The Psychotic Monks - Pink Colour Surgery Décidément, les Psychotic Monks sont toujours là où on ne les attend pas. Après un premier album puisant dans des influences garage-stoner-psyché, un deuxième montrant un penchant pour les ambiances sombres et bruitistes facturées par un travail mélodique hors-normes, le quatuor parisien dégaine en février dernier un troisième LP prenant une nouvelle direction (par paresse, certains diront "post-punk", le groupe a l'air d'ailleurs de s'en amuser avec son titre "Post-post-") portée par une esthétique sonore très (r)affinée, qui plaira sans hésitation aux passionnés de musiques expérimentales.

Pink colour surgery est une décoction de rock brut, puissant et intense avec un tonus démonstratif devenant de plus en plus rare de nos jours sur la scène indépendante française, une scène qui, avouons-le, s'emploie de moins en moins de manière générale à provoquer le "risque émotionnel". La conséquence d'une course forcée aux clics ("like", "follow", "abonne-toi"...) pour prétendre pouvoir par exemple être programmé dans des salles, être signé ou tout simplement être (re)connu. The Psychotic Monks a compris et prouve ici qu'être le reflet de soi-même sur un disque était primordial pour qu'on puisse les prendre au sérieux et considérer la musique pour ce qu'elle est : une œuvre réfléchie, sensée, viscérale, honnête, puissante, sensible, et donc par conséquent, crédible. Parfois, ça passe, parfois, ça casse.

Ce nouvel album rassure sur ce point, et c'est justement ce qui le caractérise. Ça aide au minimum à entreprendre la démarche de le découvrir, au maximum d'essayer globalement de le comprendre et de prendre un pied fou à l'écouter. Comme souvent dans une œuvre conceptuelle, Pink colour surgery est composé de sept morceaux entrecoupés de cinq intro/outro/interludes qui permettent de passer d'une ambiance à une autre sans être brutalisé, des moments de répit en quelque sorte au sein desquels des conceptions abstraites s'expriment (parties d'ambient, mixages sonores bizarres, sonorités d'objets non identifiés...). Mais celles-ci sont également bien présentes au sein même des morceaux. Car les Parisiens s'offrent cette chance d'inclure dans leurs compos des sonorités variées pour appuyer leurs propos. "Crash", l'une des meilleures pistes de l'album, en est une belle illustration. Ce dernier d'obédience electro-indus (donc a priori, rien à voir avec le rock) évoque l'angoisse et la santé mentale des musiciens partant en tournée, on se retrouve alors plongé dans des vagues tortueuses et frénétiques, aux rythmiques mécaniques faisant penser à la fois à Suicide (pour la première partie) et Laibach (pour la deuxième), pour ne citer qu'eux. "Gamble and dangle", au contraire, exprime une forme de neurasthénie aux vocalises malsonnantes devenant rageuses sur une base rythmique répétitive. Quand "Imagerie" repose l'esprit par son chant fragile et doux, "All that fall" expose sa rage et sa souffrance pendant 10 minutes à la manière d'un Gilla Band (au passage, sachez que leur bassiste a produit ce disque) et démontre encore une fois l'inclination du groupe à l'itération.

Je vais éviter de trop rentrer dans le descriptif, mais avec ces quelques données précédentes je pense vous avoir assez donné quelques clés pour vous décider de sauter le pas et de plonger dans cet album parfait dans l'imparfait, mais surtout dont l'audace nous brusque l'esprit. Nous sommes en 2023, et je suis convaincu que si Pink colour surgery était sorti il y a 20 ou 30 ans, à l'époque où l'objet disque avait encore une valeur pour les gourmands en musique, on en parlerait encore aujourd'hui. Je ne déconne pas !