Shannon Wright - Division Shannon Wright est devenue un nom qui évoque le respect lorsque l'on s'attache à revenir vingt ans en arrière pour faire le bilan sur le parcours de l'attachante américaine qui a fait confiance relativement assez tôt à la France (au début des années 2000) via le respectable label bordelais Vicious Circle, des passionnés qui ont lancé ou mis en lumière des formations telles que Mansfield.Tya, Elysian Fields, Sleeppers ou feu Seven Hate et Drive Blind. Devenue l'icône féminine du rock & folk indépendant, ayant eu le bon goût de laisser sa musique entre les mains du producteur Steve Albini (Nirvana, Pixies, The Jesus Lizard) sur quelques albums, l'ex-Crowsdell sort début 2017 un album nommé Division dont la genèse remonte à sa rencontre avec la pianiste Katia Labèque à la fin d'un de ses concerts à Rome, l'un de ses plus beaux paraît-il à la fin duquel Shannon, complètement désespérée par la relation qu'elle entretient avec son métier, n'est pas loin de tout arrêter.

La suite se fait presque naturellement, Katia remotive Shannon en l'invitant à venir tester ses pianos dans son studio à Rome puis lui recommande de manière insistante de travailler ses idées et de les mettre en boite à Paris avec son producteur David Chalmin, lui aussi fan de Shannon, bien que sa culture musicale soit le classique. À l'écoute de ce délicieux Division, on ne peut que remercier la pianiste d'avoir permis sa naissance. Presque logiquement, si l'on s'en tient à son histoire, ce nouvel album n'a presque pas de son de guitare, les huit titres de Division sont donc composés au piano et par moment s'immiscent des notes de claviers Casio assez cheap pour donner une couleur différente à son œuvre. À ce titre, "Accidental" en est un très beau reflet et fait penser plus ou moins directement aux travaux lo-fi de Troy Von Balthazar. Mais ce n'est pas tout, loin de là, puisque Shannon porte sa légendaire peine à la fois sur des ensembles de programmations électroniques et sur des rythmes acoustiques parfaitement maîtrisés par Raphaël Séguinier, batteur studio ayant tourné avec Saul Williams, Nouvelle Vague ou encore Émilie Simon, à l'instar du final de "Soft noise" qui rappelle bien par son titre que l'Américaine a clairement adouci le propos en matière de rock bruyant. En témoignent des titres d'une délicatesse rare comme "Iodine" (qui rappelle dans l'esprit certains titres de Kazu Makino & Blonde Redhead) ou la soyeuse "Seemingly".

Division n'est pas un album de plus de Shannon Wright. Il tire définitivement toute l'émotivité de cette dernière, comme si sa réalisation faisait office de thérapie, et l'atmosphère faite principalement de piano qui s'en dégage le rend unique en tout point. Je ne suis pas certain que ce disque crée une quelconque division entre les fans de Shannon, bien au contraire, il devrait mettre d'accord tout le monde tout en marquant un nouveau tournant dans l'aventure en solo de cette songwriter de génie.