Difficile de ranger Sigur Ros dans un style musical précis, à moins de les confiner au sein d'une case qui se révélerait rapidement bien trop exiguë pour eux. Pop atmosphérique, ambient, post-rock à tendance expérimentale ? Un peu de tout ça, mais en même temps, Sigur Ros, c'est un groupe définitivement en marge de ce qu'il se fait traditionnellement. On peut bien évidemment dire que le groupe suit les traces de certaines formations post-rock majeures telles que Godspeed You! Black Emperor ou Mogwai, mais force est de constater que ce quartet islandais a quelque chose qui les singularise de ces deux groupes. Quand une formation a en son sein un chanteur dont la voix rappelle un peu celle de Thom Yorke (Radiohead) et qui joue de la guitare avec un archet, quand des instruments tels que l'orgue, la flûte et même le xylophone font leur apparition sur les morceaux du groupe, on peut forcément s'attendre à quelque chose de particulier.
Et depuis 1994, date de la formation du groupe, force est de constater que le destin de Sigur Ros est pour le moins hors du commun. Jón Bór Birgisson (chant, guitare), Kjartan Sveinsson (piano, flûte), Georg Hólm (basse, xylophone) et Orri Páll Dýrason (batterie, orgue), ce dernier remplaçant Agùst, batteur désireux de poursuivre une carrière de graphiste, sont relativement peu connus du grand public. Pourtant, leur réputation auprès des amateurs du genre n'est plus à faire. Sigur Ros est devenu en quelques années, une référence incontournable. Après deux albums en 1997 puis en 1999 (Von et Agaetis Byrjun), le groupe assure les premières parties de Radiohead au Royaume Uni avant d'être signé chez le label anglais Fat Cat Records et chez le prestigieux MCA pour les USA. Un signe qui ne trompe pas. Sans ou peu de promo, et en dépit du fait qu'il s'agisse d'une groupe islandais, Sigur Ros créée la surprise en 2001 en affichant complet pour chaque date de sa tournée nord-américaine. En octobre 2002, le groupe sort un 3e opus, très sobrement intitulé ( ), un album plus sombre que ses prédécesseurs, précédé de critiques unanimement très élogieuses et qui est un véritable succès commercial. Deux ans plus tard, sort chez EMI, un EP trois titres très expérimental, composé avec l'aide de Radiohead et baptisé Babatikidodo.
En repassant à un album au format plus traditionnel, Sigur Ros passe un an et demi à enregistrer l'album Takk dans son propre studio, une ancienne piscine couverte désaffectée avant de partir en tournée mondiale en 2006. De longs mois à remplir les salles loin de chez eux, mais les islandais n'oublient pourtant pas leur racines et retournent au pays à la surprise générale au cours de l'été pour entamer une mini-tournée à travers les villages d'Islande. Une série de concerts pas comme les autres, où le groupe interprète ses morceaux dans des villages de pêcheurs, jouant au milieu des enfants dans d'anciennes usines désaffectées. Cette "tournée" sera immortalisée par le DVD Heima qui sort à l'automne 2007 en même temps qu'un double EP composé de sessions acoustiques et de faces-B et autres raretés. Début 2008, Sigur Ros commence à travailler à son cinquième album studio, Meo suo i eyrum vio spilum endalaust, lequel voit le jour aux premières lueurs de l'été...
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The White Birch
Quand la douceur des fjörds norvégiens inspire des mélodies émo-pop lo-fi....
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Un formidable projet solo qui s'inscrit dans la lignée de Sigur Ros...
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Liens pour Sigur Ros
- sigur-ros.co.uk: Site officiel (406 hits)
- Sigurros: MySpace (549 hits)
Sigur Ros discographie sélective
lp :
Kveikur
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dvd :
The Valtari Mystery Film Experiment
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lp :
Valtari
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cddvd :
Inni
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lp :
Meo suo i eyrum vio spilum endalaust
...
dvd :
Heima
...
lp :
Hvarf -- heim
...
lp :
Takk...
...
Sigur Ros dans le magazine
Numéro :
Mag #9
Pour ce numéro de rentrée (un poil tardive), on a (encore) rédigé une centaine de pages avec les reviews des gros festivals de l'été (Hellfest, Dour,...
