A Place to Bury Strangers - Worship On le sait : à chaque nouvelle offrande signée A Place to Bury Strangers, on a fatalement droit à une claque évidente qui laisse les postérieurs et les tympans conjointement rougis par l'intensité de la déflagration et son effrayant cadencement métronomique (entre autres joyeusetés). Sans grande surprise, Worship, la nouvelle torpille des new-yorkais désormais signés chez Dead Oceans (Akron/Family, John Vanderslice, The Tallest Man On Earth...), fait suite à l'album-punchline Exploding head puis à l'EP Onwards to the wall paru il y a seulement quelques semaines, et déboule donc avec, comme à chaque fois, cette foudroyante capacité à tout retourner sur son passage.

La preuve dès les premiers instants de cette démonstration de force incontestable avec un "Alone" inaugural qui ne prend pas son temps pour mettre l'auditeur la tête sous l'eau. Les arrangements claquent comme jamais et APTBS enterre du même coup le vieux fantasme Joy Division (auquel on les compare invariablement) pour délivrer un cocktail hautement addictif de noise tellurique et de cold-wave robotique qui distribue les paires de baffes comme d'autres enfilent des perles. Un résultat super-sonique qui fait vibrer le sismographe comme jamais jusqu'à distordre les sons pour lacérer les enceintes jusqu'au sang (l'implacable "You are the one") et faire de ce Worship ce qu'il est, à savoir une implacable abrasion sensorielle. Comme à leur habitude, les américains laissent brutalement s'entrechoquer les décibels jusqu'à froisser les membranes auditives de l'intelligentsia indie engoncée dans son confort porté par les vagues de la hype et le font avec un plaisir coupable qu'on leur envie bien volontiers.

Une bruyante et sauvage incandescence rock qui, sur le clinique "Mind control" ou le ténébreux "Worship" éponyme, permet à A Place to Bury Strangers de s'adonner à un véritable chaos organisé. Une œuvre où la maîtrise du sujet est totale, le groupe allant jusqu'à créer par lui-même ses pédales d'effets et, en même temps, un espace d'expression dans lequel il peut aussi s'abandonner (quitte à verser parfois dans une certaine répétitivité) afin de laisser ses compositions se développer par elles-mêmes. Une manière de se réinventer peu à peu pour le groupe qui dès lors lance des attaques massives sur les enceintes et dévore la platine en usant de l'urgence d'un "Leaving tomorrow" comme de la fougue de "Why I can't cry anymore" sans parler de la puissance tellurique de "Revenge", quelque part entre un Jesus and Mary Chain post-moderne et un My Bloody Valentine qui se serait fait une injection d'adrénaline.

Ravageur.