui prédomine dans Semi-detached. Sans avoir cédé à la facilité et cherché à tout prix à écrire un morceau susceptible de passer à nouveau en boucle sur les télés et radios, il n'en reste pas moins que c'est leur album qui est peut-être le plus mélodique, avec son côté pop à grosses (mais alors très grosses) guitares saturées. Celui où l'influence Hüsker Dü / Sugar / Bob Mould se fait la plus ressentir (ce n'est pas par hasard s'ils avaient repris "Diane" dans le disque précédent) et qui leur réussit carrément sur "Lonely, cryin' only", "Stay happy" ou encore le parfait "Heaven's gate". Dans l'ensemble, il y a quasiment toujours un petit truc qui va t'accrocher et rester en tête, que ce soit au niveau des riffs de guitare ou des envolées lyriques au chant, même sur les morceaux un peu plus sombres, comme "Born too soon" ou "Safe". Chassez le Démon, il revient au galop.
Trop peu souvent mis à l'honneur, à mon goût, quand il s'agit de mentionner la discographie du groupe, il s'agit pourtant d'un de ceux que je ressors le plus souvent et je suis pas prêt de m'en détacher, même à moitié. Après je conçois qu'il soit moins prisé par celles et ceux davantage attirés par le versant plus heavy et noisy de Therapy?.
Publié dans le Mag #50
Therapy? / Chronique LP > Infernal love
Infernal love sort en juin 1995 alors que la radio n'a pas terminé de diffuser les tubes de Troublegum, le label veut profiter du moment, Therapy? est omniprésent (meilleur album de l'année et disque d'or en 6 mois au Royaume-Uni...), comme il faut battre le fer quand il est chaud, le groupe accepte de retourner en studio sans prendre de vacances. Cette fois-ci, c'est Al Clay, qui vient de produire Frank Black, qui s'occupe du son et va faire en sorte que le groupe sonne différemment de ce qu'il a fait par le passé.
Même si ça nous semble étrange aujourd'hui, à l'époque, certains haters critiquent les Nord-Irlandais qui, en enchaînant les albums, auraient fait un "Troublegum 2" avec les chutes du premier, histoire de s'enrichir un peu plus à peu de frais. C'était mal connaître le combo qui est un des rares dont on peut louer l'intégrité. D'ailleurs, cet opus ne ressemble pas à son grand frère. De par la production d'abord, beaucoup plus lisse et travaillée, de par l'apport de Martin McCarrick ensuite. Le guitariste et violoncelliste intègre le trio pour bosser les arrangements, ajouter des cordes "classiques" et des chœurs à quelques titres et si le musicien (qui a débuté avec This Mortal Coil) est encore très attaché à Siouxsie & The Banshees, il restera auprès de Therapy? pendant près de 10 ans. Et sans pousser jusque la balade acoustique dominée par les cordes qu'est devenue la reprise du "Diane" de Hüsker Dü (je t'encourage, si tu ne l'as pas déjà fait d'écouter la version originale pour voir combien Therapy? s'est approprié la chanson en sortant de ses habitudes et sans trop suivre le modèle) ou l'autre délicatesse qu'est "Bowels of love" (composée par Michael McKeegan), on découvre tout au long de la galette de vraies mélodies dans "Me vs you", des lignes de basse très pures sur "A moment of clarity", des effets assez polis sur "Bad mother"... Et même sur le premier tube/single qu'est "Stories" qui semble sortir du même moule que Troublegum dans l'engagement et la dynamique, on se prend à chantonner le refrain ultra catchy (Happy people have no stories). Pour assurer la liaison avec son passé (et une partie de son futur), le groupe envoie l'électrique "Epilepsy", le rancunier "Jude the obscene", le nerveux "Loose", le punk "30 seconds" ou l'aussi simple qu'efficace "Misery".
Therapy? chante à la fois le pouvoir de l'amour et cet amour infernal qui lui cause des problèmes, les introductions sont toutes travaillées et donnent parfois un sens plus lourd à de simples chansons. En mettant un peu de sirop dans son whisky, Therapy? s'ouvre aussi un public encore plus large, expérimente de nouveaux sons et instruments, s'aventure dans l'acoustique et prend une nouvelle dimension.
