Tagada Jones vs Les Sheriff Tagada Jones vs Les Sheriff C'est déjà la huitième date. Comment s'est passé la tournée et est-ce que d'autres dates sont à venir sur ce format tournée du siècle ?
Olivier : Ça s'est très bien passé. C'est pour l'instant la dernière date, parce que là, on commence à être bien fatigués. Et pour ce qui est de la suite... on joue déjà prochainement avec les Tagada Jones à leur festival "On n'a plus 20 ans" ainsi qu'au Val d'Ajol (ndGdC : chez Narcisse, salle mythique du Grand Est programmant essentiellement le dimanche en fin d'après-midi. Tagada Jones y a fêté son anniversaire durant trois soirs consécutifs début avril).
Niko : l'idée de la tournée est née d'une discussion au salon du MaMa à Paris il y a un an avec Mr Cu!, qui s'occupe notamment du booking des Sheriff. Je lui dis : "tiens, l'an prochain on fête nos 30 ans." Et il me répond : "l'an prochain, ce sont les 40 ans des Sheriff !". Il suffisait de trouver deux groupes qui ont 20 ans et 10 ans, et on se fait une Tournée du Siècle. Et l'idée est partie comme ça, un peu bêtement, comme une idée à la con que tu peux raconter autour d'un verre et on a mis ça en place. Et c'est vrai qu'on ne souhaitait pas forcément faire 100 dates non plus. On s'est donc dit qu'on allait faire ça au mois de mars, et on a booké ces dates. Sur cette tournée, ça s'est bien passé, tous les groupes sont contents et il y a une bonne ambiance. Ça n'aurait sans doute pas de sens de refaire une Tournée du Siècle quand tu ne fêtes plus tes anniversaires, mais ces plateaux ou quasi ces mêmes plateaux peuvent se refaire. D'ailleurs, avec les Sheriff, on a souvent joué ensemble, mais c'est vrai que cette tournée, c'était plutôt pour marquer le coup. On trouvait ça sympa de faire cette Tournée du Siècle. Et comme certains n'ont pas compris, je récapitule quand même : 40 ans pour les Sheriff, 30 ans pour Tagada Jones, 20 ans pour Dirty Fonzy et 10 ans pour Not Scientists et Darcy qui se sont partagés les dates. Ça fait 100 ans, un siècle !

C'est super Niko, tu es un devin, parce que tu as déjà répondu à ma deuxième question (rire général), à savoir : "qui est à l'initiative de cette tournée ?" C'est parfait !
Niko : J'ai lu tes questions avant !
Tu disais que ça fait à peu près un an. Moi, je me rappelle en avoir entendu parlé il y a un peu plus longtemps que ça...
Niko : Ce n'est pas si vieux que ça quand même, parce que c'est vraiment l'année dernière qu'on a discuté de ça. Et c'est vrai qu'on a mis ça en place assez vite, on n'a pas eu trop de soucis, ni pour trouver les dates, ni pour valider la période, parce que parfois, quand il faut bloquer les agendas de quatre groupes, ce n'est pas évident. C'est plutôt quand tu veux valider la période que t'as un petit peu de mal. Je me rappelle, par exemple, que pour la tournée du Gros 4, c'est un truc qu'on avait dans les tuyaux depuis plusieurs années et qu'on n'arrivait jamais à mettre en place à cause des plannings justement, parce que si les groupes ne sortent pas un album au même moment, s'arrêtent de tourner pour composer par exemple, ça peut vite devenir incroyable. Et là, on a regardé la chose, on s'est dit : ""ah, ça marche nickel, on a validé. Merci, au revoir !" Les choses les plus simples sont parfois les plus efficaces.

Est-ce que cette tournée a provoqué la sortie du best of de Tagada Jones d'une part, et le livre ainsi que le live des Sheriff d'autre part ?
Niko : Alors moi je vais répondre pour les Sheriff... (rire général)
Olivier : Ça, il faudrait demander à Cu! mais je pense qu'il avait ça dans un coin de sa tête.
Niko : Tu veux marquer d'une pierre blanche les anniversaires, alors c'est assez logique de te dire : "quand on va fêter notre anniversaire, on va faire en sorte que ce soit en phase et synchro avec cette date, ou plutôt cette année complète sur laquelle on a plusieurs événements". Pour notre cas, on voulait sortir au début un nouvel album. Mais on s'est dit que ça ne marquait pas assez le coup d'une rétrospective des 30 ans du groupe : c'est pour cette raison qu'on réenregistré les titres et qu'on a sorti ce best of, qui finalement pas un best of parce que tout est réenregistré et réorchestré. Puis, après, on ne voulait pas piquer l'idée des Sheriff qui sortaient déjà un nouvel album pour leur anniversaire (rire général)

