Pneu - Destination qualité Dire que ce nouvel album était attendu est un euphémisme tant le groupe a su séduire les "noiseux" exigeants et les autres aussi par le biais de deux disques fantasques, percutants et marquants (Pince monseigneur et Highway to health) mais aussi par des performances (l'utilisation de ce mot n'est pas innocent...) lives délicieusement régressives. Quid du duo en 2015 ? Le groupe continue de proposer du Pneu pur-jus tout en sur-développant (oui, ils ont enclenché la vitesse Pneu 2.0...) cette évolution notée sur Highway to health : les fulgurances math-punk des débuts laissent de plus en plus la place à des compositions chiadées et d'une densité nouvelle, "Gin tonique abordable" dure par exemple 9 minutes et accumule les idées par palette de 12, ça bastonne toujours mais avec des intentions différentes, la débauche d'énergie se révèle beaucoup plus sinusoïdale. Au lieu de donner un seul uppercut qui aboutira au K.O comme sur le cinglant Pince monseigneur et bien souvent sur Highway to health, le groupe s'amuse à jouer à la poupée vaudou avec nos oreilles, enfonçant des aiguilles là ou ça fait du bien (et mal à la fois, sinon c'est pas fun...), pour un résultat vraiment passionnant et jouissif.

Les deux premiers titres mettent les points sur les i avec des pistes ravageuses : on est de suite grisé par les élucubrations math-efficace et il s'agit là d'une reprise de contact en forme d'accolade joyeuse et de bisous-bisous qui sied parfaitement à l'auditeur ayant adoré Highway to health. La quatrième piste, "Gin tonique abordable", c'est une autre paire de manche, le morceau s'amuse à jouer avec les nerfs, on hypnotise les oreilles pour mieux les fracasser par la suite avec une baston guitare/batterie du feu de dieu. RIP l'auditeur de Destination qualité. Et si t'es encore vivant après ce titre, il reste encore du bel ouvrage à subir, telle que "The biggest, the ankle" ou Pneu revêt un nouvel apparat : un morceau free, déstructuré, déroutant qui s'enchaîne parfaitement avec le morceau suivant. Et comme succéder à Eugene Robinson (Oxbow), c'est pas évident, c'est un autre cador du micro qu'ils ont recruté avec Pete Simonelli d'Enablers et le résultat est à la hauteur de l'association : vénéneux, sinueux et foutrement jubilatoire.

Trouver un moment passable ou ennuyeux dans Destination qualité en revient à chercher avec qui Dave Grohl n'est pas ami dans le bizness rock américain (sic). C'est dire l'excellence de cette galette. Et comme le groupe va tourner assidûment pour promouvoir ce putain de disque, si tu les rates, c'est que t'es vraiment une grosse tanche. Mais vraiment une grosse. Alors ne soit pas une tanche s'il te plait.