Trio franco-italien basé à Berlin (c'est aussi ça l'union Européenne), The Somnambulist lance ses activités avec l'aide d'Amaury Cambuzat, frontman d'Ulan Bator et créateur du label Acid Cobra Records (V13, Chaos Physique). Le groupe est formé de Marco Bianciardi, multi-instrumentaliste, ancien activiste de la scène rock avant-gardiste italienne ayant été batteur d'Elton Junk, chanteur d'Hotel Ambiente et guitariste de Caboto ; Rafael Bord, avant tout connu pour être violoniste des Hurlements D'Léo mais également joueur de oud pour le trio Anna Khanda ; et le batteur-percussionniste Marcello Busato des formations Infinite Monkey Show, Sink et du trio Els Vanderweyer. C'est dans la capitale allemande que les inclassables The Somnambulist ont enregistré leur premier album, Moda borderline, sorti en mai 2010.
Infos sur The Somnambulist
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Liens pour The Somnambulist
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The Somnambulist discographie sélective
The Somnambulist dans le magazine
Numéro :
Mag #42
Ce Mag #42 est un peu particulier car écrit en grande partie en mode confinement, partagé entre l'écoute intensive des albums permise par le télétravail et nos enfants, on a jonglé avec le réseau mondial pour collecter des interviews et vivre des concerts depuis chez nous (ou pas, celui de Kvelertak, c'était dans le monde d'avant). Ce numéro est particulier également car on a encore plus mis en lumière quelqu'un qui vit souvent "Dans l'ombre" à savoir Jouch (musicien chez Agora Fidelio, Naïve... mais aussi graphiste de talent).
Liens Internet
- mygmusique.com : webzine rock
- Glaz'Art : site officiel
- Rezomusique : un annuaire consacré à la musique
Rock > The Somnambulist
Biographie > Un son à dormir debout
Review Concert : The Somnambulist, L'étrange concert (Sept. 2013)
Interview : The Somnambulist, L'interview hypermnésique (mars 2020)
Interview : The Somnambulist, L'interview réveillée (janvier 2018)
Interview : The Somnambulist, L'interview éveillée (Sept. 2013)
The Somnambulist / Chronique LP > Hypermnesiac
L'avantage de suivre une formation musicale dès ses débuts, c'est d'avoir cette chance insoupçonnable au départ de percevoir son aura et son évolution (mutation ?) de manière plus intense qu'une personne qui la découvre tardivement sans avoir vécu ça "en direct", avec le contexte temporel qui va avec. Car nous aussi, en tant que passionnés, on grandit et évoluons en parallèle avec des formations de quelque type que ce soit. Et c'est qui est drôle en disant ça, c'est que l'on donne l'impression de parler d'un vieux groupe alors que le premier album de The Somnambulist n'a "que" dix ans. Il y a une décennie, ils débarquaient avec Moda borderline, huit titres qui m'avaient mis une belle baffe, une inventivité, une grâce, une élégance qu'on ne retrouvait plus systématiquement dans ce monde électrique. Une audace que le trio berlinois n'a jamais vraiment perdue, j'ai envie de dire que c'est presque une chance de les voir encore là en 2020, à sortir un quatrième album après des années de galères (financières, de label, de line-up, d'enregistrements...), à essayer tant bien que mal de continuer à faire vivre depuis la capitale allemande un mouvement artistique quasi ignoré des médias, quand beaucoup de portes se ferment et que l'époque n'est pas (toujours) propice au développement d'un bon projet musical.
Trois ans après une tentative ambitieuse et plutôt gagnante de sortir un double album nommé Quantum porn (et ce n'était pas gagné vu son caractère panaché), The Somnambulist lâche au public son nouveau-né, Hypermnesiac. Afin de maîtriser la chaîne et de ne plus avoir de mauvaises surprises, comme sur l'opus précédent (voir l'interview donnée à l'époque dans notre n°32), le trio a produit ses propres chansons en studio par le biais de son guitariste et chanteur Marco Biancardi (fondateur et seul rescapé de l'aventure, autant dire le chef d'orchestre de la bande) et de son batteur Leon Griese, crédité en tant qu'ingé-son, et qui inaugure là son premier enregistrement avec la formation. Évidemment, en plus de toucher sa bille en production, le jeu de batterie subtil et plein de finesse technique de ce dernier est remarquable en tout point. Il sert le propos de ces nouveaux titres tout en gardant globalement un style épuré qui n'étouffe pas le travail des guitares de Marco et les lignes de la basse toujours pleines de justesses de Thomas qui, depuis la sortie du disque, a été remplacé par Isabel. D'une durée avoisinant les 40 minutes, cet Hypermnesiac condense la formule, à l'image de ses premiers albums, et distille un rock habité de sept atmosphères bigarrées dans lesquelles l'expressivité domine largement les débats. Ainsi, chaque morceau est une aventure sonore à vivre, une trépidation électrique, une leçon apprise, qui sait ?