Olivier, Kicking Music vient d'éditer la saga des Sheriff. Quelle est la génèse de ce bouquin et avez-vous tenu à ce que chaque membre raconte sa "propre" version de l'histoire ? Parce que c'est vrai que quand on lit le bouquin, on a parfois...
Olivier : ... Oui, c'est vrai, des choses différentes ! C'est normal, les souvenirs, ce n'est pas évident. Même en lisant le bouquin, j'ai appris des choses et me suis rappelé aussi des choses, parce que je ne me rappelle pas de tout ... le livre, c'est encore une idée de Cu!. Je pensais que ça n'avait aucun intérêt. Mais quand je l'ai lu, je trouve que les auteurs se sont bien démerdés quand même, parce qu'ils sont arrivés à réaliser des enchaînements pour que l'ensemble soit assez fluide et que ça lise bien. Je trouve qu'ils ont bien assuré, puisqu'ils avaient à leur disposition pas mal d'interviews dans lesquels ils ont pioché des morceaux.

Les Sheriff Les Sheriff Sur combien de temps se sont étalées les interviews ? Parce qu'on arrive à une histoire très proche avec le concert anniversaire à Paris début février 2024...
Olivier : Ça a commencé durant la période du Covid. Les auteurs se sont déplacés pour rencontrer tous les membres, dont certains sont à Montpellier, à Rennes, un petit peu partout. Ça a pris un certain temps, oui.

Et le fait de te rappeler de ces souvenirs, est-ce que tu as le sentiment d'avoir réalisé une certaine introspection avec ce livre ?
Olivier : Non, parce que je réponds souvent aux interviews, et que je dis à peu près toujours les mêmes choses (sourires), même quand on me m'interroge sur mes souvenirs.

Au cours de ce livre, vous évoquez sans sensationnalisme, mais sans rien cacher, vos rapports avec les drogues notamment. Est-ce que vous plongez dans ces souvenirs a été douloureux ? Et quelle influence ont eu les drogues sur les Sheriff ?
Olivier : Non, pour moi, ce n'est pas douloureux du tout. Mais les drogues ont tué les Sheriff. Les drogues n'ont jamais boosté le groupe. Les drogues, ça t'empêche de tout : ça t'empêche de composer, ça t'empêche d'être en forme.

Vous exprimez dans ce livre qu'à la fin des années 90, vous avez eu le sentiment d'avoir fait le tour des salles de France et d'avoir en quelque sorte atteint un plafond de verre. Niko, vous qui tournez beaucoup avec Tagada sans discontinuer depuis le début, est-ce que tu as ce sentiment d'avoir fait le tour de la question, d'avoir fait le tour des salles, et qu'est-ce qui vous motive encore aujourd'hui à monter dans un camion et à toujours faire des concerts dans les mêmes villes, les mêmes lieux, etc ?
Niko: Je pense que pour nous, il y a peut-être une petite différence par rapport aux Sheriff, même si on a sensiblement le même début de parcours.
Olivier : Les Tagada l'ont dépassé, ce plafond de verre, car ils jouent aujourd'hui dans des salles de 1000 personnes, dans des Zéniths, chose que nous, nous n'avons jamais réussi à faire à l'époque.
Niko : Je pense qu'on a le même parcours. On a vraiment commencé par les tournées de squatts. On a joué, dans toute l'Europe aussi d'ailleurs, dans le réseau des squatts. Puis on a fait les cafés-concerts et ensuite le réseau de SMAC et de salles dont tu parles, je pense, et c'est vrai que tu pouvais très bien, comme toute la génération de groupes dont vous faites partie, tourner une fois, deux fois, trois fois dans ces salles. Et puis, au bout d'un moment, ce qui s'est passé, c'est qu'il a peut-être aussi manqué de quelqu'un qui avait peut-être un peu d'ambition de changer ça. Si tu veux que ça change, il faut faire en sorte que ça change. Et c'est vrai que nous, on n'aime pas trop la routine et on aime bien aller jouer dans des endroits différents. Un exemple parmi tant d'autres : sur cette tournée ci, (à part la Laiterie qui n'est pas le bon exemple) on a voulu aller jouer dans des endroits différents, dans des salles dans lesquels on n'allait pas jouer. C'est une volonté de toute l'équipe de dire : "allons jouer dans des endroits qui ne sont pas des SMAC". Quand on a joué à Billom par exemple, c'est le genre salles des fêtes dans lesquelles il n'y a quasi jamais de concerts. On n'a peut-être fait la moitié de cette tournée dans ce genre de salles ...

