Haeligewielle en 2012 (il s'agissait toutefois d'une réédition), Onkalo en 2013, voici maintenant Mima ou la cuvée 2014 du toujours aussi anglais Oliver Barrett aka Petrels, lequel s'offre ici une introduction interminable jonglant entre silence quasi absolu et éloge bruitiste de la manière la plus laconique et absconse qui soit (on se paie ici quasi 8'30 d'un crescendo très progressif à tel point qu'il n'en finit plus) pour aboutir à une explosion ambient/post-rock semi-libératrice (ou à moitié ratée, c'est selon). Car là encore, le compositeur/sculpteur/arrangeur/bidouilleur a poussé l'auditeur dans ses retranchements en abusant un peu trop de sa surface temporelle.
Et si l'on retrouve les obsessions de l'auteur pour les évocations narratives renvoyant à la SF (comme sur Onkalo), ne serait-ce que dans les textures sonores synthétiques et retro-futuristes de "The 40 year mission to Titan is overtaken by the 40 minute mission to Titan" puis "Katharina 22B" (les titres déjà ...), celui-ci semble s'être quelque peu, sinon fourvoyé en chemin en tous cas, enfermé dans son concept si particulier. Si bien que le résultat est quand même assez ardu à écouter d'une traite. Et là encore, ce n'est pas fini parce que la troisième piste de l'album va encore plus loin. Trop loin pour ne pas s'écraser en route juste après son décollage vertical.
Vaguement inspiré comme l'ensemble de l'album d'un poème de science-fiction baptisé "Aniara" et signé d'un certain Harry Martinson, "A carapace for carter's snort" est une expérience sensorielle qui permet à Petrels de laisser libre court à ses idées en étant largement influencé par la cosmologie, la mythologie et le mysticisme qui s'y rapporte mais aussi et surtout le développement de l'humain. Or dans l'esprit, cela peut paraître aussi ambitieux qu'intéressant. En l'état, cela reste surtout assez abscons, voire parfaitement inintelligible. Heureusement alors qu'il réussit sa sortie avec le dernier morceau de Mima, "Treetinger", qui s'il ne sauve pas l'ensemble, permet de le maintenir dans son orbite et de se laisser de nouvelles chances de le découvrir encore et encore afin de l'appréhender un peu mieux. Ou pas.
Petrels
Petrels / Chronique LP > Mima
Petrels / Chronique LP > Onkalo
Moins d'un an et demi après la réédition (et donc remise en avant à plus grande échelle ) de l'album Haeligewielle, Petrels, le one-man band de l'anglais Oliver Barrett, remet le couvert avec un nouvel album au titre un peu moins étrange (encore que...), Onkalo, mais un programme musical tout aussi insaisissable que sur son prédécesseur. Un mélange encore plus poussé dans l'hybridation stylistique et transgenre d'un cocktail ambient électronique Vs. drone-pop Vs post-rock ("Hinkley Point balloon release", "Giulio's throat") très personnel. Pour un résultat à la beauté magnétique mélangée à une jolie dose d'étrangeté diaphane.
Ovni expérimental à la beauté futuriste parfois troublante, parfois plus glaçante dans son approche anticipative, l'album est l'écho quasi parfait du projet dont il titre son titre. "Onkalo" est en effet un projet finlandais ; hors-norme, fou, illimité alliant intimement délire utopiste et science-fiction humaniste ; consistant en la création d'un site d'enfouissement de déchets nucléaires destinés à être préservés de tout pour une période de... 100,000 ans. Le chantier de cet "entrepôt" souterrain a débuté en 2004 et pourrait durer jusqu'à deux siècles avant l'objet avoué que les générations futures ne puissent jamais y pénétrer tout en étant préservé. A jamais.
Musicalement, l'album s'offre un virage expérimental alors que l'auditeur prend conscience de la thématique générale de l'album et Petrels l'embarque dans une ode ambient brumeuse, presque christique dans ses choeurs (et parfois un peu hermétique), avec un "On the dark great sea" qui préfigure de ce qu'est la suite. Entre un "Time buries the door", au titre aussi éloquent que sa matière sonore se révèle bruitiste, et un "White and dodger herald the atomic age" insaisissable parce qu'abscons. Là, force est de constater qu'Oliver Barrett nous perd un peu en cours de route pour doucement nous retrouver sur son diptyque minimaliste "Trim tab Pt I & II". Lequel réconcilie l'anglais avec son public en lui faisant pardonner l'emphase de certains passages de l'album sur lesquels le concept de l'expérimentation outrancière prend le pas sur son propos.
Petrels renoue alors avec les moments de grâce pure qui caractérisaient les premiers titres de l'album avant de replonger dans son magma drone/post-rock supernoïsique avec un "Characterisation level" futuriste d'une densité étourdissante, et de conclure ses boucles créatives avec un épilogue en forme d'épitaphe empreinte de résignation à la mélancolie intimiste ("Kindertransport"). Une dernière touche de son créateur pour conférer à cet album une identité multicéphale à double tranchant. Car parfois brillant de mille feux comme d'autres fois plus inintelligible dans ses approches avant-gardistes. Sans doute un peu en avance sur son époque... on y reviendra dans quelques années...
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Petrels / Chronique LP > Haeligewielle
La première question qui survient à l'écoute d'Haeligewielle, le premier abum de Petrels, pseudonyme derrière lequel se cache un certain Oliver Barrett - membre de Bleeding Heart Narrative - est assez simple : qu'est-ce l'on a entre les mains au juste ? La réponse est au moins aussi peu l'impide que les courants musicaux traversés par l'oeuvre du compositeur/arrangeur anglais. Et pourtant, quoi que soit également cette musique, elle possède d'évidentes propriétés addictives, des capacités rares à projeter des images et des sensations chez son auditeur sans pour autant que celui-ci puisse les expliquer.
Sorti une première fois un peu avant l'été 2011, l'album est réédité, cette fois au coeur de l'hiver suivant par le label Denovali, et se fond parfaitement dans les ambiances de saison qui l'enveloppent. Ses atmosphères diaphanes et glacées instillées par l'ambiant bourdonnant d'"After Francis Danby", le bruissement acoustique et électrique, les flagrances presque drone auxquels s'ajoutent les fugitives bricolages soniques, la musique de Petrels est à la fois dense et minimale, ample et séminale. Bruitiste jusqu'à en hérisser en de très rares instants le poil, plus apaisante la plupart du temps, comme sur le discret "Silt" ou l'ambivalent "Canute" et son climax post-rock noise ébourriffant, elle se pare ainsi de mille effets pour mieux faire succomber.
Nuances de gris sur dégradés de noir, un blanc nacré parsemé de cordes qui viennent crisser sur la banquise métaphorique de "The statue is unveiled with the face of another", Oliver Barrett conduit sa musique avec la maîtrise d'un chef d'orchestre d'expérience et sur le merveilleux "Concrete", marrie à merveille choeurs lointains et instrumentations post-rock néo-classiques toutes proches. De longues plages sonores qui envoûtent et hypnotisent sans jamais céder aux clichés de l'interminable poussif, toujours dans le juste équilibre entre les forces qui l'entourent, Petrels livre ainsi avec cet Haeligewielle, un disque rare, recelant autant de petites pépites brèves et obsédantes ("Winchester Croydon Winchester") que de véritables symphonies émotionnelles à la beauté incomparable ("William Walker strengthens the foundation").
Classe et même bien plus encore.