phosphene_a_call.jpg S'il y a des albums qui peuvent être réduits à une simple collection de titres juxtaposés les uns aux autres pour former un ensemble relativement homogène, la cohérence du premier album de Phosphene est telle que l'on est obligé de l'écouter à chaque fois en entier, du début à la fin et dans un silence absolu... N'hésitant pas à surprendre, sinon dérouter l'auditeur avec une intro présentant un travail sur le souffle, sans aucun instrument ("Le souffle au coeur"), le groupe ne cherche pas encore à séduire, mais seulement à nous faire pénétrer son univers. Onirique, presque enfantin par instants, plus adulte à d'autres moments, le groupe développe une musique délicieusement feutrée, sertie de mélodies précieuses qui subliment l'écoute de "Glimmer". Des atmosphères rêveuses, une musique "folkotronic" sensuelle aux confins d'une pop acoustique fragile et d'un trip-hop extatique, A call est un album qui évoque des groupes comme Misstrip ou Maple Bee, avant de verrouiller nos tympans à la platine avec le plus électrique et nébuleux "Industry". Un chant littéralement habité, un trip-rock entêtant qui prépare soigneusement le terrain avant l'entrée des guitares, acérées et ravageuses, lesquelles donnent un relief inattendu à l'ensemble.
En prenant le temps de construire patiemment des ambiances qui n'appartiennent qu'à eux, les Phosphene livrent un premier effort à l'architecture pop/trip-hop/rock d'une rare élégance et d'une efficacité, parallèlement, difficilement contestable. Un "Accroc" labyrinthique plus tard et l'on se retrouve un peu égaré au coeur d'une oeuvre aux mille nuances, mais le magnétisme de la formation phocéenne reprend ses droits sur le très beau "Lost", sorte de rencontre fantasmée entre Denali (pour la voix) et Massive Attack (les arrangements). Un morceau à la beauté d'une rare pureté et quelques sept minutes d'une pépite aux accents d'un Portishead branché sur courant alternatifs. Les influences sont évidentes, mais Phosphene n'a pas à souffrir de la comparaison et livre une oeuvre à la fois racée et personnelle. Une pluie de sons qui s'écoulent le long d'un "Rubicube" aux multiples facettes, des harmonies douces qui accompagnent les mélodies dans leur voyage introspectif, une chrysalide musicale qui semble être sur le point d'achever sa mue, un violon qui vient cajoler une flûte traversière enchanteresse, des voix d'enfants jouant dans une cours d'école, Phosphene créé devant nous un univers qui n'est pas si éloigné de celui des islandais de Sigur Ros. Et lorsque l'on cite les musiciens venus du froid, difficile de ne pas penser à Björk sur "Prelude" ou l'énigmatique "Prism"... Si le chant de Loesha renvoie autant à l'icône islandaise qu'à Beth Gibbons (Portishead) ou Maura Davis (Denali), le groupe ménage ses effets de manche pour mieux nous mettre à genou sur le très rock et envoûté "Hasta... siempre". L'atmosphère est électrique et "The will" déploie ses arrangements hypnotiques avant que l'intimiste "Unfinished melody" (jolie référence à Massive Attack ne viennent nous emporter dans l'Eden musical d'un groupe décidément touché par la grâce. Refermant son premier album avec l'organique et féérique "Seprah", le Phosphene démontre une dernière fois qu'il dispose décidément d'une palette artistique aux possibilités infinies et qui, de fait, prend tout son sens ici sur l'album mais encore plus en live. Une vraie révélation...