Niko, frontman des Tagada Jones ne s'arrête jamais, c'est presque à sa descente d'avion (le groupe revient du Canada) qu'on l'intercepte pour poser quelques questions sur le Live at Hellfest 2017, la tournée, les clips, Le Bal des Enragés, l'engagement...
Tagada Jones - Mathieu Ezan
Sortir un live, c'est devenu une habitude, c'est une demande du public, du label, votre volonté ?
Nous n'avions pas vraiment prévu de sortir ce Live at Hellfest. À la base, nous savions juste qu'il était filmé pour être diffusé en direct sur Arte. Nous avons donc joué sans le stress d'un enregistrement. Le public était vraiment à fond et ce concert a fait partie des quelques dates "magiques" de l'année. Le public et nous-mêmes avons tous pété les plombs en même temps, un peu de chaleur, la foule tassée dans la Warzone, deux trois verres par-dessus ça, et on arrive à des moments d'exception où le public et le groupe ne font plus qu'un. Ce concert était tellement incroyable que lorsque At(h)ome nous a demandé de sortir ce live, nous nous sommes tout de suite dit que ça pourrait faire plaisir à tous ces gens mais aussi à tous ceux qui n'ont pas pu y assister. On a donc contacté le Hellfest pour savoir s'ils étaient ok, ils ont direct dit oui et donc nous aussi !!!
Vous auriez pu choisir un autre concert ?
On ne l'a pas choisi. Je dirais finalement que c'est cette date qui s'est choisie toute seule ! Tous les éléments étaient favorables. Avec l'ambiance incroyable qu'il y avait ce jour-là, il a vraiment été très facile de mixer le live, on a basé le son sur l'ambiance du public de fous furieux qu'on entend vraiment bien dans le disque.
C'est un concert "court" par rapport à ce que vous donnez d'habitude... C'est pas frustrant ?
C'est vrai, c'est souvent un peu frustrant de ne jouer que cinquante minutes ou une heure en festival quand notre setlist habituelle fait 1h30. Par contre, il faut reconnaître que pour les festivaliers, c'est quand même beaucoup mieux que les sets soient plus courts. Ça donne un côté plus intensif et plus explosif au concert.
Le Québec en juillet, c'est plus sympa qu'en octobre ?
Le Québec c'est toujours sympa ! Nous sommes rendus à notre 18ème tournée là-bas, nous avons fait presque 120 dates au Québec ! C'est toujours un réel plaisir d'y retourner, nous y allons en moyenne une fois par an. Au cours de toutes ces tournées, nous y sommes allés à toutes les saisons, et chacune d'entre elles a son petit charme mais il est vrai que entre les -30 degrés de l'hiver ou les +30 de l'été, ce n'est pas vraiment le même contexte. Nous, en short ou en doudoune, le Québec, on prend toujours !!!
L'an dernier, vous avez fait une tournée aux États-Unis, comment est reçu Tagada par les non francophones ?
Franchement, c'était vraiment cool. Le fait de chanter en français là-bas, c'est incroyablement exotique pour eux. Le plus dur finalement est de rentrer dans les réseaux pour tourner là-bas. Effectivement ça reste compliqué de jouer dans les pays anglo-saxons pour des groupes francophones mais une fois sur place, ça le fait grave. De plus, on a eu la chance de faire les dates avec Municipal Waste, Voodoo Glow Skulls et Pinata Protest, donc les salles étaient complètes ou bien remplies... le rêve quoi. On parle d'y retourner assez vite.
Est-ce qu'il y a des concerts où "ça ne le fait pas" ?
J'imagine que ça doit arriver bien sûr, mais on a eu la chance de passer entre les gouttes. D'une manière générale, il y a toujours du bon dans les concerts, même quand les conditions sont plus roots, on passe de bons moments avec le public.
vous avez appris qu'Ultra Vomit vous rendait hommage avec "Un chien géant" ?
