Pierrot La Ruda Il y a 25 ans, avec La Ruda Salska, vous vous apprêtiez à sortir en indépendant L'Art de la joie qui débouchera sur une signature chez Yelen ! Quels souvenirs gardes-tu de cette époque ?
Tu sonnes juste en évoquant L'Art de la joie, car le disque va être édité au printemps en double vinyle via le label angevin Wiseband, il est déjà disponible en précommande sur le site du label... C'est évidemment un grand souvenir, car c'est l'album qui nous a définitivement lancé après Le prix du silence qui avait marqué les esprits. Nous avons fixé ce disque avec les moyens du bord en nous enfermant pendant un mois dans la grange de Rodolphe. C'était une période d'un enthousiasme violent, car on sentait qu'on touchait au but. Nous avons enregistré entre les duvets, les câbles et les cannettes en nous relayant pour dormir sur place afin de garder le matos. Un deuxième album est un tournant dans l'histoire d'un groupe. Avec des morceaux comme "Que le bon l'emporte !", "Le bruit du bang" et évidemment "L'art", on savait qu'on avait la came pour y croire. La vie n'était pas pour autant simple, loin s'en faut, mais on quittait peu à peu "L'école des sous-sols" et c'était musicalement une période bénie.

Nous fêtons nos 25 ans, mais ça fait plus de trente ans que tu fais des groupes et des concerts. Éprouves-tu toujours le même plaisir à entrer en studio ou à tourner et faire des concerts qu'à tes débuts ?
Je suis souvent inquiet en studio, tendu, car c'est le révélateur d'un travail accompli en amont et on n'est jamais sûr de rien. Est-ce que le texte va prendre par exemple ? Je ne me lasserai jamais par contre du miracle de voir un morceau naître lorsqu'il sonne tel qu'on l'espérait. C'est, je crois, en musique ma plus grande joie. La scène pour moi est très importante. J'ai besoin de cette adrénaline qui bouscule. J'ai dépassé depuis bien longtemps le millier de concerts, mais je n'aborde jamais ça à la légère, car le plaisir passe par le fait de se sentir en phase, dans l'instant. Si on est à côté de ses pompes, c'est un fardeau, on se sent enfermé... Par bonheur c'est très souvent pour moi une libération.

Tu es le premier artiste que j'ai interviewé pour le compte du W-Fenec, avec beaucoup de recul, je m'étais bien débrouillé ?
C'était un long entretien au moment de la signature chez Yelen Musiques, un moment important dans l'histoire du groupe. Un très bon papier.

Quels sont les trois albums et les trois groupes qui t'ont marqué ces 25 dernières années ?
Par exemple : Back to black d'Amy Winehouse, Truelove's gutter de Richard Hawley ou Dirty radio de Sally Ford. Concernant les groupes, pourquoi pas The Last Shadow Puppets, The Killers ou encore Dead Sixties ou Fontaines D.C...

Tu as fait énormément de concerts avec La Ruda. Instinctivement, quels sont les trois concerts dont tu gardes le meilleur souvenir ?
Le premier au "Café de La Poste" à Saumur en 1993 et l'avant-dernier en juillet 2019 sur la grande place du Théâtre de la ville devant 8 000 personnes. Cela résume bien notre parcours. Entre-temps mille concerts et mille histoires. Les plus grandes scènes et les plus petites. Pour faire le nombre, je citerais également le concert au Festival Fuji Rock en 2011 au Japon qui fut pour nous l'occasion d'une tournée mémorable.

Il y a 25 ans, lire une chronique était quasi obligatoire tant l'écoute n'était pas toujours possible, aujourd'hui, ça a encore du sens quand tout est "streamable" ?
Le caractère "streamable" permet d'écouter dans l'instant un artiste suite à la lecture d'une chronique. C'est un aspect qu'on peut trouver positif. Cependant l'immédiateté ôte une part d'excitation, de celle qu'on pouvait avoir lorsqu'on se mettait en quête d'un disque qui semblait nous parler. La chronique quoiqu'il advienne est très importante pour intriguer, nous guider dans cette masse de propositions.

À l'époque, avoir une connexion personnelle était encore un peu "exceptionnel", tout le monde dans le groupe était "connecté" ?
Non et pour ma part je ne suis toujours pas réactif sur ce point ce qui me vaut souvent des reproches, car on me fait observer que cela fait perdre du temps. Je conteste ce point, car en un coup de fil on fait parfois l'équivalent de trois jours de mails. À l'époque cependant, Philly était très investi sur les réseaux et il proposait un retour après chaque concert aux abonnés de notre newsletter, Le bruit du bang. C'était très interactif et on pouvait suivre le groupe au quotidien sur la route.

Ta manière d'utiliser Internet a-t-elle évolué avec le temps ?
Sincèrement, je l'utilise peu sauf parfois dans le cadre de la musique pour découvrir tel groupe ou tel morceau... souvent après lecture d'une chronique justement. Je ne suis pas doué pour ça. Je n'en ai pas le goût.

Tu es nostalgique de cette époque où les contacts étaient plus "vrais" ?
Peut-être, mais je mesure que chaque époque a ses codes... Le téléphone portable a changé beaucoup de choses et je ne me fais toujours pas à son utilisation, à l'addiction qu'il engendre. Mais quand j'étais môme, je passais beaucoup de temps devant la télé juste par habitude... Ce n'était pas souhaitable non plus. Pour être franc, voir des écrans partout me fatigue.

Va-t-on avoir la chance de retrouver Villa Fantôme en concert en 2023 ? Et pourquoi pas une tournée avec Lénine Renaud, vos frères de label et composé de membres de Marcel et son Orchestre avec qui vous avez énormément tourné ?
À partir d'avril 2023, la fréquence de nos concerts sera beaucoup plus régulière. L'album aura un an et les choses vont se décanter peu à peu. Le public est chaque fois un peu plus nombreux. Cela va dans le bon sens. Nous jouerons au Festival des Feux de l'Été par exemple à Saint-Prouant où les Marcel ont joué l'année dernière. On finira par se croiser. Dans l'attente nous serons plusieurs fois avec les Liquidators, groupe ska de Lille, dans lequel évolue JB. Quant à jouer avec Lénine Renaud, c'est tout sauf une mauvaise idée. Pour conclure, c'est bien d'évoquer Marcel et son Orchestre, car cela nous ramène à ta première question et L'Art de la joie quand, à l'époque, on faisait tournée commune avec eux. Cela a duré un an et c'était très, très, très intense... Je les salue au passage.