Dans des salles de sous-préfectures quoi !
Niko : Oui. Étant originaire de Bretagne, n'importe quelle commune de la région a sa belle salle des fêtes, qui est inutilisée, ce qui est complètement con. Et le début de la réflexion, c'était de se dire: "tiens, on va aller à la rencontre des gens là où il n'y a pas de concert et on va créer quelque chose. On va créer une émulation de choses positives." Tu vois, c'était vachement intéressant.
Pour en revenir à la question, il faut avoir envie de créer des choses différentes et pour ça, il faut souvent mettre de l'énergie et que des gens se rassemblent et se serrent les coudes pour réaliser des projets. Quand on a fait la tournée des Zéniths (ndGdC : pour Le gros 4), on n'a pas fait ça tout seul. En s'y mettant à plusieurs groupes, ça demande un élan et une espèce de solidarité. C'est ce qui fait sans doute que, oui, on joue dans plus d'endroits, on fait des choses différentes. Une autre chose aussi qui est importante pour nous, c'est de de sortir du cadre uniquement punk metal. C'était un souhait pour nous de jouer dans des festivals aussi plus "grand public" où, justement, moi, je suis bien placé pour le dire, on est un enfant des Sheriff, des Béru, des Parabellum, ce que j'appelle le "rock français". Ces groupes nous ont bercé dans un univers rock français plus que dans un univers punk ou métal. Parce que, pour moi, si on parle vraiment punk, on va parler de The Exploited. Il faut regarder les choses en face : des groupes comme nous, on chante en français et chanter en français, ça t'ouvre aussi d'autres portes. C'est super de jouer au Hellfest, c'est génial, mais c'est aussi super de jouer dans des festivals où tu as quatre groupes qui chantent en français : un groupe de chanson française, un groupe de rap, un groupe d'électro qui chante peut être pas beaucoup (rires) et un groupe de rock. Et on a aussi eu cette volonté d'aller jouer dans ces milieux-là un petit peu différents. Et tu sais, c'est comme beaucoup de choses, il faut les provoquer. Rares sont les choses qui arrivent directement à ta porte.
Olivier : On était surtout fatigués à la fin des Sheriff. Et puis, c'était Michel (ndGdC : la bassiste d'origine) qui gérait le truc. Notre ambition, à cette époque-là, c'était plutôt d'élargir, d'aller jouer dans les pays limitrophes. C'était ça. On se disait qu'en France, on n'y arrivait pas plus.