Liens Internet
- La Grosse Radio : le site de La Webradio Rock
- Tomypunk : webzine punk emo ska punk
- agenda-concert.com : L'agenda des concerts
Rock > Sigur Ros
Biographie > Sigur Ros
Review Festival : Sigur Ros, Dour 2016
Review Concert : Sigur Ros, Le Cinéma de Sigur Ros (nov.2009)
Sigur Ros / Chronique LP > Kveikur
Après s'être offert une petite pause pour s'occuper de leurs familles respectives, les petits génies islandais de Sigur Ros sont revenus sur le devant de la scène fin 2011 avec la sortie du somptueux CD/DVD live Inni. Et depuis ne s'arrêtent plus, livrant en seulement treize mois d'intervalle deux albums studio (et ayant "perdu" un membre au passage), Valtari et donc Kveikur présentement chroniqué (et en bonus le DVD du Valtari Film Experiment. Un nouveau disque à l'artwork presque menaçant (on va rapidement comprendre pourquoi) débarqué un peu à la surprise générale... et qui dès les premières secondes à tendance à coller l'auditeur au fond de son siège de par la puissance sonore développée par les nordiques.
Car "Brennistein" frappe d'entrée par sa lourdeur post-industrielle abrasive, les incisions violentes qu'il pratique dans les amplis, ébréchant les enceintes à coups de percussions rageuses qui contrebalancent une mélodie toujours aussi haute perchée qu'à l'accoutumée. On oublie la contemplation éthérée des morceaux les plus connus du groupe et on donne dans quelque chose de plus... (post)métallique même, voire indus par moments mais surtout étonnamment écrasant. Avec toujours cette griffe artistique inimitable évidemment. Une densité sidérante, quelques éléments rock durs inhabituels chez eux et surtout les traditionnels climax enfiévrés qui ont fait leur marque de fabrique, les Sigur Ros font évoluer leur musique vers le chaos... mais ne renient pas leur essence pop/post-rock bouleversante ("Hrafntinna").
Si le résultat est toujours aussi beau qu'à l'accoutumée avec eux, entre mélopées enivrantes ("Isjaki", "Yfibord"), ambiances ouatées et harmonies euphorisantes, la volonté assumée de proposer quelque chose d'à la fois plus pop pour sa sophistication subtile et plus rock dans ce côté brut de décoffrage qui fait l'intensité de ce Kveikur (l'immense morceau éponyme de l'album). Une grandiloquence majestueuse ("Stormur", "Rafstraumur"...) que seuls les Islandais peuvent se permettre, une quête d'absolu sensoriel qui trouve son écho dans le vibrant "Blapradur", avant de manier l'épure avec une classe folle sur la conclusion instrumental qu'est "Var". Une neuvième et dernière piste bouclant la boucle à merveille, célébrant ainsi le nouveau petit bijou signé de la main de ce groupe toujours aussi hors-norme. Et en évolution perpétuelle.
Sigur Ros / Chronique DVD > Valtari Film Experiment
A l'affût de la moindre idée géniale capable de transcender leur musique (comme si celle-ci ne l'était déjà pas assez) en leur permettant de se dépasser, de repousser leurs frontières créatives et de stimuler leur inspiration, les petits génies islandais de Sigur Ros ont alors initié ce qu'ils ont appelé le "Valtari Mystery Film Experiment". Le concept : donner l'occasion à seize réalisateurs, professionnels ou pas, d'illustrer en images mouvantes les morceaux de l'album Valtari sorti quelques mois plus tôt, ce avec une totale liberté de création. Entre mai et novembre 2012, le groupe a ainsi posté tous les quinze jours, en avant-première sur la plate-forme VEVO, ses créations autant signées par des anonymes, des intimes du groupes, des collaborateurs réguliers (Ryan McGinley) ou quelques metteurs en scène reconnus du 7ème Art (John Cameron Mitchell est notamment le réalisateur de Shortbus), accompagnés d'acteurs qui ne le sont pas moins (Elle Fanning vue dans Super 8 et même le très bankable Shia Labeouf - Transformers).
Suite au succès rencontré et au-delà de la simple réussite artistique du projet, le groupe a alors décidé de publier un DVD/Blu-Ray regroupant les 16 films de cette expérience... pour laquelle l'idée de donner carte-blanche à des personnes extérieures au groupe mais clairement inspirées par lui donnent des résultats assez uniques en leur genre... et surtout dépassant largement le cadre du simple clip d'illustration "classique", ce pour des budgets assez modestes (on parle de 5000 dollars ce qui est assez peu pour un groupe de cette envergure). Organiques, bercés par une douce mélancolie, souvent un peu expérimentaux, on est parfois à la limite du surréalisme sinon en plein dedans, mêlant le langage cinématographique et chorégraphies contemporaines à l'oeuvre des Islandais (laquelle s'y prête idéalement)... ces mini-films font figure d'exceptions au sein du paysage "video musical" actuel et surtout, ne se contentent pas de simplement emballer plastiquement des morceaux. Il leur donnent parfois un second sens caché, des significations magnifiées par des esthétiques visuelles souvent empreinte de cette poésie onirique qui caractérise si souvent la musique du groupe.
