Découvert au sortir de l'hiver en première partie d'Ez3kiel, Phosphene s'est révélé comme un challenger particulièrement doué et largement à la hauteur de cette tête d'affiche, en live... comme quelques jours plus tart sur CD. La sortie de A call, album concept d'une richesse inouïe, étant intervenue au printemps, il était tant de passer le groupe sur le billard de nos questions faites sur mesure (ou presque...)
On va éviter la question biographique (je m'en suis déjà chargé) donc on va passer à l'essentiel directement, comment définir l'entité Phosphene musicalement parlant pour les néophytes ?
Phosphene c'est un univers atypique, à la croisée du rock, des musiques électroniques, expérimentales, et de l'énoncé répétitif.
Sur scène, 7 musiciens sur fond de vidéos interactives et de sons en quadriphonie. Dans les bacs, on est classés "rock indépendant".
A call, votre premier album que vous avez produit vous-mêmes il me semble, est sorti il y a quelques jours et bénéficie d'une distribution nationale via Anticraft, comment ça s'est goupillé ?
A call est bien une auto-production, réalisée à grands renforts de souscriptions (merci encore à tous ceux qui nous ont soutenus !). La négociation avec Anticraft s'est faite grâce à Laurent Kouby (La Plage Sonore) qui est le manager de Phosphene.
Personnellement, je n'ai pas pris A call comme un album au sens d'une collection de titres juxtaposés, mais plutôt comme un voyage musical, une oeuvre où l'on partait d'un endroit pour parvenir à un autre non sans avoir fait de nombreuses et étranges rencontres parfois inattendues ? C'était quoi le concept de l'album au départ ?
Exactement !
C'est bien un album-concept dont on donne finalement très peu de clés.
On a développé A call autour du thème des Droits de l'Homme et on a scénarisé tout l'album (à l'époque le live) avant de le composer.
Le fil conducteur que nous avons essayé de tisser est le cheminement d'un être, à la fois unique et universel. Son aventure se déroule en 3 actes :
Acte 1 : irréelle, précieuse, fragile, sensuelle. La vie s'éveille dans un souffle.
Acte 2 : une succession de loupes sur ce qui porte atteinte à ce souffle de vie : différents univers où l'être humain tente de se débattre, de faire entendre sa voix.
Acte 3 : Ce final est un hymne à l'espoir d'une harmonie possible. sans doute.
Pour mettre en musique ce scénario, nous avons réalisé une première étape de prises de sons et de travail de cette matière sonore pour créer des ambiances qui nous plongent au coeur de l'émotion, de l'état qu'on souhaitait développer. C'est à ce stade et pour accentuer ce conditionnement d'écoute que s'est imposée la quadriphonie. Au fil de la composition de cette base sonore, nous avons imaginé l'orchestration des morceaux et le groupe s'est enrichi d'un guitariste (Gardénia Paradis), d'un batteur, bassiste, violoncelliste. Si on avait pu, on aurait ajouté un orchestre, un choeur.
Votre musique est assez onirique, qu'est-ce qui a inspiré l'écriture du disque ?
Fondamentalement, ce qui nous a inspiré l'écriture de A call c'est notre rencontre : Loesha, π (Pi), et B. Ghata alias Edgar Pilot (à ce moment-là Loesha étudiait la composition et le chant à Promusica et π et Edgar Pilot étaient en classe d'électro-acoustique au CNR de Marseille), notre soif commune d'expérimentation, nos sensibilités proches, notre complémentarité. et cette envie d'orchestrer différemment chaque morceau...
Est-ce que tous les morceaux que vous avez enregistrés se sont retrouvés sur l'album où reste-t-il des inédits que l'on n'a pas encore eu l'occasion de découvrir ?
A call est issu d'une création "live", avec un aspect visuel fort qui nous permet de développer des phases plus expérimentales, d'"étirer" le temps. Les morceaux les plus visuels, les plus expérimentaux n'ont pas fait partie de cet album qu'on voulait plus "dynamique" (ça et bien sûr les contraintes de temps au studio d'enregistrement .). D'ailleurs pour l'anecdote, le morceau "A call" dont sont tirés le titre et la pochette de l'album n'y figure pas. Et bien sûr, depuis l'enregistrement, on a continué à créer et à enrichir le set de nouveaux morceaux.