Tagada Jones Tagada Jones Et, pour rebondir là-dessus, le fait de proposer plateaux spéciaux, des soirées spéciales ou des formats spéciaux plutôt, c'est ça qui vous permet de casser un petit peu la routine ?
Niko : Oui. On réalise un festival, notre festival anniversaire qui s'appelle "On n'a plus 20 ans" et qui célébrait les 20 ans du groupe, au moment où on cherchait à marquer d'une pierre blanche cette année bien spécifique. L'idée de base du festival était la suivante : plutôt que de jouer dans les mêmes festivals, mais jamais le même jour... parce que c'est souvent ce qui nous arrive, quand on faisait la tête d'affiche un jour, les Sheriff, les Ramoneurs de Menhirs, les Parabellum jouaient un autre jour, on s'est dit qu'on allait mettre à l'affiche un bon paquet de groupes en même temps. On avait pris une salle beaucoup plus grande, mais à un moment, on s'était dit que jamais on ne remplirait la salle, parce qu'en gros, si on faisait tous trois ou quatre cents personnes, on se disait que quatre groupes à trois cents pouvait faire mille personnes parce qu'en plus, on a une partie du public en commun. Et on a fait 2000 personnes ! Et on s'est dit : "tiens, il se passe quelque chose quand même !" Ça n'existait pas. Parce que c'est aussi con que ça, mais faire des affiches rock français, un peu énervées, avec des groupes qui chantent en français, on n'en faisait jamais. On a commencé à faire ça et depuis, tu regarderas, depuis dix ans, il y en a plein ! Il y a plein de gens qui font ça ! Et pourquoi ? Parce que ça fonctionne, parce que le public se dit : "ok, ce groupe-là, Les Sheriff, je les ai peut-être vus 349 fois, les Tagada 267 fois, mais les deux en même temps, je vais quand même aller les voir, parce que c'est quand même toujours des bonnes soirées et ça crée des choses."
Olivier : Et pourquoi vous avez fait votre festival anniversaire en Vendée ?
Niko : Historiquement, si tu veux, on a toujours beaucoup joué en Vendée et les premiers concerts de Tagada tout seul qui ont vraiment explosé, la première fois qu'on a fait mille personnes tout seul, c'était en Vendée.
Olivier : Comme nous à Toulouse en fait...
Niko : Il y a aussi une explication, c'est qu'il y a moins de salles qui y programment régulièrement. On n'allait pas faire notre anniversaire à Rennes ou à Saint-Brieuc, là où il y a des programmations régulières, car forcément, ça avait moins d'impact et où il n'y avait pas forcément les salles adéquates non plus. En Vendée, tous les paramètres étaient réunis, alors on s'est dit : "on y va, let's go" et ça marche. Cette année, on va quand même faire, sur trois jours, douze mille personnes, toujours avec le même concept. Mais ça prouve que c'est possible présenter des choses un peu différentes. Il y a un public pour ça, pour ce rock français.

En 2014, dans nos pages, Olivier, tu disais que les concerts des Sheriff, c'était juste une réformation éphémère pour une poignée de concert, pour le plaisir (rires) et tu terminais par "pas question de repartir en tournée ensuite." Comme quoi, les choses gravées dans le marbre...(rires). Finalement, depuis la réunion, c'est devenu une vraie reformation, vous avez changé un petit peu de personnel, vous avez enregistré un album et dans le bouquin tu en parles en disant qu'en en gros : vous vivez votre meilleure vie par ce que vous n'avez pas de pression, pas de plan de carrière et que vous profitez de chaque moment.... Chez Tagada Jones, est-ce que vous sentez une pression particulière, à ne pas rater le coche à chaque sortie de disques, et à vous dire : "si ça se trouve, sur le prochain disque, ça ne marchera pas et tout ça, ça sera bientôt fini ?"
Niko: Non, mais il y a aussi le poids des années. Comme on est assez contents de tout ce qui s'est passé et tout ce qui se passe, on se met sans doute moins la pression que ce qu'on pouvait se mettre avant. Chaque groupe à son histoire. Nous, l'histoire, elle a basculé après la sortie d'un titre qu'on a fait en dix minutes et qui s'appelle "Mort aux cons". Et quand tu dis qu'on a peut-être explosé un plafond de verre, c'est aussi un peu grâce à ce morceau-là. Parce que ce morceau-là, il a des stats qui dépassent complètement les stats d'un groupe de rock français. Ce sont presque des stats de variété. Le distributeur numérique nous a quand même convoqué un jour pour nous dire : "regardez, aujourd'hui, "Mort aux cons" est devenu le titre punk le plus écouté de France". Tout confondu, le numéro 1, c'est celui-là. Je rappelle quand même que c'est un truc qu'on a fait en dix minutes, comme quoi, c'est pas du tout calculé. Quand t'as eu cette chance là, parce que c'est une chance, forcément tout bascule, et ce que tu appelles le plafond de verre t'aide à aller dans d'autres sphères. Et, à partir de ce moment-là, je pense qu'on a plus eu de pression. Parce que, d'une, le premier truc que j'ai dit à tous mes gars, quand on a fait l'album suivant, c'est que ce n'est pas la peine d'essayer d'en faire un deuxième "Numéro un", ça n'arrivera jamais ! Et c'est comme ça que tu lâches la pression. Si tu te colles la pression en te disant "ouah, on va en faire un deuxième pareil" et tout, mais c'est impossible ! C'est comme si tu gagnes une fois au Loto, tu ne peux rejouer en te disant "je suis sûr que je vais gagner une deuxième fois !" C'est déjà incroyable que ce soit arrivé une première fois ! Et je pense que tout ça nous aide à doit prendre du recul, à être à la cool. Ce sont des faits de vie, si on peut dire.
Olivier : Nous, par contre, nous, on avait la pression pour l'album parce que si jamais on sortait un album de merde, c'en était fini des Sheriff pour moi. Je leur avais dit à tous ! Je leur ai dit : "je serai impitoyable, présentez-moi vos morceaux, mais ça va dailler." Parce que je savais que si on faisait un mauvais album, les gens ne viendraient plus aux concerts. Ça, j'en étais persuadé. On allait se griller partout. On a été quand même très exigeants. Comme d'habitude, mais encore plus.

