Ça doit être l'un des groupes de rock français les plus excitants du moment, depuis la sortie en mars de leur Private meaning first sur le label Vicious Circle. The Psychotic Monks sont en constant apprentissage, mais depuis 2015 les parisiens font déjà preuve d'une maturité hors du commun et d'une honorable humilité qu'on apprécie dans le terrier. Très occupé actuellement, le quatuor a pris grand soin à répondre à nos questions.
The Psychotic Monks, c'est avant tout une histoire de vieux potes ? ou des rencontres fortuites ?
C'est avant tout une histoire d'êtres humains qui se connaissent depuis un bout de temps, qui ont passé énormément de temps ensemble, à discuter, à débattre, à imaginer des choses, à faire des erreurs, à vivre des trucs fous et absurdes. Deux d'entre nous sont frères, mais en fait, on est tous les quatre plus ou moins une famille maintenant. Une micro-sociéte, qu'on essaie de rendre la plus démocratique, libre, et bienveillante possible.
The Psychotic Monks, c'est pour tous votre activité principale désormais ? Car quand je vois ce que vous produisez depuis vos débuts (3 Eps + 2 albums en 7 ans), c'est assez incroyable.
Oui, depuis maintenant trois ans, on y est à temps plein. On a d'abord commencé par avoir des petits boulots, puis on a eu le droit au chômage alors on s'est dit que c'était le moment de foncer, de manger des pâtes pendant deux ans et de tout tenter pour ce groupe. Puis si au bout de deux ans, il faut retrouver un boulot pour continuer, et bien on le fait, et si ça s'arrête, c'est pas grave, au moins on aura vécu ça à fond, pendant deux ans.
Et puis les choses ont évolué, ont pris beaucoup d'ampleur, c'était complètement inattendu pour nous mais, depuis peu, on en vit. On n'est plus au chômage et on vit en faisant cette musique sur scène. C'était inimaginable pour nous, et c'est une grande chance, alors on essaie de vivre tout ça de la meilleure manière possible, de s'emplir de chaque expérience, de prendre tout ce qu'il y a de vivant à y prendre.Toutes ces expériences vécues depuis notre première tournée en 2016 nous changent, nous emplissent de nouvelles idées et matières à exprimer, on découvre beaucoup de musique, et il faut que ça sorte, c'est donc un peu pour ça qu'on continue aussi tout le temps à composer de nouveaux morceaux.
Private meaning first est sorti en mars dernier, vous devez avoir assez de recul désormais pour nous dire comment il est perçu par le public. Est-ce que votre tournée est un succès, c'est complet souvent ?
On n'a jamais assez de recul, il y en a encore certains d'entre nous qui ne l'avons pas réécouté depuis sa sortie, on a tellement été dedans pendant des mois, ça a été une expérience d'une grande intensité de sortir ce disque, pour le meilleur et pour le pire. Au moment de sa sortie, on hésitait entre le sortir ou le jeter. On n'en pouvait plus. Finalement il est sorti, et ça nous parait une éternité, et en même temps on a l'impression que c'était hier.
Ce qui nous a étonné, c'est justement de s'apercevoir de la manière dont les gens se le sont appropriés, se l'approprient, on a pu lire beaucoup de choses à son propos, rencontrer des gens à l'occasion de concerts qui nous en ont beaucoup parlé, et a chaque fois, c'était comme si on découvrait une nouvelle facette de ce disque.
En fait, c'est comme si on avait livré une matière brute, que les gens pouvaient s'approprier et transformer à leur guise, le disque n'est plus à nous, il est à tous et toutes celles et ceux qui le prennent, le vivent à leur manière, et le transforment en leur propre expérience. Enfin, c'est comme ça qu'on le voit.
Notre tournée n'est pas un succès, parfois on vide des salles, mais parfois les salles sont pleines et les gens nous donnent énormément d'énergie, et c'est incroyable pour nous de vivre ça. Mais surtout, parfois après un concert, quelqu'un vient nous parler et nous dit que ça lui a fait du bien, et ça, ça n'a pas de prix, ça arrive de plus en plus, et ça nous sauve. Les tournées ont beau être parfois éreintantes, savoir qu'il est possible que ça fasse du bien à des gens, c'est génial, c'est ce pour quoi on continue à faire ce qu'on fait.
Est-ce que vos deux albums ont été composés/écrits de la même manière ? Et si non, en quoi Private meaning first est-il différent de Silence slowly and madly shines ?
