Sapiens, c'est le sage, rien à voir avec les foufous de Sapiens Sapiens donc, c'est pourtant un projet qui semble déraisonné sur le papier. L'idée de départ, c'est celle du guitariste et chanteur de Los Disidentes Del Sucio Motel, Nico, qui se fait accompagner par T-bow Fassler pour composer et quelques amis/connaissances pour enregistrer (Grégory Hiltenbrand (aussi dans LDDSM) ou Cédric Grob à la batterie, Johan Gardre au violon, Patrick Wetterer au piano et aux arrangements...) sans que jamais la notion de "groupe" ne leur effleure l'esprit. Sapiens c'est "juste" l'assemblage entre des squelettes de compo à la guitare acoustique et des chanteurs. Il y a 10 morceaux, il leur faut 10 chanteurs, notre duo d'auteurs fait donc un petit tour de France des voix qui comptent dans le rock et le métal et envoient leurs démos aux 10 heureux élus, libres à eux de trouver des mélodies et des textes, ensuite tout est retravaillé, amalgamé, enregistré, produit, le résultat, c'est ce petit bonhomme étrange qui s'écoute oreilles grandes ouvertes.
Assez casse-gueule dans l'idée, Sapiens réussit à maintenir un cap malgré les 10 voies qu'il emprunte, les instrumentations ont des sonorités douces et marquent de leurs empreintes des morceaux identifiables par les 10 voix qui les dominent. On est donc partagé entre le sentiment d'entendre une sorte de compilation tant certaines différences sont criantes entre les protagonistes (surtout que certains sont très aisément identifiables comme Poun de Black Bomb Ä ou Reuno de Lofofora) et de trouver du liant et un fil conducteur à l'ensemble puisqu'il est porté par la même énergie ouatée. Chacun pourra définir ses préférences en fonction du charme de l'invité, personnellement, j'ai du mal à faire un choix tant nombreux sont ceux qui dégagent beaucoup d'émotions de leur chant, les Julien (ceux de Mars Red Sky et de Psykup) font mouche avec leur timbre si particulier, Steve de Robot Orchestra joue sur la dynamique et quelques chœurs énervés pour faire mouche, Forest Pooky est peut-être le moins dépaysé, il est naturellement à l'aise tout comme Reuno toujours et partout comme chez lui. Avec plus ou moins d'intensité, les compositions nous marquent, une seule me déplaît, c'est celle avec Mat de Babylon Pression, elle porte bien son nom, "C'est gênant", entre le côté titubant de l'instrumentation et des textes (en français comme pour "Le feu qui danse" avec le taulier des Lofo), je me fais déconnecter de l'ambiance générale et préfère zapper cette piste et filer plus au calme avec Daniel, l'équilibriste de Los Disidentes Del Sucio Motel.
Mathieu (Bukowski), Cédric (Hangman's Chair) sont également de la partie démontrant que quels que soient les styles des groupes, tout le monde peut se retrouver sur Sapiens. Emballé par ce premier opus, reste à connaître la suite des aventures, est-ce qu'on aura des concerts avec un seul chanteur (Nico ?), est-ce que d'autres compositions avec d'autres chanteurs donneront un "tome 2" ? En tout cas, ce Sapiens est plus qu'un truc à écouter d'une oreille distraite parce que tel ou untel y participe...
Publié dans le Mag #39