D'un "Film" déployant ses ondes mélancoliques à la plage rock jazzy très étirée de "Ten thousand miles longer", en passant par l'hypnotique "Doubleflower" déployant pour l'occasion son arsenal de cuivres, ou les tourbillons de la dérangeante et électronique "At least one point at which it is unfathomable", Hypermnesiac nous ballade allègrement dans le terrain de jeu trépidant des Berlinois ô combien jouissif. Et si Marco n'a pas perdu son âme de créateur émérite de paysages sonores, il en arrive aussi à un stade où sa voix n'a jamais été aussi bien maîtrisée. Et si ce nouvel album n'était au final que la plus belle des synthèses de tout ce que The Somnambulist a pu faire durant sa décennie ?
Publié dans le Mag #42
The Somnambulist / Chronique LP > Quantum porn
On avait plus ou moins perdu la trace des Berlinois de The Somnambulist depuis la sortie de leur deuxième album, Sophia Verloren, et un concert au Klub à Paris en septembre 2013 en compagnie de Besoin Dead et d'Ulan Bator à l'époque où le trio était encore signé sur le label d'Amaury Cambuzat, Acid Cobra Records. 100% indépendante depuis, avec la création de son propre label Slowing Records, la formation a passé plusieurs années à bûcher sur la mise en boîte d'un ambitieux troisième LP, puisque Quantum porn fait tout de même son 70 minutes avec 16 titres à la clé. Tout ça n'ayant pas été aussi simple que prévu, la faute principale à une erreur de casting de producteur et puis (moins grave mais à noter) à un double changement de batteur qui ont entraîné un retard considérable à l'élaboration d'une œuvre qui demandait beaucoup à une équipe dont les affaires tournent aujourd'hui encore difficilement financièrement parlant (comme la majeure partie des groupes actuels). Bref, The Somnambulist a voulu garder son intégrité mais aussi celles des aspirations portées à ce Quantum porn qui après plusieurs écoutes sérieuses nous paraît comme une réussite, même si l'on reconnaît presque naturellement qu'il ne se range pas dans la catégorie des disques à "écouter/jeter". De toute façon, on ne se débarrasse jamais vraiment d'un disque de The Somnambulist, tant l'univers du trio a la capacité de séduire assez naturellement depuis Moda borderline.
Ceci étant dit, quand une sortie aussi riche de 70 minutes de musique conceptualisée par des personnes hautement passionnées par l'art (dont la musique classique) et paraissant perfectionnistes - voire un tantinet élitistes - t'arrive dans les oreilles, ton cerveau ne prend pas vraiment de repos. Ça a beau être de la pop, du rock indé - ajouté de quelques velléités jazz ou expérimentales - ou n'importe quels styles "accessibles" que tu peux déceler assez aisément en découvrant ce troisième disque des Berlinois, il n'empêche que ce Quantum porn demande une certaine assiduité à l'écoute pour y trouver son bonheur. Marco Biancardi (voix, guitare, sampler), compositeur en chef de la troupe, le reconnaît volontiers et ne nous facilite pas la tâche. L'homme à la voix rauque qui la laisse aisément s'emporter par moments, à commencer par l'inaugurale et excellente "Transverberate", garde comme socle l'inévitable guitare-basse-batterie pour diffuser à la masse la quintessence de ses idées. Même si des invités comme l'habituel Raphaël Bord (ex-Les Hurlements d'Léo) au violon, Olivier Bernet au synthé, Mareike Hube à la trompette et au trombone ou Mickael Weilacher au marimba et à la tabla, ajoutent différentes couleurs à des morceaux répartis sur les quatre parties (Pi, epsilon, phi et upsilon) de l'œuvre, il n'en demeure pas moins que tout le travail en trio amène déjà, à quelques exceptions près, l'ambiance générale et l'humeur très versatile du disque : vibrante ("Transverberate"), groovy ("A ten thousand miles long suicide note"), calme ("The grand anthem of the unnoble nation of."), dérangée ("The science of hidden purpose"), labyrinthique ("Goddamnland"), inquiétante ("Sundrum Ln"), mélancolique ("Green ice"), enjouée ("Resume where God has stopped"), nerveuse ("Scurf")... nous te laisserons compléter cette liste d'adjectifs, une fois que tu auras bien consciencieusement digéré l'ensemble.