C'est formidable, parce que ça rebondit sur la prochaine question (rires).
Niko : Je te promets, on n'a pas lu les question avant !

J'ai lu le bouquin récemment... j'imagine que c'est encore un peu "frais" pour avoir des retours, mais moi qui ne connaissais pas très bien l'histoire des Sheriff, et notamment les personnalités, je ne pensais pas que tu étais assez intransigeant sur la qualité des concerts... Est-ce que tu pense que le regard des gens vis-à-vis de ça, peut changer. Je veux dire, moi, je vous regarde un petit peu différemment en connaissant l'histoire avec le livre...
Olivier : On n'a pas encore de retour, c'est un peu trop frais,

Les Sheriff Les Sheriff Bon, bah je te reposerai la question un petit peu plus tard (rires)
Niko (s'adressant à moi) : Mais c'est à toi qu'il faut poser la question !
Olivier : On passe pour des joyeux bordéliques, alors qu'en fait, on est vachement carrés !

Pas forcément, mais je ne te voyais pas, par exemple, en sortie de scène, engueuler tout le monde, tout ça...
Olivier : Ouais, ça, c'est l'adrénaline de la scène. Mais ça, c'était avant ! Maintenant, je le fais moins.
Niko : Je voudrais quand même ajouter quelque chose. Tu sais, quand on regardait les concerts de Sheriff, moi, de mon point de vue en tant que jeune public, il faisait partie des groupes les plus carrés. Pour moi, je voyais justement ça comme des choses super carrés, super enchaînées. L'espèce de côté enchaînement à la Ramones, ça repart direct sur un autre titre et tout, il n'y avait que vous à faire ça. Moi, vu du public, je trouvais que c'était le groupe le plus carré, quand même.

Ce que je voulais dire, c'est que j'ai une vision différente, mais plus tendre du groupe, parce qu'on voit un petit peu les personnalités qu'on ne connaissait pas forcément...
Olivier (s'adressant à moi) : Mais je comprends ce que tu veux dire.

Vous pouvez nous dire un petit mot sur les groupes qui partagent la tournée avec vous ?
Niko : Que ce soit en tout cas Not Scientists ou Dirty Fonzy, ce sont des groupes avec qui on partage la scène depuis des années et des années. Pour les Dirty Fonzy, j'ai même enregistré un de leurs albums et c'est vrai que ce sont des groupes qui ont écumé les salles de France, et même d'Europe pour Not Scientists, ça fait vraiment plaisir de les avoir avec nous. Justement, on parlait tout à l'heure des groupes qui chantent en français, parce que nous, on chante en français et eux ne chantent pas en français, et en fait, c'est une vraie barrière, malheureusement, pour le succès en France auprès du public. Tu peux évidemment fonctionner en chantant en anglais : regarde aujourd'hui, on va dire que le plus grand groupe de rock français, un peu dur, c'est Shaka Ponk qui ne chante pas en français, mais c'est relativement rare quand même. Et eux, je trouve qu'ils font une musique incroyable. Finalement, ils jouent mieux que nous, largement même (rires) mais ils n'ont pas cette chance d'avoir trouvé leur public. Il y a plein de groupes en France comme ça qui, je trouve, méritent vraiment d'être découverts et promus beaucoup plus que ce qu'ils ne sont et ça fait vraiment plaisir de les avoir sur la tournée et que les gens puissent, pour une grande partie, les découvrir, même s'ils ont déjà beaucoup tourné.
Olivier : C'est souvent des super musiciens. Not Scientists, ils ont batteur, mon pauvre ! à chaque que je les regarde, je ne regarde que le batteur ! Il est monstrueux.