Therapy? / Chronique LP > Troublegum
Au-delà d'être un album indispensable dans la discographie Therapy?, cet opus est culte pour toute une génération. N'y allons pas par 4 chemins, pour moi (et de nombreux autres), c'est l'équivalent d'un Nevermind, du Black album ou de Tostaky. Un marqueur de son époque, une porte d'entrée vers un autre univers, une révélation, un amour de jeunesse qui ne s'oublie pas. Je ne sais pas combien de fois j'ai écouté ce Troublegum dans ma vie mais "beaucoup" me paraît pas assez, au moment d'en écrire la chronique. J'ai voulu lui chercher un défaut, un titre un peu plus faiblard, une faiblesse pour déconstruire le mythe... Je l'ai donc écouté une fois de plus. Et réécouté. Et je n'ai pas trouvé. Ouais, je suis amoureux. Chaque riff, chaque ligne de texte, chaque frappe sur la clinquante caisse claire, je connais trop ces titres pour y trouver des maladresses. 45 minutes de sans faute, c'est possible.
La violence du son et des accords balancés dès "Knives" montre que le groupe a franchi une étape, même si c'est parfois encore très "noise", le bordel est diablement plus structuré, les grattes envoient un son métallique, le tempo est diabolique, les sonorités changent rapidement au cœur de morceaux assez courts, c'est un travail d'orfèvre. Une des plus grandes qualités de ce Therapy? là, c'est qu'il ne tient pas en place ! Et au sentiment d'agression permanente, Andy ajoute des mélodies incisives incroyables comme ce "Screamager" qui est devenu un des morceaux phares du combo (celui le plus joué en live et un des plus repris par d'autres). On retrouve cette puissance des harmonies vocales croisant des guitares pointues sur presque tous les morceaux mais l'entêtant "Die laughing", le pointilleux "Lunacy booth" et le vénéneux "Turn" sont certainement les plus marquants. Une des astuces du groupe pour nous tenir en haleine, ce sont les effets sur le chant, Andy varie les plaisirs et les effets faisant ainsi ressortir certaines phrases sans avoir besoin de les répéter (comme Jesus without the suffering de "Hellbelly", On my own de "Unbeliever" ou Femination generation de "Femtex"...) ou de les mettre en titre ("Stop it you're killing me", "Trigger inside"). Des lyrics qui ne s'oublient pas et procurent des frissons quand on les entend même quand ça part dans tous les sens ("Brainsaw"). Et en plus, ils subliment un titre d'un groupe que je n'aime pas, leur "Isolation" en hommage à Joy Division est tellement bien remaniée que certains ne savent pas que c'est une cover...
Ce disque a bientôt 30 ans mais n'a pas pris une ride et il m'est toujours très difficile de n'écouter que un ou deux morceaux, j'ai tendance à toujours vouloir écouter les autres... et ne plus m'arrêter. Bien des versions de ces compos sont sorties (des lives et des acoustiques notamment) mais comme toujours avec les morceaux d'exception, c'est un régal. C'est un monument, une partie de l'Histoire du Rock.
Publié dans le Mag #50
Therapy? / Chronique LP > Nurse
Nurse est le premier véritable album de Therapy?, pour mémoire, il sort en octobre 1992 (donc en même temps que Automatic for the people de R.E.M., Liar de The Jesus Lizard, Piece of cake de Mudhoney ou encore Grave dancers union de Soul Asylum, le rock alternatif ricain domine la planète et les Irlandais apportent une réponse européenne sacrément tranchante ! "Nausea" comme "Teethgrinder" (tous deux placés en début d'album) font un carton et "Gone" montre que le groupe peut faire autre chose qu'un mix batard de punk, de métal et de rock. La caisse claire résonne comme dans une piscine mais Harvey Birrell est une pièce importante dans la signature sonore du combo, pas question de remettre en question ses choix. Tant pis si aujourd'hui, certains trucs peuvent sonner crado (le non moins sublime "Disgracelands" par exemple). Les petits gars de Belfast font ce qu'ils veulent et parmi les trucs qu'ils aiment, il y a cette idée de mélanger des tubes supersoniques qui provoquent une excitation immédiate à des morceaux bien plus tordus et difficiles d'accès comme "Deep sleep". Même si les Ricains les plus alternatifs soignent déjà bien plus leur production, Nurse ouvre les portes des Etats-Unis aux Européens qui y donnent quelques concerts dont un avec les Screaming Trees. Surfant sur son succès, le combo (et le label à savoir A&M Records qui est détenu par Polygram) passe l'année 1993 à sortir des disques de différents formats : le single "Accelerator", un split (avec Peace Together, projet formé entre autres par Peter Gabriel et Sinead O'Connor pour récolter des fonds pour aider la jeunesse d'Irlande du Nord), une compilation (Born in a crash) et plusieurs EPs : Opal Mantra (avec l'éponyme inédit et trois live dont "Nausea"), Face the strange EP (avec "Neck freak", deux inédits parus sur la compil' et "Turn" qu'on retrouvera sur Troublegum) et Shortsharpshock EP (avec "Accelerator", deux inédits et "Screamager" qu'on retrouvera aussi sur Troublegum). Le planning est chargé, le combo occupe le terrain des ondes et des scènes qu'il enchaîne notamment avec Helmet et The Jesus Lizard.