Musique qui inverse ici le rapport bande-son / image dans la mesure où généralement l'une illustre l'autre dans un sens où l'image est la matière première. Mais avec Sigur Ros, les frontières entre médias n'existent plus, l'un se nourrit forcément de l'autre et procure des émotions pures d'une rare beauté, des expériences sensorielles qui parviennent à dissimuler un goût pour l'expérimentation, voire un certain hermétisme derrière une beauté toujours aussi ineffable que celle de la musique d'un groupe définitivement hors-norme. Classe évidemment.
Sigur Ros / Chronique LP > Valtari
Si Meo suo i eyrum vio spilum endalaust et ses pop-(folk)songs hippie bucoliques un peu trop "simplistes" de part leur innocence quasi infantile à défaut d'être profondément touchante, avait pu dérouter les plus fervents inconditionnels des premières oeuvres de Sigur Ros, Valtari va peut-être les réconcilier avec ce qu'ils aimaient le plus chez le quartet de Reykjavik. Des mélodies veloutées, un recueillement post-rock aux effluves pop scintillantes ("Ég Anda"), des enluminures du plus bel éclat et cette grâce revenue effleurer un songwriting à fleur de peau pour l'emmener de nouveau tutoyer des sommets d'élégance et d'écriture comme au plus belles heures d'Agaetis birjun et ( ) (toutes proportions gardées). On les croyait définitivement "partis" vers d'autres sphères créatives, d'autres désirs artistiques (notamment Jonsi et ses disques solo), il n'en était finalement rien et "Ekki Múkk" en est certainement la plus belle des démonstrations.
Quelques mois après le sublime Inni, revenant en live sur ses plus belles compositions, Sigur Ros réussit de nouveau à toucher l'auditeur au plus profond de son être, entrant en prise directe avec son âme le temps de quelques moments de musique à la beauté infinie, sans jamais forcer le trait, avec juste ce qu'il faut d'équilibre entre épure absolue et myriade d'effets qui rendraient l'ensemble un peu trop chargé si justement il ne trouvait pas le bon dosage ("Varúð"). Mais que ce soit sur "Rembihnútur", "Dauðalogn" ou le magnifique "Varðeldur" le groupe laisse flotter ses esquisses mélodiques dans l'atmosphère, (dé)peint avec ses instruments des panoramas qui restent en sustentation magnétique et enveloppe encore une fois l'auditeur dans un halo de douceur veloutée, le laissant ainsi rêveur, semi-conscient et bercé par cette finesse infinie dont on sait le groupe capable depuis pas loin de deux décennies maintenant. Presque une formule devenue au fil des années quasi idéale, une recette "secrète" pour parvenir à le mettre dans cet état de quasi hypnose bienveillante (l'hypnotique "Valtari"), que l'on reconnaît aisément, mais qui à chaque fois procure un plaisir littéralement étourdissant.
On a beau se le répéter que l'on connaît le "truc", presque un tour d'illusionniste et pourtant, l'évidence se fait jour d'elle-même : tout Sigur Ros est là, dans cette capacité à faire de ce que l'on attendait d'eux, sans surprendre sur la forme et pourtant parvenir arriver à émerveiller sur le fond ("Fjögur Pianó"). Encore et toujours dans ce registre si "précis". Sans doute parce que ces gens-là n'ont plus rien à prouver, ni rien à (ré)inventer de plus désormais et qu'ils continuent d'écrire des morceaux avec cette griffe créative si reconnaissable et un plaisir collectif apparemment intact. Et après un intermède un peu différent avec leur album précédent, les voici semblant boucler une boucle invisible en opérant un quasi retour aux sources de leur musique. Pour un résultat, minimaliste et intimiste, qui érige la notion de beauté au rang de vérité absolue.
Sigur Ros / Chronique DVD > Inni
Il y a bien des fois où l'on se dit qu'un DVD musical ne sert définitivement à rien : objet bassement promotionnel sans âme destiné à gonfler les ventes de merchandising, live capté à l'emporte-pièce par un réalisateur qui filme avec des mouffles (ça vaut aussi pour quantité de clips vidéo cela dit), un show honorable mais des bonus présentant un groupe charismatique comme une bûche ou qui n'a rien d'autre à faire que faire l'éloge de la biture dans des featurettes qui sont par conséquent aussitôt vues, aussitôt oubliées... et puis il y a quelques fois, où l'objet est une oeuvre artistique à part entière. Quatre ans après son exceptionnel Heima, LE film musical par excellence, les inénarrables Sigur Ros remettent ça avec Inni, dirigé par le talentueux Vincent Morrisset, réalisateur du Miroir noir : Neon bible archives d'Arcade Fire.
