Rock Rock > The Psychotic Monks

Interview : The Psychotic Monks, L'interview chirugicale rose (juin 2023)

Interview : The Psychotic Monks, L'interview psychotique (nov. 2019)

The Psychotic Monks / Chronique LP > Pink colour surgery

The Psychotic Monks - Pink Colour Surgery Décidément, les Psychotic Monks sont toujours là où on ne les attend pas. Après un premier album puisant dans des influences garage-stoner-psyché, un deuxième montrant un penchant pour les ambiances sombres et bruitistes facturées par un travail mélodique hors-normes, le quatuor parisien dégaine en février dernier un troisième LP prenant une nouvelle direction (par paresse, certains diront "post-punk", le groupe a l'air d'ailleurs de s'en amuser avec son titre "Post-post-") portée par une esthétique sonore très (r)affinée, qui plaira sans hésitation aux passionnés de musiques expérimentales.

Pink colour surgery est une décoction de rock brut, puissant et intense avec un tonus démonstratif devenant de plus en plus rare de nos jours sur la scène indépendante française, une scène qui, avouons-le, s'emploie de moins en moins de manière générale à provoquer le "risque émotionnel". La conséquence d'une course forcée aux clics ("like", "follow", "abonne-toi"...) pour prétendre pouvoir par exemple être programmé dans des salles, être signé ou tout simplement être (re)connu. The Psychotic Monks a compris et prouve ici qu'être le reflet de soi-même sur un disque était primordial pour qu'on puisse les prendre au sérieux et considérer la musique pour ce qu'elle est : une œuvre réfléchie, sensée, viscérale, honnête, puissante, sensible, et donc par conséquent, crédible. Parfois, ça passe, parfois, ça casse.

Ce nouvel album rassure sur ce point, et c'est justement ce qui le caractérise. Ça aide au minimum à entreprendre la démarche de le découvrir, au maximum d'essayer globalement de le comprendre et de prendre un pied fou à l'écouter. Comme souvent dans une œuvre conceptuelle, Pink colour surgery est composé de sept morceaux entrecoupés de cinq intro/outro/interludes qui permettent de passer d'une ambiance à une autre sans être brutalisé, des moments de répit en quelque sorte au sein desquels des conceptions abstraites s'expriment (parties d'ambient, mixages sonores bizarres, sonorités d'objets non identifiés...). Mais celles-ci sont également bien présentes au sein même des morceaux. Car les Parisiens s'offrent cette chance d'inclure dans leurs compos des sonorités variées pour appuyer leurs propos. "Crash", l'une des meilleures pistes de l'album, en est une belle illustration. Ce dernier d'obédience electro-indus (donc a priori, rien à voir avec le rock) évoque l'angoisse et la santé mentale des musiciens partant en tournée, on se retrouve alors plongé dans des vagues tortueuses et frénétiques, aux rythmiques mécaniques faisant penser à la fois à Suicide (pour la première partie) et Laibach (pour la deuxième), pour ne citer qu'eux. "Gamble and dangle", au contraire, exprime une forme de neurasthénie aux vocalises malsonnantes devenant rageuses sur une base rythmique répétitive. Quand "Imagerie" repose l'esprit par son chant fragile et doux, "All that fall" expose sa rage et sa souffrance pendant 10 minutes à la manière d'un Gilla Band (au passage, sachez que leur bassiste a produit ce disque) et démontre encore une fois l'inclination du groupe à l'itération.

Je vais éviter de trop rentrer dans le descriptif, mais avec ces quelques données précédentes je pense vous avoir assez donné quelques clés pour vous décider de sauter le pas et de plonger dans cet album parfait dans l'imparfait, mais surtout dont l'audace nous brusque l'esprit. Nous sommes en 2023, et je suis convaincu que si Pink colour surgery était sorti il y a 20 ou 30 ans, à l'époque où l'objet disque avait encore une valeur pour les gourmands en musique, on en parlerait encore aujourd'hui. Je ne déconne pas !

Publié dans le Mag #56

The Psychotic Monks / Chronique LP > Private meaning first

The Psychotic Monks - Private meaning first Après les très belles louanges faites il y a deux ans aux Psychotic Monks par notre collègue Élie lors de la sortie de leur premier LP, Silence slowly and madly shines, difficile de jouer au jeu de la surenchère vis-à-vis de la chronique de leur deuxième album, tant il est au moins aussi abouti et bon que son prédécesseur. Il avait d'ailleurs bien raison à l'époque d'avertir nos lecteurs que nous allions surveiller ça de très près, sinon nous aurions vraiment loupé quelque chose. Toujours est-il que ce groupe parisien est tout juste époustouflant quand on regarde le bilan de ses quatre années d'existence. Cette suite, nommée Private meaning first, débarque donc à la fin mars mais c'est réellement cet été, en ayant vu le groupe en spectacle, qu'on a pris la réelle mesure de ce, disons-le sans honte, chef d'œuvre. Divisé en deux chapitres clos par un épique épilogue de quinze minutes, ce disque est caractérisé par une densité assez étouffante. Ce qui n'est pas pour nous rebuter, bien au contraire.