Nurse place donc bel et bien ce point d'interrogation dans l'œil (et l'oreille) du rocker averti, quelques morceaux deviennent vite des incontournables ("Teethgrinder" ou "Nausea" sont encore très régulièrement joués en concert) et préfigurent de ce que sera le cultissime Troublegum.
Publié dans le Mag #50
Therapy? / Chronique LP > Pleasure death
Boosté par le bon accueil de Babyteeth par la presse anglo-saxonne et des ventes plus que raisonnables, le label Wiiija pousse le trio irlandais à enregistrer un autre mini-album, cette fois-ci en compagnie d'un des producteurs plébiscités par la nouvelle vague anglaise, Harvey Birrell (plus tard, celui-ci permettra aux Sheriff, Skippies, Cry Babies et autres Specimen d'obtenir le son catchy qu'ils ne trouvaient pas dans l'Hexagone). En deux jours, auxquels s'ajoutent deux de mixage, la paire accouche de six titres campant sur les acquis récents de Therapy?, tant et si bien que si Babyteeth n'avait été gravé que sur une face, Pleasure Death en serait la face B toute logique (les deux sortiront d'ailleurs sur le même CD aux États-Unis).
La production est plus rêche, ce qui accentue la teneur Indus du groupe, le climat général est également plus froid, mais le cahier des charges reste identique. Le rythme est roi, les effets nombreux, les ruptures plus que jamais de rigueur et pourtant, la complexité de ces nouvelles compositions n'a d'égale que leur aplomb mélodieux. "Skinning pit" est ainsi une introduction parfaite à Pleasure Death. Tout Therapy? est dans ce morceau entraînant (le riff principal), envoûtant (le refrain halluciné) et déroutant (les changements de rythmes). Que le trio soit marqué par la scène noise américaine (les productions de Amphetamine Reptile et Touch And Go en tête) ne fait aucun doute, c'est même une certitude que le groupe confesse bien volontiers dans le livre Tout Ça Pour 30 Ans de Therapy?. Mais à force de côtoyer des compatriotes comme Loop, Silverfish, Fudge Tunnel ou Th' Faith Healers, le trio s'entiche aussi de nouvelles obsessions qui le transcende. Pop hybride ("Potato junkie"), élucubrations soniques (l'instrumental barré "DLC"), rythmique martiale ("Prison breaker"), mood torturé ("Shitkicker"), Therapy? confectionne un amalgame noise/indie rock singulier qui fait mouche. Pur produit de l'International Underground dans son aspect (la pochette) et son attitude (l'extravagance), Pleasure Death atteste que Therapy? a définitivement trouvé la formule magique.
Publié dans le Mag #50
Therapy? / Chronique LP > Babyteeth
À la fin des années 80, l'Angleterre est, elle aussi, secouée par le punk/hardcore américain et ce, malgré son passé prestigieux en la matière. Une nouvelle génération de musiciens s'ouvre au son fiévreux de Hüsker Dü, Big Black, Fugazi, Tad, Butthole Surfers, NoMeansNo et autres Jesus Lizard (pour ne citer que les groupes les plus emblématiques). Des formations très différentes sur le plan musical, mais qui avancent toutes sous l'étendard d'une musique indépendante, personnelle, inventive et protéiforme. Ce leitmotiv, infusé dans la culture British, donnera naissance à des groupes comme Mega City Four, Bomb Disneyland, The Birdhouse, Senseless Things, Swervedriver, Snuff, Loop, Silverfish, Ned's Atomic Dustbin et bien sûr Therapy?.
