Je suis toujours émoustillé de curiosité et d'impatience à chaque sortie d'une chanson ou d'un disque auquel participe le multi-instrumentiste et producteur australien Jonathan Boulet, un type très prolifique qu'on a pu apercevoir dans plusieurs formations telles que City Escape Fire, Parades, ARSE et Wolf & Cub, ou en matière de collaborations, notamment avec Kate Nash, The Middle East, Tame Impala et Mumford and Sons. L'un de ses projets les plus passionnants se nomme Party Dozen, un duo de rock expérimental bruitiste qu'il forme depuis 2017 avec la saxophoniste Kirsty Tickle. Un nom bien connu en Australie (les deux ont notamment bossé sur un titre avec la légende Nick Cave), mais aussi en Europe. Il faut dire que Party Dozen ne se fait pas prier pour sortir de l'ombre puisqu'en huit années de vie, il a sorti son quatrième disque en septembre dernier. Il s'intitule Crime in Australia, et on peut désormais l'affirmer : c'est toujours aussi unique et sonique !
La musique de Party Dozen se résume grossièrement en une batterie, un saxophone, des effets, des samples, des boucles et un petit brin de folie qui fait toute la différence. Quelque part entre l'univers de Deerhoof et de Lightning Bolt (mais sans chant, ou presque), le groupe nous embarque dans son monde remplis de fantaisies sonores avec une puissance sauvage par moments (écoutez donc "Money & the drugs"), dans laquelle se rencontre le free-rock, le free-jazz, le rock bruitiste, le post-punk, le psychédélisme, mais aussi l'electro-rock. On découvre, au fil de l'album, une démarche de composition aux structures minimalistes (répétitives, souvent) sur lesquelles le duo va compenser cette base en mettant le paquet sur un habillage sonore à la fois dense et aéré, une tension permanente qui joue malicieusement avec les ruptures. Les Australiens adorent en effet beaucoup les contrastes et n'oublient pas le rôle important que peux jouer la mélodie. On le ressent bien sur "The big man upstairs" où elles s'expriment à la fois vocalement et instrumentalement avec ce solo de sax délicieux de Kirsty.
En plus d'être généreux et audacieux, il faut noter la qualité de composition rythmique de Boulet sur ce Crime in Australia qui est pour ainsi dire immense, sans parler du talent indéniable de sa camarade qui place toujours la bonne note au bon moment dans ce magma auditif rugueux dans lequel elle semble s'y sentir comme un poisson dans l'eau. Si les albums parfaits existent, ce Crime in Australia n'est pas loin d'en être un. Party Dozen aurait-il commis donc le crime parfait ?
Publié dans le Mag #64