Maîtres d'ambiances ambivalentes, toujours en servant le propos à la manière d'un opéra, The Psychotic Monks débute son acte par une atmosphère apathique, sombre et lourde qui progressivement s'oriente vers un "isolation", proche d'ailleurs du travail de Disappears, avec des guitares à la fois tranchantes et massives. La formation commence alors à montrer progressivement ses penchants pour le rock bruitiste et le riffing stoner qu'on retrouve sur l'excellent "A coherent appearence". Le substrat musical sert réellement la narration, comme sur ce "Minor division" où les paroles sont bien mises en valeur avant que le tout ne soit embarqué dans un marasme sonore complètement sursaturée, comme s'il n'y avait plus rien à dire. Le premier chapitre s'éteint brutalement.

Le chapitre deux s'ouvre avec "Emotional disease", titre d'une clarté étonnante (par rapport à ce qu'on s'est bouffé avant), et d'un psychédélisme 70's tortueux. Les mélodies sont belles et le tout prend une ampleur vaporeuse assez jouissive. À côté, "Confusions" et "Closure" sont beaucoup plus urgentes et intenables. Le quartette est encore à l'apogée de son expérimentation, entre méthodes itératives et cassures rythmiques. Le troublant "A self claimed regress" nous rappelle combien les Swans (mais pas que) ont dû inspirer nos jeunes moines psychotiques. Le dernier quart d'heure de l'album est réservé à ce fameux épilogue dont on parlait plus haut, un poignant morceau chanté par une âme écorchée et lourde, comme si tout était difficile à sortir, sans réussir à faire trembler ces nappes qui, derrière, habillent le tout. La tension monte progressivement, l'âme s'envole. Ce disque gorgé d'une belle noirceur est terminé et les esprits sont difficiles à retrouver à cet instant précis. C'est comme si The Psychotic Monks avait sorti son The dark side of the moon. Une belle démonstration.

Publié dans le Mag #40

The Psychotic Monks / Chronique LP > Silence slowly and madly shines

The Psychotic Monks - silence Autant vous l'admettre tout de suite, parce qu'après tout l'objectivité dans cette discipline on s'en fout : il s'agit de l'album de rock le plus excitant que votre humble chroniqueur ait eu l'occasion d'écouter depuis un bail. C'est la gifle qui sors de nul part. Et française avec ça, la gifle, madame !

The Psychotic Monks c'est un quatuor joyeusement barré et talentueux qui a sorti son premier album en avril dernier (et qui est honteusement passé sous nos radars). Et il y aurait fort à parier qu'on a pas fini d'entendre parler d'eux dans les années qui viennent sur la scène hexagonale.

Silence slowly and madly shines, non content d'avoir un titre superbe, est un incroyable maelstrom d'influences aussi improbables que magnifiques. On sera bien obligé, pour vous lâcher une étiquette, de vous dire qu'on parle ici de stoner rock. Mais ce serait quand même méchamment réducteur tant les moines empruntent à Mudhoney, à Ty Segall ou aux Thee Oh Sees, aux Pink Floyd ou aux Stooges.

On sent également une patte à la Nick Cave dans la construction d'un univers aussi intriguant que passionnant. Le groupe déborde de créativité et d'idées, ça transpire par absolument tous les pores d'une prod aussi granuleuse et puissante qu'équilibrée.

Possédés par la fuzz, le grunge et les nappes à la Richard Wright, les mecs ne s'interdisent rien et pourtant maîtrisent tout du début à la fin. De la poésie discrète mixée avec une énergie folle. Une propension au progressif doublée d'une efficacité à toute épreuve. Une brutalité sauvage accompagnée d'un romantisme classe. L'écoute de Silence slowly and madly shines est une aventure en soi. On ne s'emmerde pour ainsi dire jamais dans ce récit séquencé en quatre parties distinctes et qui s'avale pourtant d'une traite.

Quelques passages transcendent totalement, comme le magnifique et touchant "When I feel" (allez checker la version acoustique sur Youtube) ou le redoutable et écrasant "The bad and the city solution". Les musiciens sont excellents en tout point et servent leur propos jusqu'au bout. Dernière chose assez rare pour être remarquée également : les Psychotic Monks savent faire parler leur talent sans en faire des caisses, comme en témoigne la sobre pochette de l'album.

L'occasion - en attendant de les voir sur scène (de nombreuses dates programmées un peu partout) ou un éventuel deuxième album - d'aller réécouter les deux précédents EPs du groupe, qui annonçaient déjà l'avènement d'un groupe singulier et passionnant. Nous, on va surveiller ça de très près !

Enjoy beaucoup !