Né de l'autre côté de la Manche en 2002, Silent Front pratique une noise intense, doublée de fulgurance rock/hardcore/emocore intenses et subversive, comme si Shellac avait du frayer avec Fugazi, le tout sous le haut patronage de Condense et The Jesus Lizard. D'un point de vue strictement discographique, le groupe, articulé autours de Phil Mann et Russel Whitehorn, use plusieurs batteurs, fait plusieurs fois le tour du Royaume-Uni, non sans oublier de s'exporter, et sort un premier EP, Delete en 2004. Une poignée de splits collaboratifs plus tard (un part an entre 2006 et 2008), un nouveau batteur venu stabiliser le groupe et voici que les Silent Front entrent en studio fin 2009 pour mettre en boîte leur premier album. Intitulé Dead lake, celui-ci voit le jour au printemps 2010 par l'intermédiaire de tout une pléïade de petits labels indépendants parmi lesquels deux frenchies : Bigoût Records (Sofy Major) et Rejuvenation Records (Revok, Pord, Use of Procedure...).
Silent Front
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Silent Front / Chronique LP > Dead lake
Dead lake, un album inaugural après huit ans de "carrière", ce n'est pas si courant, les groupes de quelques orientations musicales soient-ils étant généralement prompts à passer le cap du fameux premier album, quitte à ce que ce soit un peu tôt. Chez Silent Front, c'est l'inverse qui se produit, les anglais étant plutôt du genre à prendre le temps de mûrir leur propos pour en accroître un peu plus les effets. Et puis ce n'est pas comme s'ils n'avaient rien fait avant. Un EP, une belle poignée de splits et beaucoup, beaucoup de dates à travers leur Angleterre natale mais également sur le vieux continent, cette fois, il était temps, ils étaient prêts. Et les Silent Front de le démontrer tout au long des huits petites bûchettes noise(core) expédiées par les brittons à la face de l'auditeur.
Noise frondeuse, rocking hardcore engagé et un chant enragé jusqu'à plus soif mais pas que, les anglais délivrent avec "Loss", "Moving hands" ou "More than grazes" trois titres hyper tendus : des morceaux sur lesquels les riffs se contractent, les ruptures de rythmes succèdent aux séquences les plus enflammées pour laisser la place à des passages plus apaisés, un calme relatif que le groupe se plait à rompre à coups d'accélérations incendiaires et de passages massifs sinon sauvage. Une ligne de gratte qui se faufile au milieu des nuages de dissonances, la disto emplit l'atmosphère, l'orage est imminent et le déluge de décibels nous parvient enfin, mais par intermittences, sur "Knot". Tel est du reste, paradoxe ultime, l'avantage et l'inconvénient du principe de composition édictée ici par Silent Front, lequel érige la rupture de rythme comme dogme de référence de sa musique.
Et si le résultat est hautement recommandable, ce Dead lake ne convainc pas complètement. La faute à ses changements de tons, de tempo mais également d'atmosphères qui empêchent le groupe de garder la mainmise sur les émotions de l'auditeur, lequel a tendance à "sortir" du disque avant de s'y retrouver, projeté bien malgré lui par la force des choses. Notamment au cœur de titres de la trempe de "A few more moths", "Misanthrope" ou encore "Suit for a certain occasion". Classe, même si on aurait sans doute apprécié quelque chose de tantôt plus monolithique et agressif, tantôt plus posé et vénéneux. Là, Silent Front semble avoir fait le choix, assumé, de justement ne pas choisir et tout mélanger à sa main. Il en résulte un album assez court (36 minutes 30), salvateur et urgent, mais qui manque de ce petit supplément d'âme, de fougue... de folie, qui l'aurait précipité dans la catégorie des petits chefs-d'œuvre du genre. Ce sera peut-être pour le suivant...