Grunge et acoustique font bon ménage, aussi distordus soient les accords quand les groupes sont sur scène en temps normal, le passage à l'unplugged a toujours donné de grands moments, portés par les émotions à fleur de peau transmises par les musiciens et des chanteurs hors pair. D'ailleurs l'émission culte "MTv Unplugged" existait depuis 4 ans avant le show de Nirvana, qui a fait de ce passage obligé pour les groupes assimilés à ce genre un "classique". Et pour ma part, je juge que parmi les trois meilleurs shows, il n'y a pas celui de la bande de Kurt Cobain. Il est distancé par ceux d'Alice in Chains (imbattable), de Pearl Jam et donc de Stone Temple Pilots, qui y pose son rocking chair en 93, quelques mois avant la sortie de Purple (d'où sont extraits "Vasoline" et "Big empty") et va interpréter tous les tubes de Core ("Creep" et "Plush" en tête). Les démons de Scott Weiland transpirent à l'écran, les frères DeLeo sont eux bien plus à l'aise, c'est d'ailleurs Dean, guitariste, qui signe toutes les parties instrumentales de ce Perdida, premier album acoustique du combo et peut-être même premier album acoustique tout court pour un groupe grunge de ce calibre (Jar of flies n'est qu'un EP, In your honor est à moitié acoustique, beaucoup d'autres sont des versions unplugged de titres existants)...
Perdida donc, "la perte" mais aussi un état d'esprit, une sorte de saudade, de spleen lié au manque de ceux qu'on appréciait, un sujet que Dean, Robert et Eric ne connaissent que trop bien, ayant du faire face en quelques années aux dernières envolées de Scott puis de Chester. Si l'intégration de Jeff s'est faite électriquement, au moment de composer de nouveau, le groupe a senti qu'il fallait rester au plus près de ses sentiments, sans artifice, jouer et chanter de la façon la plus pure qu'il soit, en mode acoustique donc, l'intégralité des morceaux a été directement pensé comme ils sont joués... S'en dégagent une chaleur, une mélancolie, apportées par le son délicat des guitares, la rondeur de la basse, le chant (qui parfois passe à l'arrière-plan voire disparaît comme sur "I once sat at your table") et quelques claviers qui viennent éviter de trop lourds silences. Une atmosphère de recueillement par moments (la fin de "Sunburst") qui fait honneur aux disparus dans les textes ("I'm missing you", "I thank you for the memories I'll carry", "I wonder why we lived a lifetime only to say goodbye", "your absence so loud"...). De cette tristesse infinie, de ces moments de doute partagés naît la beauté et renforce l'idée que la musique adoucit les pleurs.
Publié dans le Mag #42