Rock Rock > Sleepytime Gorilla Museum

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Sleepytime Gorilla Museum est un ovni musical difficilemment indentifiable. Un groupe de rock catalogué comme progressif avant-gardiste basé et dans la baie de San Francisco (la fameuse Bay Area) qui préfère recherche de nouvelles formes d'expression musicale au mépris de la virtuosité technique, le tout par l'utilisation d'instruments plus ou moins classiques (de la guitare slide au glockenspiel voire au toy piano). Entre performance scéniques costumées, hors-normes et parfois voir dérangeantes et musique qui peut à tout instant partir dans n'importe quelle direction, SGM est un groupe d'"avant-rock" qui peut se targuer d'avoir rallier à sa cause un public relativement confidentiel mais extraordinairement fidèle. Composé de pas moins de huit membres, Sleepytime Gorilla Museum est plus qu'un groupe, presque un collectif dont les membres se partagent entre divers side-projects : Book of Knots par exemple pour Carla Kihlstedt et Matthias Bossi ou Inkboat pour Dan Rathbun. Après Grand opening and closing sorti en 2001 et réédité en 2006, puis un live paru en 2003, le groupe sort Off natural history en 2004 et In glorious time trois ans plus tard, ce-dernier via les frenchies d'Equilibre Music (Dirge, MXD, Zuul FX).

Sleepytime Gorilla Museum / Chronique LP > In glorious times


sgm_in_glorious_times.jpg Ceux qui avaient apprécié le rock complètement barré de Grand opening and closing aimeront In glorious times... que les autres soient certains de pouvoir passer leur chemin sans se retourner, ils n'aimeront pas plus ce nouvel album que les précédents. A l'image de son artwork, brouillon, déconstruit et bordélique pour les uns, labyrinthique et foisonnant d'idées pour les autres, le troisième album de Sleepytime Gorilla Museum poursuit sans l'ombre d'un doute l'oeuvre entamée avec Grand opening and closing, à savoir rechercher de nouveaux formats musicaux, de nouveaux mélanges de sons, de nouvelles émotions à travers des expériences sensorielles exigeantes et originales. Cathartique, la musique de SGM est définitivement inclassable. Quelque part entre "Mike Pattoneries" et fulgurances King Crimsoniennes, elle est une sorte de tragi-comédie du chaos, une symphonie underground qui ravage nos certitudes, une ode à la démence artistique qui maltraite nos émotions et comprime nos sens.
Sleepytime Gorilla Museum aime plus que tout déconstruire les formats habituels, bousculer les conventions pour surprendre, décevoir, enthousiasmer, créer... Peut importe que l'on aime tout (ce qui va quand même être difficile...), l'idée directrice est de proposer une alternative à ce qui pré-établi en faisant appel à l'ouverture d'esprit. Du déluge hétéroclite de cuivres, de dissonances, le tout porté par le lyrisme époustouflant de "Companions", au metal apocalyptique et ultra-speedé d'un "Helpless Corpses Enactment" qui ne pourra qu'évoquer le monstre Meshuggah ; en passant par "Puppet show" et son univers évoquant l'oeuvre des Dresden Dolls, mais dans une variante un peu déviante comme si on avait pris un morceau du duo punk-cabaret et qu'on l'avait désarticulé puis réassemblé un peu à l'emporte-pièce après avoir égaré le mode d'emploi, le groupe ose tout et ne cherche pas à ménager notre confort auditif. SGM ne se pose aucune limite, quitte à sortir complètement des sentiers battus et à égarer l'auditeur, le groupe prône le mélange des genres comme seule alternative au formatage préfabriqué, alternant les styles, variant ainsi les plaisirs en allant d'un "Angle of repose" lunaire et rêveur, jusqu'à un "Formicary" funky et fulgurant. La musique du groupe est difficile à cerner, encore plus à expliquer à moins d'avoir deux mois de stocks de Prozac d'avance chez soi, mais le résultat est là, mélodique, dissonant, acoustique, électrique ou dodécaphonique... Frank Zappa n'est sans doute plus très loin et nous sommes parfois complètement largués.
Certes titres peuvent sembler innaccessibles, voire abscons, le groupe n'en a cure et poursuit sa route contre vents et marées, ralliant toujours plus d'amoureux de musique expérimentale à sa cause. Vouloir chercher l'originalité à tout va, c'est une intention louable, se perdre en conjectures abconses n'a plus aucun intérêt, Sleepytime Gorilla Museum parvient brillamment à éviter l'écueil de l'intellectuel arty chiant et du poncif nombriliste débordant de prétention. Le résultat, une sorte d'avant rock brouillon mais jouissif, est inventif et fourmille de subtilités et quelque soit le point de vue extérieur, évolue, avance sans le moindre compromis. Chapeaux quand même...

