Rodrigo Y Gabriela fait partie des artistes ou formations qu'on suit sans suivre. Tout cela se fait au fil des infos, de la promo qu'on reçoit. Il y a un peu de passivité de notre côté, il est vrai, et pendant ce temps-là, le duo mexicain enchaîne. Il le fait "relativement" vite, si bien qu'on ne savait même pas qu'il avait été lauréat pour le Grammy Awards 2019 avec Metatavolution, son album précèdent. Et puis cette année, c'est celle d'In between thoughts... A new world, un disque marqué par la découverte de la non-dualité, une philosophie orientale, par Rodrigo pendant la période du COVID19. En gros, l'idée derrière ce concept, c'est de dire que l'homme "réalise sa vraie nature par la compréhension intime qu'il ne fait qu'un avec tout". Cela l'a apparemment nourri car ce nouveau disque conceptuel, retraçant l'histoire de cette découverte des préceptes de l'Advaita, propose des choses intéressantes poussant Rodrigo Y Gabriela à dépasser des limites qu'ils n'avaient surement pas envisagées auparavant, ou alors pas assez.
Premier constat, le moins surprenant : le duo maîtrise toujours autant leurs six cordes et la cadence. C'est un fait, on sent chez lui cette propension à toujours vouloir chercher et trouver les mélodies jusqu'à lors non atteintes. Cela s'entend par petites touches, ci et là (l'instant western spaghetti sur "True nature" était pour nous inattendu). Sur In between thoughts... A new world, Rod y Gab sont illuminés. Les inspirations sont clairement définies : rock, folk et jazz, latin ou pas. Deuxième constat, et non des moindres : le duo, habitué à l'expression acoustique a sorti la guitare électrique. Cette nouveauté, qu'on n'imaginait pas un seul instant envisageable, apporte un "plus", une nouvelle couleur dont "Broken rage" est le plus digne représentant sur l'album. Troisième constat, le plus surprenant : les arrangements et l'orchestration qui font évoluer le duo vers d'autres espaces d'expressions, lui qui en avait bien besoin (à mon avis). Les morceaux prennent une spatialité captivante comme sur "The ride of the mind". Et tout cela grâce, entre autres, à l'ensemble de cordes de l'orchestre symphonique bulgare dirigé par le compositeur Adam Ilyas Kuruc. Le duo n'hésite pas à se servir d'autres instruments tels que des nappes de synthés analogiques (comme sur "True nature" ou "Egoland"), des percussions électroniques et puis des outils plus étonnants comme la talk box ("Fiding myself leads me to you").
In between thoughts... A new world porte finalement bien son nom : c'est un nouveau monde dans lequel vit Rodrigo Y Gabriela désormais. Un univers énergique et mélodieux qui donne du crédit pour la suite de la carrière des Mexicains. Il est possible que grâce à ce nouvel effort, on soit beaucoup plus alerte qu'auparavant vis-à-vis de ces deux artistes qui étaient restés depuis pas mal d'années dans une certaine zone de confort.
Publié dans le Mag #58