Scraps of Tape - Sjätte vansinnet On n'avait plus vraiment de nouvelles de Scraps of Tape depuis l'album Grand letdown (2009) et pour cause, après avoir discrètement livré un EP 7'' baptisé Flera meter kort en 2011, le groupe s'était fait assez silencieux avant de revenir sous les feux de la rampe en 2014 avec Sjätte vansinnet. Soit un disque de post-rock (mais pas que, loin s'en faut) aussi classieux que lumineux car scintillant dans des paysages indie-(pop)-rock à la légèreté confondante. Quelque-part entre un Dredg en formation math-pop et un Logh toujours aussi racé mais qui se serait acoquiné avec le Mogwai des derniers albums (celui indie/synthé-rock à tendance électronique), le groupe trace son sillon musical sur une ligne d'horizon moins prévisible ou évidente qu'il n'y paraît au premier coup d'œil ("We, the leftheaded", "Fuga").

Sans doute parce que c'est dans leur entremêlement de titres tous plus fuselés les uns que les autres qu'ils trouvent leur griffe, les Suédois varient les registres au gré de leurs nécessités mélodiques et/ou rythmiques, mais toujours avec un soin tout particulier apporté à la dynamique de l'ensemble. Quitte à laisser s'échapper un soupçon de justesse vocale de temps en temps ("Hands in hands"), car l'essentiel est ailleurs : dans le déroulement de la trame narrative de l'album prise dans son entièreté ("Teardrop fucking dropkick", "Among haters"), cette vision globale du tracklisting final permettant aux Scraps of Tape de parfaire leur maîtrise créative, ce, en soulignant tout particulièrement son harmonie collective. En témoigne du reste la déferlante post-rock, presque métallique, qui s'abat sur l'auditeur lors du lancement de "Vultures with high heels" avant que le calme (relatif) ne revienne et permette au groupe de dérouler de nouveau son fil d'Ariane musical en toute "quiétude".

On le répète, mais Scraps of Tape est plus que jamais, avec ce Sjätte vansinnet, à la croisée des chemins stylistiques, faisant évoluer sa musique en permanence afin de ne jamais lasser, de toujours maîtriser ses effets de manche et surtout de conserver intacte sa capacité d'attraction ("Once we were"). Et même si l'ensemble n'est pas à proprement parler révolutionnaire, la discrète inventivité dont font preuve les nordiques ici a quelque chose d'assez jouissif quand bien même le groupe se rate de temps en temps, vers la fin de l'album essentiellement ("Logh cabin", "A neverending"), le résultat final et sa dizaine de titres régulièrement renversant se révèle être un joli numéro de voltige indie-post-math-rock/pop de très honorable facture ("Alla utom jag måste dö"). Retour plutôt réussi.