The Smile - A light for attracting attention Au mois de janvier dernier, nous vous annoncions le premier extrait d'un album d'une nouvelle formation comprenant deux membres de Radiohead, soit Thom Yorke (voix-guitare-basse-claviers) et Jonny Greenwood (guitare-basse-claviers), tous deux accompagnés du batteur de Sons of Kemet, Tom Skinner. Ce dernier avait bossé sur la BO de "The master" composée par Jonny en 2012.

En 2020, peu avant le confinement dû à la pandémie du Covid, Greenwood se remet au travail et élabore un certain nombre de morceaux dont il souhaite impérativement ne pas les laisser trop longtemps dans le tiroir. Profitant du confinement, il sollicite son collègue guitariste de Radiohead, Ed O'Brien, mais celui-ci est malheureusement occupé par la réalisation de son premier album solo. Afin d'accélérer ses affaires, il se tourne alors vers Thom Yorke pour peaufiner ses idées et mettre en place à distance ses morceaux avec Tom (le batteur), sous la houlette du producteur de Radiohead, Nigel Godrich. Pour la petite anecdote, Yorke enregistrera ses voix pendant le confinement directement en streaming avec le studio de Godrich. Ce trio prend le nom de The Smile (en référence à un poème de Ted Hugues) et fait ses débuts sur scène sans public, en diffusion streaming, dans le cadre d'un concert surprise à Worthy Farm pour le compte du festival Glastonbury en mai 2021. Sa première représentation en public se déroule au Magazine London en janvier 2022, histoire de tester ses nouveaux morceaux avant la sortie d'A light for attracting attention en mai 2022, et d'enchainer une tournée internationale qui est toujours en cours au moment où j'écris ces lignes.

Si je dois schématiser un peu ce qu'est A light for attracting attention, considérez-le comme une grande bâtisse à 13 pièces : chacune d'elle vous plonge dans un univers et des décors variables. Du sol au plafond, les murs, les objets présents et la manière dont ils sont (dis)posés, la forme et l'intensité de la lumière, les odeurs : tout peut être à la fois différent et commun à quelques autres, mais chacune d'elle est 100% unique. A priori, son hétéroclisme pourrait troubler l'écoute et provoquer le rejet (au début, la confusion est vraiment réelle). Pourtant, les Anglais ont réussi l'exploit de rendre le tout cohérent, avec un goût prononcé du détail, et en évitant soigneusement de passer par le chemin du refrain.

Ce premier disque s'ouvre par "The same", seul titre à être joué par les deux Radiohead, une introduction électro cosmique qui ne nous donne guère d'indices sur ce que l'on va découvrir par la suite. Ce n'est réellement qu'à partir de la suivante, "The opposite" et son groove fin et imparable, qu'on peut déjà trouver des similitudes avec Radiohead. Petite parenthèse au passage : A light for attracting attention est à coup sûr le side-project de membres de Radiohead qui se rapproche le plus de ces derniers, sans pour autant en être une copie intégrale. "You will never work in television again" est peut-être la pièce la plus bordélique de la bâtisse, ses riffs rock et sa verve punk galvanise cette œuvre qui, reconnaissons-le, est pas mal hantée par la mélancolie.

En effet, si vous passez outre "Pana-vision", "Speech bubbles", "Free in the knowledge", "Waving a white glag", "Open the floodgates", "Skrting on the surface" (ces deux derniers titres sont des chansons jouées initialement par Radiohead en live et qui ont été revisités pour l'occasion), qui sont plutôt admirablement taillés dans la soie, le reste regorge de pépites et de surprises. "The smoke" déconcerte par sa structure en contretemps et ses arrangements délicats, quand "Thin thing" et son délicieux tapping nous prend à contre-pied lorsqu'un riff impétueux débarque un peu à la manière de "Bodysnatchers" (titre présent sur In rainbows de Radiohead). Ce genre de chanson démontre à quel point la fusion des trois est magique, mais également le degré de complexité de son écriture. A light for attracting attention est pourvu de l'ensemble de cordes du London Contemporary Orchestra, avec qui Jonny bosse sur ses projets personnels, et de nombreux autres musiciens (saxophoniste, flutiste, tromboniste, trompettiste, tubiste, contrebassiste), dont on peut apprécier le travail, notamment sur "A hairdryer", titre à la fois troublant et merveilleusement bien ficelé.

Je pourrais encore passer pas mal de temps à vous parler avec emphase de cet album construit par des savants de la musique moderne, mais je préfère m'arrêter là pour aujourd'hui en espérant vous avoir donné l'envie de le découvrir (si c'est pas déjà fait !) et de garder des moments pour vous pour bien s'immerger dedans, ça en vaut plus que la peine !