Les impressions que j'ai pu avoir sur NaSh se confirment avec 4, le nouveau disque de RougeGorgeRouge sorti en totale autoproduction en octobre 2021 puis qu'également enregistré et mixé par le groupe lui-même. En effet, à l'occasion de chaque lancement de nouvel album (en moyenne tous les trois ans), le quatuor rock originaire de Bordeaux se travestit pour nous emmener vers des sonorités différentes avec des couleurs aux tonalités nuancées par rapport à celles délivrées auparavant. Ici, sur 4 (comme leur nombre d'opus), c'est plutôt la pop noisy et l'indie rock aux relents 90's qui sont à l'honneur, plus précisément dans un style qui pourrait être un mélange parfait entre Sonic Youth, Dinosaur Jr. avec quelques autres formations supplémentaires - qui ne proviennent pas forcément des années 1990 - en fonction des morceaux.
"Your shadow" débute de manière douce le voyage entrepris par RougeGorgeRouge sur ce 4, une sorte d'introduction planante aux claviers avec de fines guitares et un chant presque confessionnel. Les choses sérieuses arrivent dès "Kill my friends", les guitares se réchauffent progressivement, le rythme s'accélère, la noise et les effets dominent les débats. "Disappear" montre quant à lui ses belles formes indie-pop 90's, ses mélodies, et sa rage brûlante, en toute humilité bien entendu. Simple et efficace ! "The digger" attaque un virage Sonic Youthien bien écorché et tendu procurant un élan de bonheur à ce moment précis de l'album. En effet, ce crescendo observé depuis le début de l'écoute du disque témoigne de la bienveillance des Bordelais à faire en sorte que leur œuvre soit appréciée de la meilleure des manières, comme une narration à suivre. Nous sommes au milieu de l'album, tel un changement de face, "(My) evolution" fait redescendre la pression avec sa rythmique hypnotique et sa basse tranchante. On termine là l'un des plus beaux morceaux de l'album, et sans coup férir, le groupe enchaine direct avec un "Finger" d'obédience kraut-rock. Ce titre fait écho avec le précédent sur son côté cyclique tout en changeant totalement d'ambiance. Parti-pris astucieux de la part de RougeGorgeRouge. "Hora hora" est le titre le plus long de 4, une progression post-punk noise éthérée et totalement sublime, on sent ici qu'on atteint le climax de la deuxième partie (comme le fut "Digger" sur la première).
Avec une ferveur et une passion palpable, on sent que chaque recoin des chansons proposées sur ce disque a été pensé et soigné, un peu comme si c'étaient des morceaux issus d'autres formations que RougeGorgeRouge aurait eu un fou plaisir à écouter. 4 rend son dernier souffle avec "Bit tune", un titre instrumental à part du reste du disque de par son format, sorte d'indus rock entrainant et martial au sein duquel s'égrènent des sons de guitares criant de souffrance. Encore un contrepied de la part des Bordelais, au cas où son auditoire n'aurait toujours pas compris ses velléités de se libérer des cases qu'on pourrait tenter de lui imposer de force. Un dernier souffle particulier car le groupe, étant séparé par la distance, a mis fin à ses activités récemment, tout en ayant l'espoir de se retrouver pour travailler sur des improvisations qui seront mises en ligne sur Bandcamp, si le jeu en vaut la chandelle. Cela nous fait d'autant plus regretter sa disparition au regard de cet album réussi mais aussi, ne l'oublions pas, de l'ensemble de son œuvre qu'on vous conseille d'aller découvrir rapidement si, en lisant cette chronique, vous tombiez pour la première fois sur cette formation qu'est RougeGorgeRouge.
Publié dans le Mag #50