Love everywhere est très certainement l'album sorti en 2021 qui m'a le plus séduit. Le duo lyonnais Pili Coït composé, on le rappelle, de la chanteuse et percussionniste (pour l'occasion) Jessica Martin Maresco (ICSIS, Le Grand Sbam, Saddam Webcam et récemment Ez3kiel) et de son acolyte Guilhem Meier (batteur de PoiL, PinioL, Ukandanz, LFant) à la guitare et au chant, poursuit son aventure grâce à un deuxième album aussi aventureux que jouissif. Cette formation a la particularité de voir les deux prendre le contrôle d'instruments qui ne sont pas forcément ceux qu'ils utilisent habituellement. Le danger, les deux connaissent bien cela : il suffit d'écouter leurs discographies (dont certains groupes complètement barrés qu'ils partagent en commun comme ICSIS ou Le Grand Sbam), pour s'en rendre compte, et le moins qu'on puisse dire est que Pili Coït n'échappe pas à la règle.
Faire de la musique en duo demande une extrême vigilance, surtout lorsqu'elle est exigeante. Jessica doit gérer de son côté le chant et un ensemble de percussions (tom basse, bidon, synthé-drum, de pédales d'effets, et tambourin), tandis que Guilhem doit arriver à synchroniser son chant avec ses parties de guitares. Sauf qu'ils ne font pas du folk ! Il est même compliqué de qualifier le genre de ce projet, son style étant un mélange subtil de rock, de lo-fi, de chorale, de pop, de trip-hop/électro et de grunge. Mais c'est surtout beaucoup de mélodies et de riffs enchevêtrées dans un marécage de rythmes disparates et de vocalises polyphoniques. En somme, Pili Coït est un véritable travail d'équipe.
L'inaugurale et déraisonnable "Rain napalm" le démontre bien, cette chanson comporte tous les aspects susmentionnés. A contrario, "Conveyor belt" est semblable à un petit chérubin. Angélique, ses airs électro-mélancoliques ne sont pas loin du Radiohead de la période Kid A, pour notre plus grand plaisir. "Make my papillae blusing" est plutôt dans la lignée de Pink noise, leur premier disque sorti en 2017, et surement la plus accessible pour le commun des mortels. "Disowner" est, quant à elle, la plus profonde. Dans une lenteur morne mais berçante, le dialogue des voix est de toute beauté. "I can't scream" est sensiblement du même acabit, mais la psychose paraît plus présente. La folie à souligner dans ce disque est sans conteste "Taïro no tomo momoriga", un titre en langue japonaise que j'imagine difficile à jouer et qui durant presque 6 minutes montre à quel point l'écriture des structures et les arrangements des voix sont juste spectaculaires. Il s'agit de l'un de mes titres préférés de ce Love everywhere, si bien qu'"Endless make love everywhere" paraît honteusement anodin à côté, et pourtant ce morceau est entrainant et tout bonnement génial. Comme cet album que je vous recommande de découvrir très rapidement.
Publié dans le Mag #50