L'empreinte musicale de The Somnambulist demeure intacte au travers de ce Quantum porn qui livre une facette peut-être plus aventureuse du groupe, bien qu'elle soit déjà présente sur ses précédentes réalisations, un ressenti naturellement aidé par sa longueur. Avec du recul, cette dernière n'est pas un problème tant les titres sont globalement bien répartis, alternant de manière intelligente les différents caractères des pistes qui se distinguent par un refus catégorique à toute forme de stagnation artistique. On se laisse prendre au jeu de ce nouvel album, même mieux : on devient progressivement accroc à l'ivresse de ses ondes.
Publié dans le Mag #32
The Somnambulist / Chronique LP > Sophia Verloren
Auteurs il y a trois ans de Moda borderline, un premier album à l'élégance rare, les Berlinois de The Somnambulist poursuivent leur trajectoire aventureuse (cf. pochette) avec Sophia Verloren, confirmant ainsi les excellentes impressions que nous avions eu à leur égard à l'époque et à quel point cette formation est décidément hors-norme. Car cette entité représentée par des membres aux nationalités multiples (italien, français, allemand, belge, néo-zélandais) brassent également différents backgrounds musicaux (rock, jazz, classique et klezmer) qui confèrent au groupe son aspect si particulier. Les limites de The Somnambulist deviennent de moins en moins visibles avec ce nouvel effort qui arpente en huit titres des espaces sonores situés autour du post-punk, du rock vague à l'âme et du folklore d'Europe centrale. Le tout avec la manière et une classe déconcertante.
Ce qui marque d'entrée chez cette troupe, c'est son habileté à poser des ambiances antinomiques et à insérer des éléments de nature discordante ensemble, à entrainer des confusions de genres pour en tirer in fine une substance qui fonctionne admirablement et qui attise la curiosité. D'abord, il y a cette voix rauque, presque énigmatique, et captivante de Marco Biancardi venant griser ce tableau kaléidoscopique. Une vocalise qui s'oppose à celle argentine d'Albertine Sages sur "A daisy field", morceau à la mélodie enivrante en mouvement circulaire. Cette chanteuse, faisant partie de la longue liste des invités du trio originel pour cet album, marque son empreinte également sur le final feutré et jazzy "Monday morning carnage". Une illusion lorsqu'on fait face au reste des titres à la tension palpable de ce Sophia Verloren.
Parlons dans un second temps de l'apport conséquent des instruments et de la mise en place du décor sur lequel Marco pose sa voix. Comme une chimère dans le royaume de Morphée, la musique de The Somnambulist possède la singularité d'utiliser des panels sonores issus d'autres styles que le rock classique (violon, theremin, piano, vibraphone, sax alto, scie musicale...) créant, par la même, des atmosphères troublantes comme sur "...And the snow still falls", mais pas que. Si le violon de Rafael Bord domine un peu les débats, c'est pour insuffler ce vent de liberté qui rend ce groupe tant insaisissable. Faite de lentes progressions orchestrées ("My own paranormal activity"), de rythmes effrénés accompagnés de guitares au style tarabiscoté (deuxième partie de l'excellente "Dried fireflies dust") et autres engrenages inextirpables ("Steam"), ce Sophia Verloren est un véritable casse-tête, un chemin caillouteux sur lequel l'auditeur ne fera jamais de sortie de route car cohérent de A à Z.
PS : Vu que les mots me manquent pour vous donner l'envie d'écouter ce chef d'œuvre (osons le mot), je vous conseillerais peut-être la chanson éponyme qui selon moi représente le mieux l'album de par les déclinaisons de son hétéroclisme. Bonne écoute !