Sur votre page MySpace, vous citez parmi vos influences des groupes et artistes tels que Björk, Portishead, Explosions in the Sky, Isis, QOTSA ou Oceansize et Rage Against The Machine, ça laisse un éventail de possibilités assez large, que devons-nous attendre pour les futurs morceaux de Phosphene ?
Un nouvel univers. Toujours avec notre "patte" et cette alchimie sonore/ rock'n roll d'écorchés vifs sensibles qu'on est. La forme ? Elle sera liée à la prochaine thématique (qui se dessine .). Impossible de prédire ce qui naîtra de cette nouvelle aventure !
Je vous ai, pour ma part, découvert en live en première partie d'Ez3kiel il y a quelques semaines et comme eux, l'aspect visuel, l'identité graphique semble être une composante importante de votre musique, d'où ma question : c'est le son qui inspire l'image ou l'inverse ?
C'est le son qui inspire tout !
Au même titre que la quadriphonie : les vidéos, la création lumière et l'interaction visuel/sonore via Max/MSP (joystick, manette, capteurs.) favorisent l'immersion du spectateur dans notre univers. Une fois de plus c'est une question de rencontres et d'envie de partager des espaces de créativité.
Si j'ai bien compté, sur scène, vous êtes sept normalement, mais il me semble que vous êtes surtout trois à composer, vous pourriez expliciter un peu ?
Comme on y répond plus haut, cette aventure a démarré à trois.
Bien sûr, tous les musiciens qui y ont participé ont apporté leur "touche", tout particulièrement Gardénia Paradis.
Maintenant la suite pour vous, j'imagine que c'est en live que ça va se passer, avant une suite à A call peut-être. ?
La scène est l'essence de notre travail.
Parallèlement, notre besoin permanent de créer nous amène d'ores et déjà à envisager un deuxième album-concept. A suivre.
Avez-vous d'autres projets musicaux hors de la sphère Phosphene ?
Hors, ou plutôt au coeur de la sphère Phosphene, on (Loesha & π) développe des projets parallèles, au fil de rencontres, de commandes, de collaborations avec des auteurs... Des créations réalisées autour de textes : "Le bal des Ogres" (V. Buisson), "Du respect à la dignité" (J. Broda), et prochainement "La pré-naissance des âmes" (festival off Avignon 2008).
Etant donné l'importance du visuel de votre musique, je me demandais si vous trouveriez séduisante l'idée de bosser sur la musique d'un film ou d'un court-métrage par exemple ?
Totalement ! On y a déjà pensé.
C'est difficile à anticiper, c'est encore une histoire de rencontre, de coup de coeur pour une création (film, court-métrage.).
On est fans du rapport musique/image chez certains réalisateurs, en particulier David Lynch, mais aussi Darren Aronofsky, Tim Burton.
La question "découverte musicale" : quel est votre coup de coeur musical du moment, le groupe ou artiste dont vous conseilleriez l'écoute à ceux qui vont vous lire, tous genres confondus évidemment ?
Notre coup de coeur du moment c'est Shannon Wright.
On l'avait découverte en solo (guitare/piano/chant) au Primavera Sound et en ce moment on l'écoute en boucle : un flot d'émotion et d'énergie ! A écouter et surtout à voir absolument. On a très envie de citer aussi Dälek, 1980 et tant d'autres.
Dernière question, celle que je n'ai pas posée et à laquelle vous aimeriez répondre ?
C'est plutôt à toi de nous dire si nos réponses te satisfont et si tu n'en as pas d'autres.
Quelque chose à rajouter ?
Oui.
En lisant ta chronique, ce qui nous a positivement frappés, c'est qu'en composant A call, tous les signaux implicites qu'on a tissés en musique en espérant que quelqu'un les reçoive sans avoir besoin de clé tu les as reçus... Jusqu'à des termes précis.
Alors merci pour ton témoignage !
Merci d'avoir pris le temps de nous répondre.
Merci d'avoir pris le temps de nous concocter cette interview sur mesure !
Merci aux Phosphene
Photos : MySpace.com/phospheneshow