2 disques et une quinzaine de titres pour un peu plus d'une heure et demi de musique en audio + un film de quelques soixante-quinze minutes retraçant sensiblement la même chose mais de manière différente (on y revient), puisque capté en 2008 lors de deux concerts donnés par la troupe islandaise à l'Alexandra Palace de Londres. Le programme est alléchant ? Sur le papier, ce n'est rien par rapport au rendu, tant sonore que visuel d'Inni. Sigur Ros, on le sait depuis maintenant une jolie collection d'albums incomparables, ce sont quatre surdoués dont le talent pour composer des pépites intemporelles n'est plus à démontrer, mais également des "performers" capable de satelliser un public comme personne. Sur les deux CDs audio, le résultat est comme souvent étincelant, la "faute" à une tracklist de rêve laissant la part belle aux "tubes" du collectif nordique, les "Svefn-g-englar", "Glósóli", "Ný batterí", "Með blóðnasir", "Hoppípolla", "Sæglópur" qui retournent les plus insensibles et profitent d'un travail de mixage absolument phénoménal. Et en même temps, on n'en attendait simplement pas moins d'eux, ces gens-là rendant l'ordinaire merveilleux.
Quasiment trois heures de bonheur sonique pur donc, car en sus des deux disques de la version audio, on a donc droit au coeur de cet objet un peu à part qu'est Inni. Soit un live d'une heure et quart tourné comme un film des années 30 (l'image en fait, le son étant lui irréprochable), en noir et blanc, dont l'image a été très soigneusement travaillée en post-production pour lui donner un charme suranné qui sied idéalement à la musique du groupe. Ici le résultat est juste bluffant, ébouriffant, bouleversant (ou les trois en même temps), surtout en Blu-Ray où le grain de l'image amplifie l'effet produit et là où nombre de groupes profiteraient allègrement de la qualité ce support technologique de pointe pour émerveiller par sa maîtrise de la HD, Sigur Ros fait le chemin inverse, pour nous toucher en plein coeur (avec en prime un petit docu "inside Inni" sur la conception du film en cadeau). Et, le pire, c'est que ça marche... Takk.
PS : petit bonus => deux titres sont en téléchargement libre ci-dessous.
Sigur Ros / Chronique LP > Meo suo i eyrum vio spilum endalaust
Le Sigur Ros cuvée 2008, ça se déguste un peu comme un petit Crémant d'Alsace... on savoure son plaisir avant même d'avoir posé une oreille dessus. Mais quand "Gobbledigook" et son clip concept hippie "nudité = liberté" pour attirer le chaland" (cf : l'artwork de l'album) débarquent sur la toile, on est un peu inquiet. Car, hormis les indéniables qualités visuelles de ladite vidéo (sic), le morceau est complètement dans la veine de son clip (logique en même temps), bucolique, enlevé, empreint de mélodies pop pastorales mais finalement assez plat d'un point de vue émotionnel. Les mauvaises langues diront que, s'agissant d'un single, ce n'est finalement pas surprenant. Mais l'interrogation demeure, la musique des islandais aurait-elle évolué vers des contrées musicales bien éloignées de la (post)-pop céleste contemplative à laquelle ils nous ont habitués. "Inní Mér Syngur Vitleysingur" puis "Góđan Daginn" viennent rapidement, et en douceur, dissiper le malentendu naissant...
Car peu à peu, on retrouve tout ce qui faisait le charme de la musique du groupe sur Agaetis birjun ou Takk en passant par le sublime ( ), à savoir une propension à livrer des mélodies planantes dans les hautes sphères du rock atmosphérique et d'une pop lumineuse évanescente. Sous un ciel d'un bleu éclatant, pas l'ombre d'un nuage ne vient obscurcir le petit monde des Islandais, les morceaux se suivent, la production (coup de chapeau à Mark Ellis a.k.a Flood) rend grâce aux harmonies d'une pureté rare et plonge l'auditeur dans un profond sentiment de sérénité absolu. "Viđ Spilum Endalaust" prépare le terrain et on se dit alors que le groupe va nous offrir incessamment sous peu l'un des sommets de ce Meo suo i eyrum vio spilum endalaust. Echos enchanteurs, pop extatique, mélopée scintillante, "Festival" et ses dix petites minutes (en fait un peu moins) d'une onde sonique qui nous transperce de part en part, nous emmène dans un monde bien éloigné du notre. Oubliés les tourments du quotidien, les futilités existentielles, entre innocence et évasion, le groupe offre une véritable cure de jouvence émotionnelle à ses auditeurs... et décide, sans sourciller, de poursuivre son oeuvre en levant le voile sur des compositions du niveau de l'élégante "Međ Suđ I Eyrum" ou de la très belle "Ára Bátur", merveilleusement ciselée.
