radiohead_in_rainbows.jpg Radiohead, feuilleton discographique de l'automne 2007 débuté un matin d'octobre lorsque Johnny Greenwood déposa une véritable bombe médiatique sur la toile internet en annonçant que le nouvel album du groupe était non seulement prêt, mais qu'il serait disponible dix jours plus tard... en téléchargement exclusif et pour une somme choisi par l'internaute. Une folie ? Une énorme private joke ? Et bien non. Avec en cadeau bonux un bon gros coup de pied dans la fourmilière des majors du disque, le groupe a parfaitement assumé son statut d'icône, battant en brêche les supposées certitudes d'un marché du disque déjà moribond. On ne va pas épiloguer 107 ans sur le cas d'école marketing que présente la sortie numérique et par ses propres moyens du nouvel album du groupe indé phare de la dernière décennie, mais on conviendra tout de même que le coup de Trafalgar du quintet d'Oxford a peut-être marqué la naissance de quelque chose de nouveau dans l'industrie culturelle : une alternative à la toute puissance omnipotente des majors ?.. L'avenir nous le dira.

Dans l'immédiat, tout notre intérêt se reporte sur ce que récèle réellement cet In rainbows, soit 10 titres que le groupe aura mis près de trois ans à finaliser dans son studio, après quelques périodes de crise où certains auront même redouté la fin de l'histoire pour les auteurs de Kid A ou Pablo Honey. Un tracklisting exigeant pour séléctionner seulement dix morceaux... que l'on découvre presque religieusement, enfermé à double tour dans une pièce où personne ne viendra désacraliser la première écoute d'Rainbows. Un beat électro-pop hypnotique pour s'échauffer les conduits auditifs, le chant toujours aussi haut perché et caractéristique de Thom Yorke, des arrangements fourmillant de subtilités, "15 steps" est de ces titres que le groupe a du polir longuement en studio avant de nous en offrir le résultat, proche d'un "Idioteque" et savamment taillé pour susciter ces émotions brutes et qui n'est pas sans évoquer un prolongement naturel du travail de Thom sur The eraser, l'album semi-solo qu'il a réalisé avec ses comparses de Radiohead. Nerveux, plus rock dans l'âme, "Bodysnatchers" est également acéré comme une lame de rasoir, comme s'il devait retranscrire musicalement les tensions qui ont accompagnées le groupe lors de l'enregistrement d'In rainbows. Les mélodies mêlent inventivité et maîtrise hallucinante, pas de doute, à trop l'attendre cet album, on aurait pu en redouter sa découverte, mais le groupe démontre qu'il n'a pas perdu une once de son talent. Si le début de l'album présente le versant le plus abrupte de la musique de Radiohead, la suite nous offre quelques moments de poésie pop intimiste et stratosphérique avec "Nude" et le chef d'oeuvre qu'est le crépusculaire et rêveur "All I need", où le groupe développe des mélodies à fleur de peau aux vibrations émotionnelles rares. Sublime. "Weird fishes / Arpeggi", une mélodie se pose en filigrane sur des guitares qui serpentent le long d'une batterie aérienne et survoltée, les anglais semblent en pleine possession de leurs moyens et malgré l'attente suscitée par ce nouvel opus, ne se désuni jamais.

La première moitié de l'album est magnifique et l'on se dit que le groupe va bien finir par se louper quelque part... C'est alors que Radiohead sort de sa manche "Faust arp", assurément l'un des plus beaux morceaux que le groupe ait jamais écrit. Des orchestrations à cordes élégantes, une mélodie feutrée, le chant tout en retenue de Thom et la magie opère, envoûtante et onirique... On enchaîne avec l'angélique et bondissante ballade "Reckoner" puis son prolongement naturel : "House of cards", deux titres peut-être un peu moins intenses que les précédents mais plus brit-pop. Réverb lumineuse, mélodie somnambule d'une fulgurante matûrité, pop-song soyeuse au final post-rock céleste, Les cinq d'Oxford peuvent tout faire avec une classe folle. Sauf peut-être composer un single qui soit efficace qu'attendu. "Jigsaw falling into place" est donc le morceau considéré comme le plus radiophonique mais de fait, le plus convenu. Une guitare sèche, un tempo particulièrement enlevé et un chant, moins aigü que d'ordinaire mais un résultat assez.... basique, surtout quand on sait ce qui nous attend pour refermer cet In rainbows. "Videotape"... Un frisson nous parcourt l'échine, le groupe nous a réservé un ultime chef-d'oeuvre. Un piano, une batterie légère, une mélodie et Radiohead accouche d'une véritable merveille que l'on écoute encore et encore juste pour s'assurer que l'on est pas en train de rêver. Puis après 4'39 le silence emplit la pièce et c'est complètement secoué que l'on peut appuyer sur "replay". In rainbows, c'est finalement l'histoire de cinq musiciens hors pairs enfermés d'interminables mois dans un studio pour enfanter dans la douleur de l'un des plus beaux albums des quinze dernières années. Chapeaux-bas...