Ils ont été composés différemment. Pour Private meaning first, on est parti d'abord s'isoler dans une maison au milieu de rien pendant 3 semaines, pour composer le disque. Puis on a pu aller l'enregistrer dans un superbe studio, car c'est aussi le premier disque qu'on fait accompagnés par un label. Et puis, le simple fait qu'on change, qu'on découvre sans arrêt de nouvelles musiques, de nouveaux films, de nouveaux livres, ça nous influence sur nos manières de travailler.
On ne saurait trop dire en quoi ils sont différents, si ce n'est que les êtres humains à leur origine ont changé entre temps.
Votre dernier album est partagé entre deux chapitres et un épilogue. Ça me fait penser aux ciné-concerts que font pas mal de groupes dès qu'ils en ont l'occasion. Pensez-vous pouvoir adapter cet album sur un film existant ou non. Ou plus généralement, est-ce que l'expérience du ciné-concert, c'est dans un coin de vos têtes ?
C'est cool que ça te fasse penser à ça, car effectivement on a beaucoup d'images, de peintures, de cinéma en tête quand on fabrique un disque. Oui, ça doit être possible, mais ce qu'on préférerait, ce serait carrément composer une musique pour un film. L'expérience du ciné-concert est envisageable, bien sûr, comme toute expérience qui entremêle plusieurs formes d'expressions. On a envie de tenter de sortir des concerts "traditionnels" et de proposer des expériences différentes aux spectateurs.
Le groupe Disappears, ça vous dit quelque chose ?
Ça nous dit quelque chose, mais on n'est pas allé écouter, il nous semble qu'on nous en a déjà parlé.
Et les Swans ?
Alors là, oui. On a énormément écouté, et on rêve de les voir en live un jour. Ils ont ouvert des portes.
J'ai remarqué que vous tournez avec des groupes aux styles complètement différents. Est-ce que c'est quelque chose qui vous dérange ou pas ? Comment ça se passait à l'époque où vous jouiez en première partie de groupes aux styles différents du vôtre ?
Non, ça ne nous dérange pas du tout, au contraire, plus on peut briser les barrières entre les esthétiques, mieux c'est. On a souvent tendance à trop vouloir tout ranger dans des cases. C'est bien de repousser les normes et de proposer des plateaux étranges, pas forcement cohérents sur le papier. Ça ne peut générer que de l'ouverture, il nous semble.
Y a-t-il des groupes avec qui vous avez tourné cette année que vous pouvez chaudement nous recommander ?
Il y en a beaucoup. Ça serait embêtant de les citer ici, on en oublierait.
Il y a les Américains de KEXP qui sont venus aux Transmusicales vous filmer pour une belle session live en 2018, c'était la première représentation des nouveaux morceaux en live ? Je me disais que vous étiez surement en train de réfléchir à l'idée de jouer en Amérique du Nord, non ?
C'était effectivement une première pour l'un des morceaux de la session. On avait un sacré trac car on suit cette chaîne depuis quasiment le début du groupe. Oui, on aimerait beaucoup aller jouer là-bas, mais autant que dans d'autres pays. Plus on joue ailleurs, plus on découvre de nouvelles musiques, de manières de penser, et plus on grandit.
La chose la plus difficile pour un musicien, selon vous ?
Le mythe de Sisyphe peut-être, tout recommence tout le temps, chaque soir, et on peut parfois perdre le sens. Ça peut devenir très absurde.
Et la chose la plus facile pour un musicien... ?
Alors là, je ne sais pas quoi répondre. Ça doit dépendre des musiciens. Peut être que la chose la plus facile pour un musicien, c'est de céder à un besoin de comparaison avec d'autres, alors que c'est absurde de se comparer, chaque projet est différent et souvent ça génère plus de souffrances qu'autre chose.
Votre dernière lubie ?
On a réinstallé une version de Warcraft III sur notre ordinateur, et ce jeu est vraiment dingue !
On aimerait bien faire des LAN-parties mais on n'arrive pas à trouver le temps en ce moment !
Si vous ne deviez faire qu'une reprise d'une chanson, ce serait laquelle ?
C'est impossible comme question mais je répondrais : Brassens, "La non-demande en mariage"
Au fait, vous avez pu récupérer votre matos à Mains d'œuvres ? J'ai appris la mauvaise nouvelle concernant ce lieu magnifique, vous pouvez nous en dire un mot ?
Oui, on a pu récupérer notre matériel, on a eu beaucoup de chance. Ce qui est terrible, c'est pas pour nous, c'est surtout pour celles et ceux qui ont construit cet endroit génial.
En un mot ? Capitalisme.
Pour finir, c'est quoi l'avenir des Psychotic Monks, dans un futur plus ou moins proche ?
On va surement beaucoup voyager l'année prochaine, continuer à vivre, et à découvrir, ensuite on verra bien.
Merci à Guillaume de Vicious Circle