PinioL est la réunion complète de deux formations rock du bassin lyonnais à l'humour perceptible que sont Ni et PoiL. Un monstre à sept têtes avec deux batteries, deux basses, deux guitares et deux claviers (ces derniers sont joués par une seule personne), ça en impose comme ça (surtout avec le background des gaziers) et encore plus en live où la bête est terriblement féroce. Testé et plus qu'approuvé ! Après deux ans de travail, cet orchestre maléfique livre Bran coucou, un premier album totalement farfelu signé chez la famille Dur et Doux comptant sept titres, comme leur nombre, on imagine alors que chacun de ses membres doit être l'auteur de son propre titre. Et ça se ressent tant les morceaux ont leurs propres couleurs, même si les fantômes de Ni (plus technique et saccadé) et PoiL (plus fou) se manifestent quelques fois dans cette œuvre regorgeant de soubresauts insoupçonnables.
Pour prendre la mesure de leur art, pas de solution miracle, il suffit simplement de le vivre en branchant votre casque ou en mettant votre hi-fi en marche et de vous laisser guider par ce langage musical qui est à l'image de ses membres : sans frontière et multiple. PinioL vous invite à vous abandonner en concoctant un programme minutieusement préparé pour votre organe central comportant des schémas sonores à la fois labyrinthiques ("Mimolle", "François 1er") et progressifs ("Pilon bran coucou", "Shô shin") tout en faisant preuve de fausse retenue comme ce final qui met sur "Orbite". Après plusieurs écoutes, Bran coucou se dévoile peu à peu à nous-mêmes, par paliers car ses morceaux, pour la plupart très longs, paraissent incompréhensibles de prime abord. Comme ces chants d'école dadaïste où se croisent le yaourt, le latin, l'italien ou l'anglais, PinioL en fait de même avec sa musique. Difficilement identifiable, elle s'acoquine aussi facilement à du math-rock (avec des cassures de rythmes totalement croustillantes) qu'à du jazz-core (sans le sax mais avec des claviers) en passant par du post-rock ou bien du rock progressif énervé et avant-gardiste dans le genre de Sleepytime Gorilla Museum. Bref, on ne s'ennuie jamais si on prend le temps de saisir les nombreuses subtilités de ce Bran coucou tourmenté par les contre-pieds.
Pendant que certaines formations dites "expérimentales" passent davantage de temps à s'écouter jouer plutôt que de concevoir de l'art pour un public, PinioL vise dans le mille avec son écriture d'une intelligente complexité et sa justesse technique hors norme, comme si ses musiciens étaient nés du même œuf... Une performance rare en France.
Publié dans le Mag #33