Le plus simplement du monde, il y a plusieurs années maintenant, nous les faisions jouer à Rennes avec Rage Tour et ils ont joué pour la première fois le titre en live. On était franchement morts de rire. Depuis le morceau a été un peu modifié pour l'enregistrement sur Panzer surprise !. À chaque fois que l'on joue ensemble, je passe faire un featuring sur le titre... Ultra putain de Vomit c'est la famille.
Ça fait quoi d'être "parodié" ?
Plutôt plaisir. Ultra fait partie des groupes qui font de bonnes parodies pour le fun et pas pour se moquer des groupes, ça fait une énorme différence. Peut-être que d'autres parodies pourraient moins nous plaire... mais la leur est top.
Est-ce qu'il y a des groupes qui n'aiment pas Tagada Jones ?
Ben j'imagine que oui, c'est normal non ? On a tous des goûts différents. Nous, d'ailleurs, on est loin de tout aimer aussi. Il y a sans doute des gens qui n'aiment pas notre musique mais avec qui on peut s'entendre très bien. Ça ne me dérange aucunement. La diversité, il n'y a que ça de vrai. Heureusement qu'on n'aime pas tous les mêmes choses, ce serait franchement monotone comme vie.
Les activités annexes à celles du groupe avec Enragés ou Le Bal font-elles que certains vous courtisent pas forcément avec sincérité ?
(rires) Sans doute, mais nous on ne le sait probablement pas (rires).
C'est plutôt à tous les autres groupes qu'il faudrait demander... mais aurais-tu des réponses franches ?
Tu as fait un featuring sur l'album de No One Is Innocent, vous avez partagé et vous allez encore partager des dates avec eux, vous discutez politique avant et après les concerts ?
On ne va rien te cacher, ça nous arrive oui. Mais nous ne parlons pas non plus que de ça, je dirais même que la plupart du temps, on se marre en racontant de grosses conneries ! No One, c'est un groupe qu'on apprécie beaucoup, humainement et musicalement. Nous n'avions presque jamais joué ensemble les 20 dernières années, alors on rattrape le temps !!!
L'engagement ne serait-ce que citoyen ne semble pas être une préoccupation chez les jeunes groupes, une idée du pourquoi du comment ?
Eh bien je suis un peu plus optimiste que toi, c'est vrai que depuis des années niveau engagement, on semble être dans le néant total... Sauf que je sens chez les jeunes que le ras le bol monte et on voit de plus en plus d'assos ou de collectifs se monter pour défendre telle ou telle cause. Je sens vraiment un renouveau. On fait aussi pas mal de petites interviews pour des microstructures et, à mon avis, d'ici quelques années, on va voir de nouvelles choses sortir de terre. L'engouement actuel des plus jeunes pour Tagada est aussi un certain signe d'intérêt pour l'engagement ou les groupes engagés.
Le rock en général est d'ailleurs plus "engagé" que d'autres mouvances comme le rap ou la pop et même la culture en général, vous auriez pu faire autre chose pour faire passer vos messages ?
Franchement dans le rap, il y a pas mal d'artistes engagés, mais il y a aussi de la soupe c'est clair. Nous, on ne s'est jamais posé la question. On a monté Tagada Jones pour faire du Rock, du Punk Rock, du Metal. C'est vraiment la musique qui nous a toujours fait kiffer ! On a souvent été approchés par des représentants de partis politiques, de gauche évidemment, pour se rapprocher d'eux, mais nous avons toujours refusé, on ne se retrouve franchement dans aucun des programmes, ni d'ailleurs dans la politique en général. Qui sait un jour on finira peut-être par faire directement de la politique, histoire de faire changer les choses, on fondera un parti à mi-chemin entre la gauche, l'anarchie et l'écologie. ...vaste programme !
Plein de groupes de votre génération ont passé la vingtaine et remplissent toujours les salles, on peut parler d'une génération exceptionnelle ?
