C'est à la fois un des initiateurs du groupe (Jérem au chant) et le dernier à avoir rejoint le combo (Eliott à la basse) qui prennent de leur temps pour répondre à quelques questions sur leur nouvel LP et donc bien sûr on discute sérendipité !
Où est la sérendipité dans Seeds of Mary ?
Jérem : Nous avons dans l'idée que toute création artistique est affaire de sérendipité. Quand on commence à travailler sur un album, même si on a une idée de là où on veut aller, il y aura forcément une part d'imprévu dans le processus, qui peut aboutir à un résultat différent de ce que l'on visait au départ. Cette part de hasard témoigne du caractère humain de la manœuvre, et vient, dans le meilleur des cas, enrichir le résultat final.
Avec le confinement, comment se sont déroulés ces derniers mois avant la sortie de l'album ?
Eliott : On a essayé de maintenir le feu allumé comme on pouvait... on a sorti un morceau de l'album "Choose your lie" en version acoustique avec les moyens du bord de chacun pendant ce confinement. Le gros avantage est d'avoir pu terminer l'enregistrement de l'album juste avant d'être confinés et d'avoir pu se concentrer uniquement sur le mix et le mastering avec David notre ingé son.
Le groupe affirme davantage son identité protéiforme sur cet opus, vous avez cherché à sortir de l'ombre d'Alice in Chains ou c'est un cheminement naturel ?
Jérem : Alice in Chains est une influence indéniable, nous adorons tous ce groupe. Pour autant, nous avons la sensation de nous détacher de cette influence depuis quelques temps déjà. J'imagine qu'avec le temps, notre direction musicale s'affine et part dans une direction de plus en plus personnelle, les influences sont d'avantage digérées. Mais même si la volonté de nous affranchir de nos modèles est consciente, le cheminement se fait malgré tout de façon assez naturelle. Notre ambition est avant tout d'émouvoir les gens qui nous écoutent, et cela commence par le fait de chercher à nous émouvoir nous-mêmes.
"Rewind me" est un des titres mis en avant, il est pourtant assez différent des autres avec une atmosphère indus, pourquoi avoir fait ce choix ?
Jérem : Là aussi, ce n'est pas totalement conscient. C'est le premier morceau sur lequel nous avons travaillé au moment de la composition de l'album, et il nous a semblé naturel que ce soit un des premiers morceaux que l'on dévoilerait. Son format court lui donne un côté single assez évident, mais là encore, ce n'est pas quelque chose que l'on s'est imposé pour "faire tube", le format s'est présenté de lui-même.
Les visuels sont toujours travaillés et significatifs, le caméléon, c'est vous qui utilisez des influences pour vous fondre dans un univers ou c'est juste pour illustrer la présence de "Chameleonic" ?
Jérem : Il y a un peu des deux, et d'autres choses encore. Ce visuel est le deuxième que nous a proposé Julien, notre guitare, nous étions au départ assez unanimes sur une première pochette qui figure aujourd'hui sur le livret à l'intérieur de disque, et qui fonctionne de pair avec le visuel du caméléon et avec la thématique globale de l'album. Disons que la notion de sérendipité nous a semblé assez cohérente avec le caméléon, puisque c'est un animal qui s'imprègne de son environnement, qui est conditionné par ce qui l'entoure. Comme nous, êtres humains, et êtres vivants de manière générale, qui sommes les fruits de notre éducation, notamment musicale donc, de notre cheminement personnel, de ceux qui nous entourent etc. L'humain doit donc évoluer dans un monde qui était déjà là avant lui, et dans lequel il n'est qu'un vivant parmi tant d'autres. Du coup ça pose pas mal de questions morales et philosophiques : doit-on absolument chercher à s'adapter totalement au monde et aux autres ? Comment exprimer notre identité propre ? Quelle influence notre existence exerce-t-elle sur notre environnement ? Et pour répondre à ta deuxième question, le morceau "Chameleonic" pose justement un peu toutes ces questions, sur le cheminement personnel, la perte de l'identité, le regard de nos parents, etc...
C'est un animal qui s'adapte toujours, est-ce qu'on va trouver de quoi s'adapter à la situation sanitaire ?
Eliott : Je pense que la situation va se tasser, espérons-le... on voit de plus en plus de concerts avec masque et distanciation qui se font malgré tout ! Après la pluie vient le beau temps ! Bon ça fait un moment que la météo est pluvieuse quand même là !
Les salles de concerts sont fermées, les bars ferment en soirée, que reste-t-il aux musiciens ?
Eliott : L'amour et l'eau fraîche...
Jérem : Pareil ! Puis pas mal de disques, des livres à lire et des films à mater.
N'assurer la promo que "virtuellement", ce n'est pas lassant ?
Jérem : Je ne dirais pas lassant car cette promo virtuelle doit exister dans tous les cas. Mais c'est bien-sûr terriblement frustrant ! C'est totalement inutile à l'heure actuelle d'envisager de véritables tournées, car on prend le risque de voir tout s'annuler d'ici quelques mois. Aujourd'hui ça nous démange terriblement de monter à nouveau sur scène et de présenter nos nouveaux morceaux. Mais nous comprenons les enjeux actuels, et nous en profitons pour travailler nos futurs concerts. Puis nous avons des projets sur lesquels nous allons commencer à vraiment nous pencher, notamment en matière de clips. Donc oui, c'est une période très ingrate, et elle va certainement durer un bon moment encore. On ne peut qu'attendre, espérer que les choses s'arrangent, dans tous les domaines, ce qui implique de repenser en profondeur notre fonctionnement.