Un piano qui vient cajoler des mélodies vibrantes portées par le chant toujours aussi haut perché et inimitable de Jónsi Bór Birgisson, des arrangements à cordes sublimes (toujours signées par le quartet Amiina), des émotions à fleur de peau sublimées par des instrumentations comme touchées par la grâce... Un soupçon de pop/folk acoustique, "Illgresi", une pop doucereuse et post-classique, "Fljótavík", les islandais concluent leur album sur "Straumnes" et "All Alright", deux pépites intimistes, en anglais et hopelandic, qui bouclent dans une atmosphère de recueillement et d'apaisement total, un disque magistral. Sans avoir plus rien à prouver, Sigur Ros vient démontrer qu'il cherche toujours à affiner son écriture, à se remettre en question pour repousser un peu plus loin les frontières de son art.
Sigur Ros / Chronique DVD > Heima
Heima premier DVD de la carrière de Sigur Ros est à la croisée des chemins entre le documentaire "rock" et le DVD live classique... ou plutôt, il est tout cela et bien plus encore. Et pour cause, cet objet, notamment dispo dans une magnifique édition limitée (avec fourreau et livret très classe) retrace la "tournée" de Sigur Ros dans son pays natal à l'été 2006. Pas très original ? Au contraire, il faut savoir qu'en Islande, il y a peu de salles (en fait quasiment aucune) capables d'accueillir un groupe qui a l'aura de Sigur Ros et, de fait, les quatre islandais ont tout simplement décidé de proposer une série de concerts, gratuits, souvent en extérieur, dans plusieurs petits villages de leur pays d'origine. Accompagnés comme d'habitude du quatuor à cordes Amiina, les huit musiciens ont ainsi parcouru l'île, sillonnant les campagnes islandaises afin de remercier leur public qui les a suivi depuis leurs tous premiers essais discographiques. Le concept supposant de jouer dans des lieux pas forcément adapté, notamment en terme d'acoustique, les Sigur Ros ont complètement réactualisé leurs oeuvres, offrant tantôt des sets acoustiques et intimistes, tantôt plus épiques et symphoniques. En témoigne ce magnifique extrait de concert enregistré dans une usine désaffectée où le son est absolument dantesque, ou ces quelques morceaux interprétés dans la salle communale d'un petit village de pêcheurs, au milieu des enfants et des retraités.
Là où tous les groupes dignes d'intérêt (ou pas d'ailleurs) succombent à la mode du DVD live où l'auto-promotion semble être une immuable règle de base, Sigur Ros, comme à son habitude nage à contre-courant des modes, offrant par exempleà son public un concert en pleine montagne afin de soutenir des opposants à la construction d'un barrage... Ceux qui attendaient un rockumentaire "scandaleux" avec strass et paillettes mettant en exergue les affres de la célébrité en seront pour leurs frais, les quatre islandais se révélant d'une timidité assez rafraichissante, comme si le succès n'avait aucune prise sur ces jeunes gens avant tout préoccupés par la richesse artistique et l'intensité émotionnelle de leur art. En live et dans des paysages idylliques, leur musique se révèle encore plus onirique qu'à l'ordinaire, les arrangements somptueux, les mélodies désarmantes... les morceaux dépassent le simple cadre de la musique et se vivent comme une véritable expérience humaine. D'autant qu'outre le simple aspect artistique, Heima, dans sa vocation documentaire dépeint la vie d'un groupe ou plutôt de quatre musiciens lambda qui sont des types tout ce qu'il y a de plus normaux, ou peut-être un peu plus réservés et rêveurs que la moyenne, des musiciens dont le seul plaisir est ici de communier avec leur public, en toute simplicité. Pendant plus d'une heure et demi, on assiste à un ou plutôt des spectacles inédits, entrecoupés de confidences et impressions du groupe sur leurs morceaux, leurs contacts avec le public. Car la notion de partage est ici une évidence et on se rend compte au final que plus qu'un simple DVD sur Sigur Ros, Heima est un vrai petit film documentaire centré sur l'Islande et le peuple de cette île d'Europe du Nord, mis en image avec une élégance rare (et une photo en tous points magnifique) et traversée par une bande-son touchée par la grâce. Magique.
