Ça allait assurément chauffer sous le moteur de la Cadillac du Rockstore en ce vendredi 23 novembre avec 2 grosses formations adeptes de la montée de température en milieu clos, à savoir Tagada Jones et No One Is Innocent, deux pointures en matière de retournement de salle et de cervelet.
Tagada Jones + NOII (Rockstore)
Mais il ne fallait pas trop traîner chez soi avant de rejoindre le théâtre des festivités, puisque l'ouverture des portes était initialement prévue à 19h. Un horaire déjà bien prématuré, plutôt pour les poules que pour les renards, mais bon, en ce début de week-end, ça ne tombait pas si mal de commencer celui-ci si tôt. Mais arrivé à 19h20 dans la salle, c'est avec la fin du concert de Madam que je suis accueilli. C'est quoi ce travail ? Une première partie prévue nulle part, sauf sur la page événement sur Facebook, et un début de concert vers 18h30 pour ce jeune groupe rock de Tarbes. J'aurais d'ailleurs bien aimé les voir un peu plus que 5 minutes puisque j'avais souvenir avoir lu dans un très bon e-zine l'interview d'un groupe qui avait été scotché par leur prestation. Si tu veux savoir de quel groupe il s'agit, recherche toi-même dans le MAG n°33 du Fenec à la page 41, pour savoir que c'étaient les No One Is Innocent. On comprend alors mieux pourquoi on les retrouve quand la tournée "Du bruit dans l'hexagone" passe dans le sud, puisqu'elles feront également la date à Marseille, le lendemain.
Annoncé et attendu, Tagada Jones vient apporter sa contribution de bruit dans l'hexagone, et de fort belle manière. Avec autant de concerts au compteur, la mécanique est bien rodée et Niko, Stef, Job et Waner, en bons chefs de meute (d'émeute ?), savent en un claquement de doigt, réchauffer l'atmosphère et captiver la foule. Honneur est fait au dernier LP La Peste et le choléra, avec pas mal de titres qui nous sont offerts ("Envers et contre tous", "Je suis démocratie", "Pas de futur", " La Peste et le choléra",...) et quelques tracks des précédents albums ("Zéro de conduite", "Cargo", "Vendetta"), sans aller trop loin dans leur discographie. En ces temps de contestation sociale où la mode automne-hiver de cette fin d'année 2018 est au gilet jaune, les Bretons nous offrent une parfaite bande originale. Pas de grands discours, entre les morceaux, mais toujours quelques mots à destination du public. De toute façon, pour savoir quels messages les Tagada Jones souhaitent passer, il suffit d'écouter les paroles. A ce titre, mention spéciale pour "Vendredi 13", en hommage aux victimes du Bataclan. Une chanson d'autant plus intense, quand elle est jouée en live, et que l'on imagine avec effroi dans quelles circonstances a eu lieu cette tuerie infâme. En plein concert, en pleine fusion des individualités vers des instants de partage et de plaisir, spectateurs comme musiciens, tout cela broyé par la barbarie. "Debout, nous ne céderons pas" hurle Niko, non nous ne céderons pas. Et pour terminer ce set impeccable, les No One Is Innocent rejoignent Tagada Jones pour partager ce qui est devenu l'hymne des Rennais, le très chantant "Mort aux cons". Devant une salle toujours plus chaude, bien garnie et qui fait plaisir à voir, les slams s'enchaînent gentiment (très gentiment même pour une des musiciennes de Madam qui entame son stage diving en "s'asseyant" délicatement sur la foule). En attendant le changement de décor, c'est dégustation de diverses boissons rafraîchissantes à base de malte et de houblon, l'obligation de réhydratation en périodes caniculaires étant recommandé par le ministère de la santé.
Et ça fait plaisir de retrouver les No One Is Innocent, groupe tout aussi emblématique que les Tagada Jones. Près de 25 ans de carrière mais le feu est toujours là. Et le dernier LP Frankenstein étant encore tout chaud, il va tourner pas mal ce soir. Kemar reste toujours un maître de cérémonie efficace et charismatique. Il fait ce qu'il veut du public : tenter un mini wall of death sur une surface de 200 m², faire monter les filles sur la scène tout en refoulant gentiment un gazier qui voulait être de la fête. Mais les autres membres de No One Is Innocent font aussi le show : Poppy avec son éternel bonnet en mode hyperactif et Shanka qui tripote sa guitare dans tous les sens, prennent bien possession de la scène. Thunder B a la basse est un peu en retrait, que ce soit dans le jeu et au niveau de la scène. Gael à la batterie, est lui aussi plus statique, mais bon, c'est normal quand on est batteur, pas facile de sillonner la scène avec les fûts sous les bras. Mais qu'importe, ça gigote dans les coins et ça envoie du feu sacré, celui qui chauffe les cœurs, la couenne et la voix. Shanka, d'ailleurs, nous offre un petit solo sympathique avec sa guitare mutante équipée d'un espèce de talkbox. Digression individuelle sur scène, et de nous rappeler le fondement du rock : "blues is the teacher, punk is the prayer". Autre moment notable, le stage diving totalement impromptu de Kemar en plein set et qui atterrit (en partie) sur la tête de mon voisin. Une fois le chanteur remis sur les planches, celui-ci se frotte la nuque endolorie, la tête à moitié rentrée dans les épaules et me sort, amusé, un "il aurait pu prévenir ce con". Méfie-toi donc, cher lecteur du saut du Kemar si tu en viens à les croiser à l'avenir. Côté playlist, c'est tout comme les Tagada Jones, quand on a une discographie longue comme un manche de basse, on peut piocher les meilleurs titres des précédents LP ("Nomenklatura", "Charlie", "La peau",...) et se concentrer sur Frankenstein. Et preuve que No One Is Innocent est prêt pour le Bal des enragés, ils nous gratifient de quelques covers bien senties, de Rage Against The Machine à Nirvana. Enfin, le single "What the fuck" est évidemment l'occasion de finir la soirée en beauté avec les Tagada Jones qui les rejoignent pour refoutre le oaï dans le Rockstore suintant de sueur, de rock et de métal.
En bref, à part une soirée qui débute à 18h30, mais c'est loin d'être de la responsabilité des groupes (et je suis sûr que Madam aurait préféré jouer devant une salle comble que parsemée), il n'y a eu que du bon, du bonheur de bruit dans l'hexagone porté par des bêtes de scènes.
Publié dans le Mag #36