Red Fang - Whales and leeches Avec ces Américains-là, pas le temps de se poser la question de ce que va réserver leur nouvel album qu'ils attaquent direct pied au plancher sur un "DOEN" inaugural qui emballe avec une étonnante vigueur un cocktail stoner/metal/rock psychédélique de très haute volée. Rythmique enfiévrée, chant habité et riffing expédié à 100 à l'heure, Red Fang sort l'artillerie lourde et la visée laser de haute précision lorsqu'il s'agit de distiller la douzaine de morceaux que compte ce Whales and leeches, troisième album long-format de sa carrière imparable, comme son prédécesseur, l'excellent Murder the mountains distribué par l'efficace Relapse Records (Baroness, Coalesce, Mastodon, Tombs...).

Lancés à très grande vitesse après ce démarrage en trombe, les Américains ralentissent (mais pas trop non plus, faut pas déconner) le tempo pour propulser le single "Blood like cream" sans pour autant décrocher la timbale. On trouve là une petite limite au groupe qui, lorsqu'il veut trop jouer la carte du rock calibré "passe-partout" ne parvient pas à faire sauter la banque comme quand il se lâche, complètement décomplexé avec un "No hope" sévèrement burné. Sans doute qu'à trop vouloir cibler, les Red Fang perdent ce qui fait en grand partie la force de leur rock/stoner lourd et habité : cette foudroyante capacité d'expédier des mélodies stellaires dans les étoiles tout en restant "terrien". Un desert-rock tellurique mixé avec un psychédélisme lunaire ("Crows in swine", "Voices from the head"), un résultat fracassant même si par moments, les bucherons de Portland ont peut-être légèrement tendance à forcer le trait.

Pour autant, Whales and leeches se déguste avec un appétit féroce et les tonneliers de la scène stoner/metal/rock US qui déboise assument leur statut, pulvérisant au passage un Kylesa qui ne ressemble plus guère à rien pour parfois s'approcher du travail surpuissant d'un Mastodon. Lequel de son côté continue, album après album d'en imposer. Toujours est-il que les camionneurs de chez Red Fang ne boxent pas tout à fait dans la même catégorie : plus allégé, mainstream, leur rock dur est peu à peu rentré dans le rang, quand bien même sur certaines explosions de riffs, il se fait encore saillant et fédérateur ("Behind the light", "Dawn rising"), ce qui promet assurément quelques belles claques live endiablées. Si on en demande beaucoup au groupe, mais c'est avant tout parce que l'on sent chez lui un potentiel énorme, rare, bien que parfois inexploité ou mis en sourdine. Très bon tout le temps, Red Fang pourrait être quasiment systématiquement excellent s'il se donnait la peine de ne pas chercher à plaire à tout prix ("This animal", "Every little twist") pour foncer directement dans le tas et tout démolir sur son passage.

Solide mais parfois frustrant.