Tagada Jones a participé au premier tribute des Sheriff (paru avant la reformation) en reprenant "Jouer avec le feu" avec une version hyper explosive. J'imagine que les Sheriff ont été une inspiration pour vous. Qu'est-ce que ça représente aujourd'hui le fait de rejouer avec ce groupe qu'on pensait ne jamais revoir sur scène ?
Niko : Je le dis tout le temps, nous sommes issus des cendres du rock alternatif français et on ne s'en cache pas, loin de là. Et c'est vrai que c'est toujours un vrai plaisir de croiser le fer avec des gens qui t'ont donné envie de faire de la musique. Je me rappelle de ce concert à Rennes à la Salle de la Cité avec la Big René Organisation qui était votre tourneur à l'époque. Et si tu veux, tous ces concerts-là, je regardais ça et ça m'a m'hérissait les poils... C'est ça, la genèse de Tagada Jones ! Ce sont ces moments-là où tu te dis : "mais moi aussi, je veux faire ça !" Forcément, après jouer ensemble avec les Sheriff...À part le tout dernier album peut-être, mais sinon je connais toutes les paroles du set des Sheriff par cœur, et je ne suis pas le seul, d'ailleurs ! On connaît tous les morceaux par cœur ! C'est génial ! Il faut aussi dire que c'est quand même un groupe qui est une boîte à tubes...

Je disais que, à l'heure votre actualité, c'est la sortie de ce best of réenregistré...
Niko : Ouais, réenregistré. L'idée, c'était vraiment de faire des versions différentes. Je reviens sur ce qu'on se disait tout à l'heure : faire un nouvel album c'est cool, mais finalement, ça ne marque pas assez, ça ne photographie pas ce moment précis que sont les 30 ans du groupe. On a donc décidé de tout réenregistrer, mais tout a changé un minimum, en gardant la ligne directrice du morceau, mais il y en a sur lesquels on a rajouté des bidons, d'autres sur lesquels on a rajouté un quatuor de cordes, d'autres sur lesquels on change des choses... on a toujours changé quelques petites choses pour donner une version différente, parce qu'aujourd'hui faire un best of, qui est une playlist de titres, n'a plus aucun intérêt, alors que tout le monde peut le faire sur Spotify ou sur Deezer ou sur ce que tu veux. On ne voulait pas de ça, on voulait vraiment donner quelque chose de neuf.
Olivier : Et quand tu les joues sur scène, tu peux les changer aussi, car souvent, quand tu fais les albums, tu ne les as jamais joués sur scène et après, tu les fais évoluer. On en a changé pas mal, des morceaux !
Niko : On trouvait ça super sympa de les enregistrer comme on les joue maintenant. Et puis, il y en a certains qu'on a repioché dans notre discographique. Depuis le début de la tournée, tous les jours, on change la set list et tous les jours, on joue deux ou trois vieux titres différents, et ça, c'est vachement sympa. C'est quelque chose qu'on ne faisait jamais avant ! Auparavant, on avait une set list dans laquelle ou pouvait bouger un ou deux morceaux de temps en temps mais elle restait relativement fixe. Là, tous les soirs, tu as deux ou trois morceaux différents, ce qui fait que là, au lieu de jouer 18 titres, on a déjà quasiment joué, sur les huit dates, 40 titres !

Tagada Jones Tagada Jones Niko, je vais t'embaucher à plein-temps parce que tu réponds aux questions avant que je ne termine de la poser (rires). C'est nickel !
Olivier, vous concluez le livre en disant, comme je le rappelais tout à l'heure, que vous viviez votre meilleure vie à jouer aujourd'hui dans des très bonnes conditions, alors qu'à la fin des années 90, dans les salles, ce n'était pas forcément ça. Quel regard vous portez, justement, sur l'évolution des salles et du rock en France en 2024 ?