Pour certains d'entre eux, l'ascendance pop sera toujours primordiale. Pour d'autres, la vitesse ou l'agressivité seront des éléments essentiels. Therapy? choisit une voie plus complexe, assurément plus ambitieuse, en voulant synthétiser toutes ses nombreuses envies en une seule et même entité artistique. Babyteeth est l'incarnation de cette prétention. Ainsi, si le trio de Belfast se démarque de ses collègues par sa noise rugueuse ("Skyward", "Meat abstract") et dévergondée ("Dancing with Manson"), voire carrément expérimentale (le foutraque "Loser cop"), il n'oublie jamais le gimmick accrocheur (dans le chant, les refrains, les chœurs, les riffs) qui le rend de fait abordable "malgré tout". S'il jongle constamment avec les ambiances, les sons, les rythmes et les effets de style, Therapy? réussit son pari de façonner une œuvre composite, à la fois unique et référencée (en gros, un mix entre Killing Joke et Big Black). Même quand son propos apparaît quelque peu confus à vouloir trop en faire (comme sur "Animal bones" où il s'aventure en terre Indus), Babyteeth conserve une bonne tenue générale et compose l'ADN sur lequel le trio s'ancrera à l'avenir. L'essai est largement transformé car ce premier effort de 1991 demeure riche, intense - son format court, 7 titres pour 28 minutes, jouant probablement en sa faveur - et particulièrement bluffant, même en 2022.
Publié dans le Mag #50
Therapy? / Chronique LP > Cleave
Therapy? Il serait temps que ce point d'interrogation rattaché au nom de ce groupe soit transformé en point d'exclamation tant les questionnements éventuels sur sa longévité, sa production musicale, son intégrité, voire même sur son utilité thérapeutique sur le bienfait de nos oreilles et le bouillonnement de nos consciences n'ont plus lieu d'être. Therapy? quoi ! 15 albums à raison d'une fournée tous les 3 ans, un line-up inchangé depuis plus de 15 ans, 30 ans d'existence et la même recette personnelle de rock metal. Aaah ça, on n'est pas face à une baraque où, derrière la façade, tout le monde est parti (en sucette) où le rock du début s'est transformé en pop à cash. Avec Therapy?, on s'en reprend une bonne dose à peu près tous les 3 ans, et la nouvelle posologie vient d'arriver, et elle s'appelle Cleave.
Produit par Chris Sheldon (Oceansize, Feeder) avec qui ils avaient déjà bossé sur 3 albums à leurs débuts (la révelation Troublegum, le pop rock décevant Semi detached, le retour aux sources de High anxiety), le trio nord irlandais repart pour ce quinzième LP signé cette fois, chez Marshall Records. Et on retrouve l'atmosphère sombre et hargneuse de leurs débuts (peut-être un peu moins d'agressivité, mais avec le compteur qui flirte autour de la cinquantaine pour les protagonistes, la fougue des débuts s'est un peu calmée). Il n'empêche, les années ont passé mais avec Cleave on retrouve la même recette réussie de Troublegum : un mélange de rock métal incisif et oppressant, qui sait combiner une structure rock classique et chant mélodique avec séquences plus complexes. D'une entrée en matière en mode "prends ça dans ta face" avec "Wreck it like Beckett", à un "Kakistocracy" au riff à la Helmet, ou un Crutch au made by Therapy? marqué au fer rouge, pas de ralentissement de tempo prévu. Seul "Save me from ordinary" pose un frein sur le métronome, sans non plus sonner comme le "Diane" de Hüsker Dü que Therapy? avait repris en 1995. Et il nous raconte quoi Therapy? Consommation excessive d'antidépresseurs avec "Callow" (clippé en mode Walking Dead) ; réflexion sur les mouvements populistes et les dernières élections avec "Kakistocracy" (la kakistrocatie étant la définition d'un gouvernement composé des pires, des moins qualifiés ou des moins scrupuleux des citoyens, à toi de trouver des exemples) ; lutte des classes sur "Expelled" ou la définition de la réussite par Léonard Cohen avec "Success, is survival". Bref, un discours intelligent, des thèmes personnels et travaillés, plaqués sur une musique singulière et reconnaissable entre toutes. Therapy? ne fait pas dans l'homéopathique ou le placebo, et continue de proposer un traitement ad hoc pour affronter l'automne.