Sigur Ros / Chronique EP > Hvarf/heim
En marge de la sortie du très attendu DVD Heima, Sigur Ros a mis au monde à l'automne dernier un double EP baptisé Hvarf/heim. Un EP de raretés et morceaux complètements inédits doublé d'un second composé de versions acoustiques, le tout présenté dans un très beau digipack à deux volets. Ceux qui auraient redouté de se retrouver égaré au beau milieu des immenses étendues arctiques en découvrant des morceaux à mille lieux des précédentes compositions du groupe, peuvent être rassurés. Les inédits qui figurent sur Hvarf s'inscrivent dans la droite lignée des morceaux présents au tracklisting de Takk. A ce titre, "Salka", sonne comme le premier jet de l'un des titres composant le précédent effort du groupe mais "Hljómalind" aurait largement eu sa place sur n'importe quel opus de la discographie des islandais. La frontière entre la redondance et la magie pure est parfois simple, car là où "Salka" ne semble être qu'un morceau de plus, sommes toute assez classiques, même si agréable au demeurant, "Hljómalind" parvient à faire naître chez l'auditeur ce sentiment de douce euphorie, symptôme habituel de l'ivresse provoquée par les crescendo stratosphériques couplés aux mélodies lunaires dont Sigur Ros a le secret. Dans cet esprit, "Í Gær" mêle habilement la retenue d'une pop feutrée et mélodiques avec les explosions célestes de guitares qui s'embrasent dans des éruptions post-rock incandescentes. "Von" et ses quelques neuf minutes et quinze secondes de symphonie pastorale vaporeuse venue du froid enchante autant qu'il transporte son auditeur dans un monde onirique, un eden musical au sein duquel tout ou presque respire la quiétude et sérénité absolue. Les violons des filles d'Amiina viennent cajôler les guitares, le chant toujours aussi singulier fusionne avec les xylophones ("Hafsól"), la magie opère et l'auditeur se laisse envoûter...
Heim : recueil de version acoustiques de morceaux déjà publiés sur les différents albums du groupe est une merveille. "Samskeyti" et sa mélancolie à fleur de peau, portée par un piano enjôleur et sophistiqué enveloppe l'auditeur dans un cocon post-pop contemplative et intemporel. Petite déception tout de même, "Staralfur" et "Vaka" en mode acoustique, ne diffère que très peu des versions originelles, quand "Agaertis Birjun" nous emmène en apesanteur dans des sphères musicales propices au recueillement à la recherche de la plénitude. Quant à "Heysatan" et "Von", c'est un peu le même constat que sur "Vaka" et "Staralfur", ces versions acoustiques n'ont rien de véritablement indispensables. Agréables, mais déjà entendues précédemment. Au final, le double EP Hvarf/heim est un très beau complément au DVD Heima, sorti au même moment et s'insère en toute harmonie dans la discographie de Sigur Ros, car même si quelques titres n'apportent rien de nouveau à l'ensemble, d'autres parvienent toujours à faire naître quelques instants de grâce pur à l'intensité incomparable.
Sigur Ros / Chronique EP > Saeglopur
Après Takk et une nouvelle offrande faite à la musique atmosphérique, Sigur Ros en remet une couche en ne livrant non pas un simple deux titres, mais un maxi CD composé d'un single (le "Saeglopur" du titre) et de rien moins que trois B-sides inédites. Et comme si cela ne suffisait pas encore, pour donner un peu plus d'intérêt à l'ensemble, les islandais ont rajouté un petit DVD sur lequel on retrouve les 3 derniers clips du groupe. On commence donc avec "Saeglopur", qui figurait déjà sur Takk et qui après des dizaines d'écoutes possède toujours la capacité à émerveiller l'auditeur par ses cliquetis éléctroniques, ses vocalises enfantines et son climax aux instrumentations d'une intensité inégalable. Encore une fois, un "must" absolu à la beauté mélodique incomparable. Huit minutes d'un songe semi-conscient et apaisant que viennent prolonger l'instrumental neo-classique "Refur" puis le merveilleux "O fridur" et sa post-pop lumineuse. Des nappes de claviers mélancoliques qui s'étirent à l'infini jusqu'à nous faire ressentir pleinement le caractère intemporel de la musique des islandais (impression que l'on retrouvera sur le quatrième titre du maxi "Kafari"), une tristesse toujours à fleur de beau, des instrumentations d'un raffinement rare, Sigur Ros est égal à lui-même. Sa musique, douce, fragile, sublime à en verser une larme... A des années lumières de tous ces groupes "tendance" qui se contentent d'assurer une cover d'un de leurs modèles