Autant inspiré par les groupes du cultissime label Dischord (Jawbox) en tête que par le joueur de foot néerlandais avec lequel ils partagent donc leur patronyme, les Belges de Reiziger se sont fait connaître dans les années 90 en étant les leaders de la scène "emocore" européenne qu'ils ont alors emmené des limbes jusqu'à maturation au travers d'une flopée de sorties qui ont fait à l'époque les beaux jours du label Genet Records (l'EP Don't bind my hands en 1997, puis les albums Our kodo en 1998, The kitten becomes a tiger en 1999) avant de faire un détour chez Stickman Records (Favez, Monochrome, The Soundtrack of Our Lives...) pour l'album My favourite everything en 2011 et... d'arrêter les frais.
En 2013, soit douze ans après sa séparation, Reiziger remet le couvert un peu à la surprise générale, avec un nouvel opus, Kodiak station via Birch&Broom Records/PIAS et Red Plane Records.
Reiziger
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Reiziger / Chronique LP > Kodiak station
A ceux qui ne connaissaient pas le groupe, Reiziger était, dans les années 2000, une référence de la scène dite "emocore" européenne, avant que le terme ne soit repris, réadapté puis complètement galvaudé par quantités d'opportunistes notamment outre-Atlantique. Séparée en 2011, la formation belge livre douze ans après un nouvel album, histoire de remettre l'église au milieu du village mais aussi et surtout de montrer que son talent est intemporel. Sept titres pour une petite demi-heure de musique plus tard, Kodiak station rend son verdict et rend grâce à ce que fut, est encore et sera donc toujours Reiziger : la classe à l'état pure.
Noise-pop racée, indie-rock à haute teneur émotionnelle, une mélancolie abrasive en sustentation et un sens de l'épure à fleur de peau, "Yuma" n'a besoin que de quelques secondes pour convaincre. La suite accrédite la thèse selon laquelle Reiziger est définitivement de retour. "Grizzly people" est ainsi une harangue émo-rock avec quelques fulgurances renvoyant au "-core" d'un sujet qui touche en plein cœur, qui est en prise direct avec l'âme de son auditeur, baladant son groove ténébreux en même temps qu'elle délivre un songwriting des plus personnels. Car les Belges ont toujours eu une identité artistique propre et ce petit quelque chose en plus qui fait la marque des grands. Même s'ils sont parfois trop méconnus (ou trop vite oubliés).
Une élégance incroyable dans les lignes mélodiques éraillées ("Transgressions"), des atmosphères du plus bel effet et une capacité folle à toucher l'auditeur (le vibrant et éponyme "Kodiak station"), on se dit que Reiziger est parvenu à son sommet d'écriture (et que c'est déjà d'une excellence rare), sauf que c'est exactement le moment choisi par le groupe pour lâcher le tube "Bended trees" et ses lancinantes ritournelles émo-rock aux effluves pop sur la platine. Et là, impossible de succomber, car les Belges sont alors intouchables et s'inscrivent alors dans la plus pure tradition nord-américaine des Jawbox et autres Fugazi ("Shy reptile"). La petite finesse européenne en plus, la reconnaissance planétaire en moins. Sans doute le destin cruel d'un groupe qui avait tout pour être un grand auprès du public. Et qui ne le sera peut-être jamais que via sa musique, laquelle reste un véritable modèle du genre, à l'image du petit chef-d'œuvre qu'est ce Kodiak station.
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