Le streaming a ouvert des portes, à l'étranger notamment, ou les retours sont anecdotiques ?
Jérem : Oui grâce à la Klonosphère nous figurons sur plusieurs playlists Spotify et Deezer, et "Rewind me" a beaucoup été écoutée, nous en sommes ravis ! Idem pour "The atheist" qui était notre premier single. Disons que les gens écoutent aujourd'hui majoritairement de la musique sur Spotify, donc c'est une bonne chose pour nous d'y figurer et d'être découverts par des gens qui ne nous connaissent pas. Après tout dépend de ce que tu appelles "ouvrir des portes", mais l'essentiel pour nous à l'heure actuelle est d'être écouté, et à ce niveau là le streaming facilite la chose.
Vous avez tourné un clip haut en couleurs, les instruments n'ont pas trop morflé ?
Eliott : On ne pourra pas dire qu'aucun instrument n'a été maltraité dans ce clip... Je pense notamment à la guitare de Raph dont le manche s'est arraché et a été revissé de manière très très archaïque sur place.
Jérem : (rires) En effet, du grand Raph comme toujours ! Les instruments ont été préparés exprès pour le tournage, les gars les ont customisés comme des chefs pour que tout soit blanc ! En l'état actuel, on ne peut plus en tirer grand-chose, mais ça fait une super déco à la baraque !
Le travail de Thomas Duphil est encore une fois très réussi, comment se prépare un clip avec lui ?
Jérem : Merci pour lui, je transmettrai ! Pour celui-ci, ça s'est plié assez vite. Confinement oblige, nous avons décidé de trouver quelque chose d'assez simple à mettre en place, et avons eu cette idée de décor blanc et de jets de peinture, et c'était directement lié à nos photos promo. Mais de manière générale, on fait écouter le morceau à Thomas, et on lui donne nos première idées, on échange beaucoup avec lui, notamment sur tout l'aspect visuel et pratique. Thomas est un ami de près de 15 ans, je connais bien ses goûts et sais aussi qu'il peut faire à peu près tout ce qu'on veut, ou qu'il nous proposera des alternatives. Donc cela fonctionne à peu près comme les rapports au sein du groupe, on communique énormément, on échange des idées, on écrit puis on répartit les tâches pour l'organisation. On aime bien se lancer des défis donc la réalisation d'un de nos clips représente pas mal de travail, mais c'est souvent très excitant.
Quel est votre préféré ?
Eliott : "Hey you", la reprise de Pink Floyd, pour le cadre en premier lieu et de plus le titre a une valeur sentimentale pour moi. Encore un grand bravo à Thomas Duphil pour la réalisation qui a su, à mon goût, réaliser une belle harmonie entre son et image.
Jérem : J'adore celui d'"Hey you" aussi. Mais celui qui me touche le plus encore aujourd'hui est peut-être celui de "The blackbird". Et puis je garde une affection particulière pour "Here comes the night" qui a été compliqué à faire du début à la fin et dont je regrette quelques imperfections, mais que j'aime pour son côté fou et démesuré, et pour le souvenir du tournage.
Vous êtes amateur de reprise, ça reste un travail qui n'a pas sa place sur un album "normal" ?
Jérem : En soi, il n'y a pas de règle, donc pourquoi pas intégrer une reprise un jour ! A la base, notre cover "Hey you" devait figurer sur l'album The blackbird and the dying sun, mais nous avons décidé de la retravailler pour en offrir une version plus personnelle et l'avons donc sortie plus tard. Disons que si une reprise figure sur un album, elle doit vraiment s'intégrer à l'ensemble, et donc il faut qu'on ait vraiment travaillé un arrangement pertinent. Donc à vrai dire, ça peut être très intéressant d'intégrer une reprise. A titre d'exemple, j'adore la reprise de Bjork que Klone a proposé sur l'album Black days. Elle fonctionne parfaitement avec le reste du disque, son arrivée semble totalement naturelle, et l'arrangement est béton ! Hypno5e aussi a fait une folie avec "Ojos azules" sur leur album acoustique, l'incroyable reprise d'un très beau morceau bolivien. Bref, rien n'est exclu en somme, encore une fois tout est question de cohérence et d'envie.
Y'avait pas la place de mettre une piste cachée avec le titre de Nirvana que vous travaillez en ce moment ?
Jérem : (rire) Comment sais-tu ça ? Alors à vrai dire ce morceau nous semble surtout taillé pour le live, et je crois que nous avons pensé à le reprendre après l'enregistrement de l'album. Mais en concert, ça va vraiment être une boucherie ! En tout cas, l'idée de la piste cachée me plaît bien, c'est le genre de gourmandise 90's que j'adorais plus jeune, même si ça perd un peu de son sens à l'heure du dématérialisé. Mais là encore, on ne s'interdit rien, l'avenir nous dira !
Merci à Jérem et Eliott et à tous les Seeds of Mary, merci aussi à Pat' de la Klonosphère.
Photo : Michael Tirat
Publié dans le Mag #45