en guise de B-side d'un single (ce qui a généralement pour effet de faire remarquer à quel point le groupe n'a aucune originalité...), les islandais nous offrent sur ce maxi des titres qui auraient très bien pu figurer au tracklisting de Agaetis Byrjun ou Takk. La musique du groupe a toujours eu deux visages : le premier, d'une intensité émotionelle inégalable et parfois un peu "too much" pour ses detracteurs, le second, plus éthéré et feutré, fourmillant de détails et de nuances qui font son élégance. Ici, hormis le titre phare de ce maxi, c'est la deuxième facette de sa musique que Sigur Ros met en exergue. Pour preuve, les quelques 6 minutes d'épure contemplative et de sérénité absolue de "Kafari"... comme une longue plage délicatement mélodique, morceau idéal pour s'en aller accompagner Morphée au royaume des songes. Côté DVD, les hommes venus du froid ont fait court mais efficace. Un petit menu simple et trois clips à l'esthétique quasi irréprochable. Une thématique commune aux vidéos de "Glosoli" et "Hoppipola", celle de l'enfance et de l'innocente liberté qu'elle suppose, autant par ses rêves que ses espiègleries... Une approche un plus mélancolique pour l'apnéique clip de "Saeglopur", mais avec toujours cette même idée de liberté et de quête d'absolu qui semble guider l'oeuvre de Sigur Ros. Trois vidéos qui témoignent d'un véritable intérêt artistique (et non pas uniquement promotionnel comme la plupart des groupes actuels...) de la part des islandais, pour l'attrait visuel de leur oeuvre et de l'étonnante personnalité musicale de ses auteurs.
Sigur Ros / Chronique LP > Takk
Ny batteri EP, Von, Agaetis birjun, ( )..., l'annonce de la sortie d'un nouvel opus des génies islandais de Sigur Ros a toujours le don de provoquer des petits picotements derrière la nuque. Invitation à une plongée en apnée dans les méandres d'un abyme inconnu, Takk (en islandais "merci") est la dernière offrande en date du groupe, un nouvel opus composé de 11 titres pour plus d'une heure de musique, que dis-je, de voyage aux confins du merveilleux et de l'univers onirique de Sigur Ros.
Takk est un album que les quatre Islandais ont façonné dans leur studio d'Alafoss (une ancienne piscine désaffectée) pendant plus d'un an et demi afin d'en saisir la quintessence, de s'approcher au plus près d'une perfection pourtant inaccessible. Post-rock céleste, éléctro atmosphérique, pop cotonneuse. L'intro éponyme, nappée de discrètes sonorités éléctro, de ce nouvel album se fond naturellement avec "Glósóli", premier single de Takk. Un morceau aux vocalises cristallines, presque enfantines, qui nous prend par la main pour nous conduire vers des contrées inexplorées, un eden musical, contemplatif et métaphorique. "Hoppípolla" et sa mélodie jouée sur un piano droit (petit détail qui a son importance dans l'ambiance qu'il offre au morceau), se révèle d'une musicalité saisissante, tant les notes de claviers semblent s'élever par delà les sons pour trouver leur écho dans les harmonies du titre suivant, l'émouvant "Með blóðnasir".
Evidemment, les paroles sont en islandais, donc, à moins de comprendre cette langue, difficile d'avoir une idée précise des histoires que raconte le groupe à travers sa musique. Mais qu'importe, il n'est pas ici question, de linguistique mais de poésie. Et la musique de Sigur Ros prend alors tout son sens. Bercé par les ambiances ouatées d'un "Sé lest" long de plus de 8'40, l'auditeur se laisse emporter par la mélancolie douce et naïve, encore une fois presque enfantine, des mélodies du groupe. A l'image de ses précédentes oeuvres, Sigur Ros parvient à nous toucher au plus profond de notre être avec "Sæglópur", sans doute le sommet de cet opus. Intemporel et enivrant, soumis à des crescendo d'une intensité rarement égalée, les Islandais nous offrent un titre d'une maîtrise remarquable pour lequel chaque note, chaque quart de soupir semble avoir été longuement pensé, mesuré et retravaillé. Un hymne à l'existence, une ode à la joie de vivre, simple, aérienne et apaisante ("Mílanó"), la musique de Sigur Ros passe sans aucun problème d'un post-rock teinté d'électronica, à une pop délicate et feutrée, comme en atteste un titre tel que "Gong". Mais elle est avant tout autre chose, un sublime voyage à travers les cieux pour un auditeur errant seul, au milieu de ces mélodies épurées, magistralement orchestrées par un groupe une fois encore touché par la grâce ("Andvari", "Svo hljótt", "Heysátan"...). Merci.
