Noir Désir - Du ciment sous les plaines Noir Désir a en 1991, deux albums à son actif. Le bagage musical est composé de titres connus : "Pyromane", "Le fleuve", "La chaleur", "Les écorchés". "Aux sombres héros de l'amer", diffusé plus que largement sur les ondes radios, offre au groupe la reconnaissance populaire. Les Bordelais semblent bien souvent résumés à ce titre qui passe pour une chanson de « rock pour marins ». Le groupe reste avec un goût amer en pensant que les textes ne sont pas compris par l'audience. Pour couronner le tout, ils semblent mal assumer cette mise sous les projecteurs. Les Bordelais voulaient donner à entendre un rock poétique et underground, une toute autre idée !

Avec Du ciment sous les plaines, Nwa:r Dez:r (si l'on utilise l'écriture phonétique de la pochette) veut donc en découdre avec son public et réaffirmer son identité. Côté textes, un haut niveau littéraire est maintenu mais au service de la crise, de la tristesse, de l'angoisse et puis du stress. Le son lui est aussi habité que survolté. Voilà, l'image que veut donner le groupe. La volonté de sortir des routes commerciales est également bien marquée. Pas de publicité et un single expédié en 3 minutes 26 pour toute promotion. "En route pour la joie" fait toute de même l'objet d'un clip qui montre tout de l'état fiévreux dans laquelle formation se trouve à la sortie de l'opus.

Henri Jean Debon - réalisateur du clip - met bout à bout un "Hoo doo" aussi électrique que chamanique et "En route pour la joie". Les images de concerts sont captées de façon à mettre en évidence un groupe survolté. Les jeux de lumières et les images en noir et blanc alourdissent encore l'atmosphère. Mais l'idée la plus marquante de ce clip est sans doute d'apporter un décalage entre la vitesse de la musique et celle des images. Quand le son s'emballe, les images sont au ralenti. Plus le rythme de la musique diminue, plus les images s'agitent frénétiquement. Ce paradoxe de vitesse images/son renforce encore la tension apportée par un guitariste et un chanteur pris dans la tempête. A la fin, le violon, présent à titre exceptionnel, souligne encore un peu plus l'état d'urgence.

Mais n'enfermons par Noir Désir dans ce titre alors que le groupe offre un album sans concession. "The holy economic war" illustre les premières positions politiques de la formation qui dénonce ici la société de consommation. Repris de nombreuses fois sur les live des années 90, le titre ne ménage pas la voix du chanteur. "Charlie" délivre son rock endiablé agrémenté des interventions de Bertrand Cantat à l'harmonica. Quant à "La chanson de la main", elle surprend le fan : le son est dissonant et les paroles semblent écrites dans un état proche de l'ivresse. Le côté poétique semble particulièrement travaillé sur "Si rien ne bouge" et c'est peut-être ce qui permet à ce morceau d'être joué jusqu'au crépuscule de la formation. "Du ciment sous les plaines" ouvre également une fenêtre sur les influences du groupe.

Reprise du groupe australien The Saints, "The chameleon" montre que le mouvement punk est une source d'inspiration pour les rockeurs français. Engagé dans une tournée au rythme infernal, le chanteur est victime d'une syncope sur scène. La promotion de l'album est arrêtée. Rupture brutale du troisième chapitre.

Quoi qu'il en soit, cet album semble avoir atteint son objectif puisque Noir Désir a manœuvré avec brio pour retrouver son identité : la confusion, l'ivresse et la passion.