PJ Harvey a décrit The hope six demolition project (2016) comme un album difficile à écrire. Il s'en est suivi pour elle une période de remise en question de sa carrière musicale. Cette travailleuse acharnée aura tout de même fait quelques musiques pour le monde du théâtre ou du cinéma. Ceci dit, elle se tient loin des studios pour une durée de sept ans. Peut-être lassée de réviser ses classiques, elle se lance dans un nouveau projet d'album : I inside the old year dying. Polly Jean Harvey met un terme à sa longue collaboration avec le label Island Records - Universal et s'oriente cette fois vers un label indépendant : Partisan Records. Puis, elle va chercher deux amis qui vont participer à la production et en tant que musicien. Le premier est Mark Ellis. Plus connu sous le nom de Flood, cet artiste a un carnet de collaborations long comme le bras. PJ Harvey a fait appel à lui sur six albums : To bring you my love (1995), Is this desire ? (1998), White chalk (2007), A woman a man walked by (2009), Let England shake (2011), The hope six demolition project (2016). Le second est un peu celui qui a découvert son talent. Il s'agît de John Parish avec qui elle forme un groupe au début de sa carrière. Par la suite, elle a signé deux albums collaboratifs avec lui : Dance hall at louse point (1996) et A woman a man walked by (2009).
I inside the old year dying se lance sur une sirène étouffée par le rythme lent de "Prayer at the gate". La chanteuse perche sa voix dès les premiers instants. Elle survole la section instrumentale sans crier un seul instant. La mélodie est apaisante et donne un peu le ton de cet album. Sur "Automn term", PJ Harvey chante sur deux pistes tandis que guitares et percussions assurent tranquillement leurs parties en fond. Sur l'intervention du synthé, PJ Harvey laisse sa place à des enfants qui semblent chanter depuis une cour d'école. À peine soutenue par une guitare acoustique au début du morceau, la chanteuse reprend sa voix aiguë sur "Lwonesome tonight". Une petite multitude d'instruments viennent ensuite s'ajouter pour faire monter le morceau en intensité. Pour la première fois, il est possible de distinguer un "Love me tender" dans les paroles. Un emprunt volontaire à Elvis Presley pour laisser planer sa figure sensuelle. Ces mots sont par la suite un véritable leitmotiv au fil de l'album. Pas de doute possible, I inside the old year dying parle bien d'un désir d'amour.
L'amorce de "Seem an I" est intéressante. PJ Harvey semble isolée comme si elle chantait pour elle-même. Quelques bruits de moutons et de vents sont ajoutés pour créer un décor sonore. C'est une pratique qu'elle utilise beaucoup dans cet album. Si certains de ces enregistrements sortent de bibliothèques, d'autres sont complètement du fait maison. "The nether-edge" possède aussi une amorce qui interpelle. En effet, il se lance sur un chant fantomatique. Si les deux pistes retrouvent un chemin mélodique, il est possible de sentir que les expériences ont fait partie du travail de conception de ce projet. Par le passé, PJ Harvey a déjà brillé le temps de duos. Ceux avec Nick Cave & The Bads Seeds (1996 - Murder ballads), Thom Yorke (2000 - Stories from the city, stories from the sea) ou le regretté Mark Lanegan (2004 - Bubblegum) auront sans doute marqué les esprits. I inside the old year dying marque à nouveau le retour de cette pratique. L'acteur Ben Wishaw intervient sur "A child's question, august" et sur "August" avec une voix grave et profonde. Il semble apporter une réponse à ce fameux "Love me tender". Un autre acteur anglais intervient également : Colin Morgan. Il arrive sur le refrain du titre phare "I inside the old year dying" pour mêler sa voix à celle de la chanteuse. La tendre petite ballade prend des allures de magie. Il vient également poser une voix parlée sur "A child's question, july", un morceau qui ressemble à un galop rassemblé, une rage contenue. Quelques guitares viennent grincer sur "A noiseless noise". Si PJ Harvey est toujours une enfant sauvage, elle propose tout de même une fin en douceur. Une guitare et des bourdonnements d'insectes nous guident vers la sortie. Sept ans de silence, c'est long. L'artiste a pris le temps. Avec I inside the old year dying, elle a pu innover, sortir de sa zone de confort. C'est cela qui est remarquable. Et si cela tombe dans vos oreilles, laisser vous guider les yeux fermés. La maturité lui permet de nous proposer un album calme, tendre et superbe.
Publié dans le Mag #57