Sigur Ros / Chronique LP > ( )
( ), voilà un titre pour le moins original et nébuleux pour un album qui est la pierre devant succéder à Agaetis birjun dans la construction d'un édifice musical sans commune mesure avec ce que l'on peut entendre ailleurs. ( ), soit 8 pépites à l'émotion brute et sans titre puisque chaque morceau est désigné par son numéro de piste ("track 1", "track 2".). De quoi rendre plus délicate la tâche de chroniquer un album pourtant largement à la hauteur de son prédécesseur.
Atmosphériques et planants, les morceaux de ce disque sont tels des songes tantôt pop, tantôt légèrement plus éléctro contemplatifs et mélancoliques. Que ce soit au clavier, grâce au jeu tout en retenue de Kjartan "Kjarri" Sveinsson, ou à la guitare acoustique, les huit titres que recèle cet opus laissent une large place aux passages instrumentaux.
Quand la voix de Jón "Josi" Birgisson vient se poser sur les morceaux, c'est pour chanter en "hopelandic", une langue spécialement inventée par les quatre islandais (dès leur premier opus Von) afin que chaque auditeur puisse comprendre par lui-même la signification des paroles. Une démarche d'une rare originalité, en marge de toute logique mercantiliste, alors que le groupe arrive pourtant à faire salle comble lors de leurs concerts. Une volonté affichée de la part des membres de Sigur Ros de ne privilégier que leur musique et l'émotion qu'elle procure. Rien de plus, mais c'est déjà beaucoup.
Extrêmement homogène, ( ) est un rêve éveillé, une quête d'absolu que nous propose un quatuor d'hommes venus d'une petite île du Nord, un voyage sans fin et intemporel inspiré par les paysages de leur Islande natale. Huit morceaux pour plus d'une heure dix de musique d'une beauté incomparable, épurée, poignante, à fleur de peau... On pouvait croire ça impensable avoir de l'avoir écouté, et pourtant ce nouvel album est au final largement du même niveau, sinon supérieur à Agaetis birjun, son prédécesseur. Fermez les yeux quelques secondes et laissez-vous emporter par la douceur mélodique de la musique de Sigur Ros, un groupe au talent pur et sans limites.
Sigur Ros / Chronique LP > Agaetis Byrjun
Ne cherchez pas forcément à comprendre les paroles, Jón Birgisson chantant tantôt en anglais, tantôt dans sa langue maternelle, il faut, pour pénétrer l'univers des islandais de Sigur Ros se laisser porter par leur musique et les sentiments qu'elle procure. A l'occasion de ce qui constitue le second album du groupe (après Von) et à travers des titres tels que le magnifique "Svefn g englar" (long de plus de dix minutes), "Staralfur" (dont les lignes mélodiques rappellent par moments le travail de Michael Nyman sur le score du film Gattaca) ou "Flugufrelsarinn", le quartet nous propose une musique atmosphérique et hautement émotionnelle. Un envoûtant mélange de pop, d'ambient et de post rock, où viennent se greffer quelques influences néo-classiques ("Avalon"). "Hjartað hamast" et son intro légèrement country (à l'image de Lonesome Travellers, le side-project du batteur Orri Páll Dýrason qui reprend des titres de Sigur Ros à la sauce country) est la quintessence du talent des islandais. Aérienne, intense, mélodique, enivrant et porté par la voix cristalline, ce morceau est une merveille qui mérite à elle seule que l'on se procure Agaetis Byrjun. Sigur Ros sait avec un talent rare, varier les plaisirs et les registres abordés. "Ny Batteri", en est la preuve incontestable. Entre influences légèrement jazzy et fulgurances post-rock rappelant les plus belles envolées d'Explosions in the Sky, le quartet islandais fait preuve d'une maîtrise technique et artistique incomparable. Sous le charme d'un groupe qui semble savoir à peu près tout faire, on découvre alors l'hypnotique "Vidrar vel til loftarasa", trio piano/ violon/ chant éternel de plus de 7 minutes, lesquelles précèdent une nouvelle envolée de guitare du plus bel effet. Un morceau qui ne pourra laisser indifférent, un titre ciselé par quatre artistes définitivement à des années lumières de ce qui se fait ailleurs. Sublime.
Venu d'une île dont on parle peu, Sigur Ros est sans doute ce qui est arrivé de mieux à l'Islande depuis Björk et Halldor Laxness (prix Nobel de littérature en 1955). Ce quartet nous offre avec Agaetis Byrjun une musique d'une rare intensité émotionnelle, inspirée et poétique. Les musiciens de Sigur Ros sont des orfèvres et ils ont, tout au long des dix titres que ce recèle cet album, façonné ce qui ressemble à un chef d'oeuvre.