Si tu ne connais pas Portugal. The Man, en décortiquant l'artwork de Woodstock, qui compile les symboles Portugal + The Man + Woodstock + une Rolls Royce en flammes, tu pourrais imaginer un chanteur reprendre le répertoire fado en mode rock psychédélique sous LSD, hurlant des textes anticapitalistes à vouloir foutre le feu à tout signe ostentatoire de richesse. Eh ben alors pas du tout. C'est peut-être parce que Portugal. The Man, propose un tutti frutti electro hip hop pop rock assez difficile à cerner, qu'il choisit également de casser les codes visuels et sémantiques. La composition de Portugal. The Man, groupe US originaire d'Alaska, est tout aussi compliquée à définir puisque de leur début en 2000, il ne reste que deux membres fondateurs : John Baldwin Gourley au chant / guitare et Zachary Carothers à la guitare basse. Pour cet album, ils sont complétés par Kyle O'Quin au clavier, Eric Howk à la guitare et Jason Sechrist à la batterie.
Pour ce huitième album studio, produit en partie par Mike D des Beastie Boys, excusez du peu, si l'on excepte la ballade « So young » un bref trop simpliste en comparaison des autres titres, Portugal. The Man propose 10 titres electro pop, indie rock, riches en incongruités et recherches sonores. Les chants additionnels et les refrains en polyphonie sont nombreux, les claviers sont bien présents et envahissants, la section rythmique bien appuyée, on cherche souvent la guitare. Bref, adeptes des morceaux instrumentaux minimalistes et fans de guitar hero, passez votre chemin.
Mais ce serait bien dommage, car Woodstock est comme une assiette de profiteroles au chocolat dégoulinant excessivement sur des choux brillants gonflés de glace sucrée. A première vue, on pense pouvoir juste s'enfiler un choux ou deux, et on se surprend à essuyer les restes de chocolat une fois l'assiette terminée. Parmi les choux savoureux que nous ont concocté Portugal. The Man on peut goûter au titre « Number one » hommage au chanteur et guitariste Ritchie Havens qui enflamma le Woodstock de 1969 avec le titre "Motherless child", réinterprété ici avec une basse plombée. On gobe ensuite « Easy tiger » qui sonne comme un sample de C2C, on croque le single de l'album « Feel it still », très groovy, aux airs de leurs collègues Electric Guest. On peut même trouver une guitare qui s'énerve (un peu) sur « Keep on », mais ça reste rare. Woodstock se termine sur « Noise pollution » avec la chanteuse/actrice Mary Elizabeth Winstead (scream Queen à l'écran, beaucoup plus mesurée au micro), qui revient sur les attentats à Paris, l'hallucination ambiante, la résistance au terrorisme lâche.
Bref, Woodstock est un bon dessert, assez chargé en sucre, aux multiples saveurs, mais qui cache une noirceur dans des textes sombres, qui traitent plus de souffrance, de solitude, et du temps qui s'échappe et se consume... comme une Rolls Royce en feu.
Publié dans le Mag #29