Olivier : Le rock en France ? Je ne sais pas trop car je ne le vis pas tellement de l'intérieur, mais à part quand il s'agit des grosses locomotives comme Tagada Jones, Mass Hysteria, tous ces gros trucs pour qui les conditions sont aujourd'hui meilleures, je pense que tous les petits groupes galèrent plus qu'à notre époque...
Niko : Je pense qu'aujourd'hui, c'est plus facile de sortir de la musique de part ce fameux Internet, parce que tu peux avoir des homes studio, tu peux enregistrer facilement, alors qu'à nos débuts, c'était quand même plus compliqué que ça. Avant, il fallait dépenser un peu d'argent pour aller en studio, alors qu'aujourd'hui, tu enregistres plus facilement. Tu peux mettre ta musique à disposition gratuitement sur Internet. Par contre, te faire connaître, c'est bien plus compliqué. C'est plus facile de produire de la musique et de la diffuser en ligne. Par contre, faire des concerts aujourd'hui... il y a plus les réseaux de squatts par exemple. Nous, on a quand même fait des tournées européennes uniquement avec des réseaux de squatts, on t'envoyait dans l'un puis on t'envoyait dans l'autre, tu avais assez de cachet pour remettre de l'essence pour aller jusqu'à la prochaine date, et c'est tout ce qui comptait ! Ça, ça n'existe plus. Et après, il y a eu les cafés-concerts. C'est pareil, entre les lois sur le bruit et tout ce que tu veux, il n'y a quasiment plus de cafés-concerts. Ces réseaux-là n'existent plus. Et puis, on a recréé une chape de plomb avec chaque SMAC qui aide et subventionne des groupes locaux sauf que là, on arrive au bout de l'histoire parce que les groupes locaux, ils ont joué quinze fois dans la SMAC en ouverture de quinze groupes différents, mais ils n'ont jamais été joué dans le département d'à côté. Tu vois, c'est dur pour les groupes de sortir. Et tu rajoutes à ça le fait que le rock n'est pas revenu au sommet de la vague des choses "hype" du moment, parce que le rock n'est pas encore revenu à la mode. Il n'y a pas tant de jeunes groupes non plus qui qui font du rock. Je pense que tout cela, c'est cyclique. À un moment, il y a plein de groupes qui arriveront, que le rock reviendra à la mode, et puis ça changera sûrement les choses, mais là, on n'est pas dans les meilleures périodes pour le rock. J'ajoute quand même, parce qu'on parle de réseaux de squatts, que les Sheriff ont quasi splitté en Italie, dans une salle où nous, on a joué quelques mois après. Eux avaient joué devant six personnes ou je ne sais pas combien, dans une salle de mille cinq cents personnes à Florence je crois. Et bien nous, on a joué dans la même salle, on a joué devant une personne (rires). Et l'organisateur nous avait dit : "rassurez-vous, les Sheriff ont joué là, il n'y avait que six personnes ! " (rires).

Une bien belle histoire ! (rires) Les Sheriff, vous avez été influencés par OTH et les Ramones, et les Tagada, comme tu le disais Niko, par la scène alternative française. Quels sont les groupes aujourd'hui qui vous bottent ? Deux noms, par exemple ? (silence) Ah, Niko, tu ne t'y attendait pas, à celle-là ! (rires)
Niko : Je peux dire des noms, mais c'est facile, parce que nous, avec Rage Tour, on développe des groupes. Je peux t'en donner trois. Je pourrais te donner Cachemire qui est un groupe plus rock français et qui a un gros potentiel. Dans notre lignée à nous, Darcy, qui a fait quelques dates avec la Tournée du Siècle. Et puis un nouveau groupe qu'on va prendre en première partie de l'Olympia et de la prochaine tournée qu'on fait et qui s'appelle Tournée du Cœur. J'en profite pour faire un peu de promo, parce que c'est quand même important, parce qu'on redonne la moitié de notre cachet aux Resto du Cœur. Et le but du jeu, c'est de faire cent mille repas sur les trois semaines de tournée. Il y aura Darcy avec nous, et donc Ravage Club, qui est un nouveau groupe. À la base, c'est un gars et une fille, qui sont non pas en couple mais en coloc' et qui se sont mis à faire de la musique. Et maintenant, tu as un batteur et un bassiste en plus. Et c'est vraiment l'essence même du rock, mais c'est nouveau ; c'est assez frais, parce que ça n'existe pas en France. C'est un petit peu comme si on prenait du rock anglais chanté en français, avec des mélodies presque pop des années 70 de la chanson française, avec une énergie super punk. Ah, je les ai bien vendus là ! (rires)
Olivier : Moi, je ne sais absolument pas. Je suis dans la campagne, je n'écoute rien du tout et le seul truc que j'ai vu en concert dans les jeunes groupes et qui m'a frappé, c'est Lysistrata. J'ai trouvé ça absolument monstrueux. Vraiment, j'ai été emballé. Sinon, je ne sais pas... sinon rien !
Niko : C'est une réponse qui compte double (rires)

On a terminé. Je voulais juste vous dire que j'étais supporter du Racing Club de Lens et que c'est mieux que Rennes et mieux que Montpellier en ce moment (rires)
Olivier : En ce moment, en ce moment ! T'as de la chance !
Niko : Bon, on termine l'interview là ! (rires)