The Strokes - Angles Quand le meilleur groupe dandy-rock du monde revient avec une quatrième offrande, apparemment accouchée dans la plus grande douleur et après trois albums absolument imparables, forcément au W-Fenec on est dans les starting-blocks. L'épreuve du titre et de la pochette une fois passées (si, c'est une épreuve quand même à ce niveau), les New-Yorkais peuvent désormais mettre le feu au terrier avec un album aussi attendu que redouté. A tort ? A raison ?

Pour :
De toutes les façons, passer après First impressions of Earth était plus que compliqué rien que sur le papier, le troisième album des américains étant une bombe gorgée de tubes, les "Juicebox" et autres "Heart in a cage" et on ne parlera même pas ici de "Vision of division" intense et complètement habité par les Dieux du rock indépendant. Il fallait donc un miracle pour atteindre le même niveau d'autant que les crises d'ego agitant le groupe n'allaient vraiment pas aider. On va donc évacuer l'idée d'entrée en la faisant courte : Angles n'a pas grand chose d'un chef-d'oeuvre, mais ce n'est pas non plus la purge que l'on aurait pu craindre. Même si lors de la première écoute, après deux titres, on n'en menait pas large. Faut dire aussi que Julian Casablancas ayant commis il y a peu un premier album solo frisant l'innommable à côté duquel Angles est un chef-d'oeuvre, l'échelle critique est peut-être ici un peu abaissée. Plus objectivement, le quatrième effort des Strokes réserve quand même quelques jolies réussites, "Two kinds of happiness", son feeling retro, son break électrisant et sa mélodie qui fait vibrer les enceintes marque les esprit, idem sur la ballade "Call me back", intimiste et pudique et "Gratisfaction" est drôlement bien écrit. Le talent, quand on l'a un jour, on ne le perd jamais complètement. C'est déjà ça de pris.

Contre :
Oui les trois précédents albums du groupe sont des torpilles rock et ont claqué la dernière décennie de la musique indie comme rarement. Mais ce n'est pas une raison... parce qu'il faut être honnête, la mise à feu est cataclysmique. Le groupe, certainement pas aidé par des épisodes d'intenses dissensions internes accouche d'un "Macchu Picchu" paradoxalement tubesque et pénible, un peu putassier et à des années lumières des hits jalonnant la discographie du groupe. A ce moment-là, les Strokes sont entre deux portes, presque dans l'angle-mort (ahah), avec d'un côté une volonté apparente de changer de voie/x, abandonner le rock frondeur à la fois dandy/bad-boy, et de l'autre, la recherche (vaine) du tube à tout prix, du single qui va propulser l'album en haut des charts... et fatalement se ratent sur un "Under cover of darkness" tristement quelconque. Puis, on le sait, c'est écrit d'avance, l'album va quand même marcher, du moins au départ. Après ce sera le bouche à oreille qui fera la différence. Là par contre, ça risque de se gâter, tous les morceaux de l'album n'étant clairement pas à la hauteur de ce que le groupe avait su proposer par le passé ("You're so right" est à ce titre particulièrement difficile), à tel point qu'au terme de l'écoute de cet Angles, on mesure avec regret la distance qui nous sépare d'un Room on fire ou d'un Is this it. Les guitares ne sonnent pas vraiment (et à des années lumières du précédent enregistrement), alors les New-Yorkais compensent en chargeant les effets 80's, option goût douteux à l'appui, la prod, limpide, rate la cible... limitant de fait les possibilités d'un groupe dont on suppute alors qu'il ait pu avoir du mal à faire les bons choix artistiques tant on sent l'édifice musical parfois... bancal. Et puis sérieusement cette pochette...

Verdict :
Intrinsèquement bien trop doués pour sombrer dans la médiocrité, les Strokes passent en mode survie sur un album qui a failli apparemment sceller la fin de leur histoire commune. Au bord de la rupture, les américains ont tenté de limiter la casse, pas toujours avec la plus grande réussite d'ailleurs, et s'ils parviennent à livrer un disque de qualité honorable (foutu talent tout de même) là où certains se seraient royalement plantés, le rendu final de ce quatrième album est bien trop faiblard pour soutenir les comparaisons avec ces prédécesseurs. Éternel problème que celui de l'excellence qui devient toujours plus difficile à conserver au fil des créations, celle-ci bien que d'honnête facture étant à des années lumières de ce qu'a pu produire le groupe au sommet de son art. Là, ça sent quand même un peu la fin...