Changer de chanteur n'est jamais facile mais bon nombre de groupes cultes ont connu ce genre d'aventure (Pink Floyd, Black Sabbath, AC/DC, Iron Maiden, Sepultura) et ça ne s'est pas trop mal passé. Dans le cas de Stone Temple Pilots, c'est un peu particulier car Scott Weiland était un personnage, incontrôlable, dépendant, il était plus qu'un chanteur. Son éviction du groupe après tant de tentatives de le garder dans un chemin presque droit en 2013 ressemblait plus à un électro-choc et un service que lui rendaient ses potes les frères DeLeo, à l'origine avec lui de STP. Son remplacement (pour quelques concerts et un EP) par Chester Bennington de Linkin Park n'a pas suffi à le sauver, il est parti en solo et définitivement parti en 2015, rejoignant Layne Staley et quelques autres au rang des victimes de la drogue. Deux mois plus tôt, Chester avait annoncé la fin de sa collaboration avec les STP, il se suicide durant l'été 2017. En novembre 2017, Jeff Gutt, qui n'a pas peur d'une éventuelle malédiction, devient officiellement le nouveau chanteur, il a officié avec Dry Cell et s'est fait surtout connaître lors du show The X Factor (une sorte de Nouvelle Star Ac' qui a bien marché aux États-Unis). À l'écoute de cet album, il réussit parfaitement à "imiter sans forcer" Scott Weiland, trouvant le bon équilibre entre inspiration du maître (le côté grunge accrocheur) et touche personnelle (des mélodies plus propres, plus pop).
On retrouve donc ici la réussite connue par Alice in Chains lors de l'arrivée de William DuVall avec un combo qui se transcende avec l'arrivée d'un nouveau membre qui surmotive les vieux briscards (Dean, Robert et Eric jouent ensemble depuis 1985 !) et écrit peut-être un de ses plus beaux albums depuis le début des années 90 (Core date de 92, Purple de 94), revenant sans conteste dans le game après une dizaine d'années d'errance et une reformation pas folichonne. Cet opus éponyme (encore un ! Purple ou Shangri-la dee da n'avaient pas de titre très lisible, le N°4 n'était qu'un numéro et en 2010, le monde du rock avait renoncé à surnommer l'album) à l'artwork plutôt réussi contient ce qu'il faut de titres charmeurs pour satisfaire le vieux fan que je suis. De la dynamique et du groove ("Middle of nowhere", "Meadow"), de la gouaille ("Never enough"), un peu de tendresse ("Thought she'd be mine", "The art of letting go"), de la puissance ("Roll me under"), je retrouve tout ce que j'ai aimé dans ce groupe atypique. Que demander de plus ?
Publié dans le Mag #33