The Somnambulist / Chronique LP > Moda borderline
Les ingrédients, cela est indispensable pour arriver à ses fins (faims ?) et prendre du plaisir par la suite. Le disque aussi. Ce midi, c'est The Somnambulist, un trio rock stupéfiant de Berlin composé d'Italiens et d'un Français (l'ex-violoniste des Hurlements D'Léo). Original, non ? Enfin, tant que la musique l'est, c'est le principal. Avant d'appuyer sur "play", je sors tout : le chocolat, les œufs, les ustensiles comme le fouet (NDR : je suis dans ma cuisine là), les deux saladiers pour séparer les jaunes des blancs. Parce que ce n'est pas une fois les doigts englués d'ovalbumine que je vais dégueulasser le trackpad de mon Mac. Soyons sérieux.
"Red carpet" démarre. Un tapis rouge ? Sympa l'accueil ! Toi, tu veux être le premier à la goûter !!! Bref, j'accroche de suite, la batterie qui marque le pas, le violon qui fait son effet, les grattes incisives, l'envolée et tout. Bonne pioche ! Je casse ma tablette de chocolat dans le saladier sur l'air d'un "Don't you want to devour this war ?" dérangeant. Mais qui est cet homme qui chante ? Tom Waits ? Arno ? Il me donnerait presque envie de me délecter d'un whisky et de crapoter un cigare, ce con ! J'ouvre le micro-onde pour faire fondre mes carrés de chocolat préalablement imbibés d'eau et là, ca s'emballe complètement. Vraiment dérangeante cette chanson. A peine je ressors mon saladier de chocolat fondu que je retombe avec "Luce" sur la voix obsédante de ce gars. Cela m'effraie un peu, mais comme je suis fan des premiers dEUS, je suis blindé. Je ne cèderai pas. On dit toujours "jamais deux sans trois", je m'en fout, je suis concentré sur l'opération la plus délicate : la séparation du jaune et du blanc d'œuf. Faut pas se tromper, le jaune va avec le chocolat fondu et le blanc reste à part dans un saladier vide. Tiens, avec ces conneries, je viens de zapper le titre éponyme de cet album. Comment s'appelle-t'il déjà ? Ah oui, Moda borderline. Ce titre, c'est comme sa musique, difficilement compréhensible. Encore un truc d'italiens parlant de nana "borderline" ? Je demanderai l'explication à Cactus à qui je pense en écoutant cet album d'ailleurs. Un gars qui a la voix éraillée sur une musique énigmatique, ca ne peut être que pour lui. Je mélange mon chocolat fondu et mes jaunes sur le rythme effréné de "80's violence" en reniflant les relents de cette exquise mixture. Tout d'un coup, voilà que mon chat essaie d'attirer mon attention pendant que je laisse reposer mon mélange. A l'instar de l'aventureuse et non moins post-rockeuse "Quinto mistero della Gioia", je lui dégote un truc auquel il ne s'attend pas : une boite de sardines coincées entre les huiles et les aromates. Tranquille désormais, je vais pouvoir passer à l'étape suivante, la plus éprouvante : faire monter les œufs en neige. Une pincée de sel dans le liquide visqueux et c'est parti. Je tiendrai exactement la même cadence que la noisy "Go is not a good shot" vibrante à la fois par sa tranquillité et sa folie, un peu comme si les Melvins rencontraient Sonic Youth. Du lourd quoi ! Faut faire des pauses ou ralentir avec le fouet, la crampe n'est jamais loin si on veut faire son malin. Je verse les œufs en neige (c'est d'actualité en plus) dans l'autre saladier par intermittence et mélange avec délicatesse à l'aide d'une spatule. Je pose de fines lamelles de chocolat dessus en guise de touche finale. Voilà, ma potion va pouvoir se reposer pendant trois à quatre heures dans le frigo. Pour cela, je lui laisse en fond sonore le dernier titre de l'album, "Alice never". Ce sera parfait.
Cette recette aurait très bien pu s'appeler la Moda borderline mais on lui a donné le nom de "Mousse au chocolat". Peu importe le nom en fait, puisque les deux ont une saveur unique et se digère carrément bien.