Publié dans le Mag #35
Therapy? / Chronique LP > Disquiet
"Still hurts", premier titre du nouvel opus de Therapy? et première énorme bastos qui aurait eu sa place sur Troublegum, comme souvent ces dernières années, on a l'impression que la bande d'Andy Cairns est capable de rééditer l'exploit et de sortir l'album parfait qui marquera une génération durablement... Et puis, après plusieurs écoutes, force est de constater que si l'album est très bon, il comporte quelques faiblesses qui vont le classer aux côtés des autres (nombreux) bons disques des Irlandais (la plupart de ceux sortis depuis Semi-detached).
Parce que si Disquiet a tout ce qui fait qu'on aime (voire qu'on adore ici) Therapy? avec cette batterie sèche et ces guitares bien crades qui tranchent dans le gras pour faire croire que la voix d'Andy est douce, et donc que l'ensemble est plus que correct pour du rock burné de 2015, il y a ces quelques petits passages où on reste froid comme ce "Fall behind" et sa mélodie aplatie ou "Helpless still lost" qui n'arrive pas à sortir de l'ornière qu'il se crée en répétant ses gimmicks. Ou alors c'est que je suis trop exigeant avec ce groupe qui m'a tenu compagnie dans les années 90 et dont je ne me suis pas encore lassé de ses Troublegum et Infernal love.
Ceci étant dit, Disquiet offre quelques tubes en puissance qu'on se délecte déjà d'entendre en live (Therapy? est un des meilleurs groupes de rock en live, même si tu ne les connais pas trop, ne les rate pas !). J'ai déjà dit un mot de ce "Still hurts" à l'arrière-goût de "Knives" qui nous met tout de suite dans l'ambiance, dans la même veine, "Idiot cousin" joue avec bonheur sur les peaux, les effets et met la gomme quand il faut, "Insecurity" sonne rock'n'roll old school, "Vulgar display of powder" assure le clin d'oeil aux cousins métalleux... On a donc un paquet de très bons morceaux et on sent que les lascars prennent toujours autant de plaisir, d'ailleurs "Deathstimate" étire ses riffs comme si le groupe ne voulait jamais finir par reposer les instruments...
Therapy? / Chronique LP > High anxiety
High anxiety sort au début du mois de mai 2003 et le moins qu'on puisse dire, c'est que la surprise est de taille ! Personne ne s'attendait à un retour en force de Therapy?. On pouvait penser que l'équilibre trouvé sur Shameless servirait les albums suivants, qu'Andy Cairns et ses amis assureraient tranquillement le train avec des albums noisy rock qui s'écoutent agréablement quelques semaines et se rangent auprès des dernières productions "sympas mais sans plus" (seul Troublegum étant ressorti de temps à autres), mais non, le Therapy? qu'on adore est de retour ! Un petit larsen et ça démarre sur les chapeaux de roue avec "Hey Satan - you rock", Neil a déjà ses repères à la batterie et s'accorde parfaitement avec le reste de l'équipe, c'est lui qui donne toute la dynamique à ce titre, Andy est lui revenu à un chant plus rentre dedans, plus "punk" dans l'esprit et les guitares sont repassées au couteau à aiguiser, ça bastonne sec et ça tranche dans le vif, les compos retrouvent leur simplicité et leur efficacité d'antan ("Who knows", "Nobody here but us", "My voodoo doll"). Ceux qui ont aimé Troublegum il y a près de 10 ans vont adorer ce High anxiety, véritable cure de jouvence pour Therapy? qui retrouve toute sa fougue et son envie d'en découdre ("Watch you go"). De ci de là, le groupe a mis quelques dorures sur ses titres, ici une disto assez claire ("Stand in line"), là un effet sur le chant ("If it kills me"), là-bas une guitare acoustique ("Limbo")... Des petites choses qui font qu'on ne s'ennuie pas durant High anxiety et qui permettent de donner une identité propre à chaque titre. Mise à part l'intro de "Not in any name" et sur la fin plus aérienne de "Rust", Therapy? balance ses riffs à vitesse grand V sans discontinuer, "Never ending", le titre caché est du même acabit, il a du être caché "pour la forme" car il aurait bien pu figurer sur le track-listing normal comme douzième titre...
Therapy? est de retour, entre les nouveaux fans qu'ils vont se faire et les anciens qui vont rappliquer prestement, ça va en faire du monde derrière eux, avec autant de carburant, ils peuvent repartir pour 10 ans de carrière !!!