Non je ne crois pas, je pense juste que pour la génération suivante ça a été très dur de faire ses armes. Avec la crise du disque, la majeure partie des labels indés a disparu. Or il faut bien le reconnaître, énormément d'artistes ont été découverts par des labels indés. On a donc connu quelques années de flottement, puis le rock est un peu passé de mode... avant de revenir... peut-être. On sent bien que ça frémit en ce moment ! À mon avis il y a plein de super groupes qui jouent encore dans leurs caves ou qui ont arrêté par dépit alors qu'ils avaient plein de talent, c'est dommage.
Tenir 25 ans, c'était imaginable au début ?
On a plaqué boulots et études pour tenter l'aventure à 20 ans et se marrer quelques années, on ne pensait jamais que ça durerait 25 ans... et sans doute même beaucoup plus car on n'est pas partis pour s'arrêter de suite. Comme quoi, il ne faut pas hésiter à se lancer dans des aventures farfelues parfois.
Tagada Jones - Mathieu Ezan
Les deux derniers clips dépassent le million de vues (et même le double pour "Mort aux cons"), Youtube vous rémunère ?
Alors je crois qu'avec les anciens clips, nous sommes à 4 clips qui ont dépassé le million. Le premier qui était "Cargo" a même été effacé, à l'époque on n'avait pas de chaîne Youtube. Nous l'avons remis en ligne mais en repartant à zéro. Comme tous les artistes, on touche une toute petite rémunération sur les vues Youtube, mais on parle de quelques euros pour des millions de vues... de quoi se payer une bière par mois peut être, tu vois le genre ?
De manière générale, quel est votre rapport à la musique dématérialisée ?
Aucun souci avec ça, nous sommes effectivement de la génération physique, et on adore notamment les vinyles mais il faut accepter de vivre avec son temps et la musique dématérialisée c'est hyper pratique. Les grosses maisons de disques qui ont lutté tant d'années contre la dématérialisation auraient sans doute dû passer plus de temps, d'efforts et d'argent à préparer le passage du physique au numérique. Aujourd'hui, on baigne dedans mais libre à chacun de sortir un bon vieux vinyle de temps en temps pour se faire plaisir.
Vous avez fait represser La peste et le choléra en vinyle transparent, c'est pour plaire aux fans ou parce que vous êtes aussi du genre collectionneur de beaux objets ?
On organise deux foires aux disques par an depuis plus de 20 ans à Rennes avec une autre structure de prod indé : "Banana Juice". Pour nous c'est vraiment un trip de s'amuser à faire de beaux objets de collection, on sait qu'il va y avoir des passionnés comme nous qui vont adorer.
2019 sera une année Bal des Enragés, des dates sont bookées mais à part ça, vous êtes déjà en train de bosser sur le set ou ça viendra après ?
Oui, on a déjà annoncé 10 ans, 10 dates, mais il y aura aussi des festivals en plus que l'on va annoncer plus tard. Pour ce qui est de la setlist, non, on n'a pas encore commencé à travailler dessus, on ne commencera que début 2019, puis quand les titres seront choisis, on fera une bonne semaine de répétition fin mars pour être au top ! Les préventes partent déjà très très bien, je pense que l'édition 2019 sera un bon cru même si malheureusement on devra déplorer quelques absences. Mais évidemment il y aura aussi du nouveau...
A La Cigale, il faudra enchaîner Tagada/Le Bal, il y aura une préparation particulière ?
Non pas vraiment, nous avons l'habitude maintenant de jouer, on peut enchaîner les deux, En plus, pendant le bal on ne joue pas 100% du temps, on peut breaker et se désaltérer tranquille peinard !
Pourquoi ne pas avoir choisi Le Bataclan pour cette date ?
Alors simplement car on a déjà fait le Bataclan, par contre la Cigale, jamais. C'est pour cela qu'on a choisi cette salle, une des dernières que nous n'ayons pas encore faite à Paris.
Et Niko de nous remercier pour l'interview alors que c'est à nous (et à toi) de dire un grand "Merci" à lui comme aux autres Tagada et à tous les enragés, et merci aussi à Olivier chez At(h)ome et Mathieu Ezan pour les photos.
Publié dans le Mag #34