Sleepytime Gorilla Museum / Chronique LP > Grand opening and closing


sgm_grand_opening_closing.jpg Réédition du premier album de Sleepytime Gorilla Museum à l'occasion de l'arrivée du groupe au sein du roster de l'écurie Equilibre Music (Dirge), Grand opening and closing est également le premier contact connu avec l'étrange entité SGM. Une musique étrange, à la fois audacieuse, originale et dérangeante, tenant autant du rock expérimental qu'au free-jazz en passant par la musique concrète et le metal extrème, on l'aura compris, le spectre artistique dans lequel vient se mouvoir la formation américaine est pour le moins large. Puisant sa source d'inspiration dans l'héritage dadaïste, mouvement intellectuel et artistique avant-gardiste né au début du 20e siècle et se caractérisant par la remise en cause des conventions et contraintes idéologiques, culturelles, politiques..., Sleepytime Gorilla Museum livre avec ce premier effort, un disque comme on en voit que très rarement. Tenant autant de l'inspiration foisonnante d'un Mike Patton (Fantômas, Mr.Bungle...) touche à tout que de l'avant-gardisme forcené d'un John Cage ou de la folie free-jazz/punk hardcore/rock d'un John Zorn, le groupe expose quelques-unes de ses créations avec un album à l'esthétique musicale effrayante, mais fascinante. Un opus à ne pas mettre entre toutes les oreilles, il va s'en dire.
Déroutant, lugubre, déconcertant, gothique... les adjectifs affluent en vrac et dans le désordre, sans pour autant que l'on s'y retrouve très clairement. La musique de Sleepytime Gorilla Museum est ainsi faite... Insaissable. Par instants très violente, primaire et viscérale ("Ablutions", "Sleep is wrong"), d'autres fois plus douce, mais empreinte d'une mélancolie sombre et extraordinairement torturée, la musique de SGM est d'une noirceur indicible qui glace le sang un instant, puis attise les larmes quelques secondes plus tard. Comme un manifeste de poésie tourmentée, une pièce de théâtre mise en musique à la manière d'un opéra à l'univers étrange, fantômatique et particulièrement troublant. Une oeuvre complexe aux arrangements maladifs, un mélange de sauvagerie métallique et de bruitages inquiétants, bordé par des violons toujours sur le fin du rasoir et des rythmiques sans cesse changeantes... ("Ambugaton", "The stain"). Dans sa démarche jusque-boutiste, SGM va loin, très loin et n'hésite pas à se mettre clairement en danger pour justifier l'essence même de son art : bousculer les convenances, repousser les limites et créer quelque chose qui sorte de l'ordinaire. Evidemment, le radicalisme de la plupart des titres, le refus de toute forme d'art aseptisé de ce Grand opening and closing et intéressant mais peut parfois rebuter. C'est kç exactement ce que cherche Sleepytime Gorilla Museum : diviser pour mieux régner en entretenant un sentiment de chaos artistique permanent et susciter le débat afin de dynamiser la pulsion créatrice. Une expérience, radicale et étonnante...