Rock Rock > No Age

Biographie > Electric noise energy

Jeune duo californien, No Age aurait pu faire comme beaucoup, à savoir pratiquer un punk-rock balisé, ultra-produit, sage et largement plébiscités par les radios de la Cité des Anges... Mais avec l'esprit de contradiction qu'a forcément un jeune musicien nourri depuis sa plus tendre enfance aux Sonic Youth, les deux de No Age ont préféré s'orienter vers d'autres horizons musicaux. Plus lo-fi, indie et noisy (tiens ça rime...), tout ça pour quoi ? Tout simplement nous servir une musique à la personnalité affirmée, au songwriting racé et à l'énergie accrocheuse. En 2007, Dean Spunt (batterie) et Randy Randall (guitare) alias No Age sortent leur premier effort intitulé Weirdo rippers chez Fat Cat Records / PIAS et démontrent qu'il faudra désormais compter eux pour dynamiter la scène indé nord-américaine. Nous on n'attendait que ça...

No Age / Chronique LP > An object

No Age - An Object Quand le duo le plus noisy de la scène indie-pop-rock new-yorkaise débarque avec un nouvel album, ce n'est pas pour faire les choses à moitié. Même question artwork où là, c'est quand même bien le clash visuel. Colorés, piquant les yeux comme les tympans (mais au vif), les No Age ne perdent pas de temps et envoient directement un intraveineuse ce "No ground" inaugural qui porte en lui les germes d'une tension insidieuse qui ne demande qu'à exploser... Mais finalement non (le très pop et désincarné "I won't be your generator")... puis si un peu quand même le temps d'un "C'mon, Stimmung" aussi dense que complètement habité. Le résultat se révélant hautement accrocheur en même temps que complètement imprévisible.

Pas dans sa formule bien entendu mais dans le rendu final, qui éclate allègrement les formats mélodiques traditionnels pour les lacérer d'éclairs rock indé synthétiques quasi anxiogènes. Car les No Age usent ici comme à leur habitude d'un songwriting mêlant avec une habileté sidérante noise, pop, rock, punk et motifs expérimentaux dans un même tube à essais. Ce pour un résultat aussi décharné qu'électrisant, déroutant que fascinant ("Defector/ed", "Lock box") et ne ménageant pas ses efforts pour produire une mixture sonore qui n'appartienne définitivement qu'à eux. Entre élégance pop lancinante aux arrangements graciles ("An impression"), intellectualisation rock indie ("My hands, birch and steel") et autres tentations bruitistes expérimentales ("Running from A-go-go"), les natifs de la Grosse Pomme livrent ici un album parfois abscons, parfois bluffant, souvent brillant de maestria mais surtout constamment insaisissable.

Une démarche créative cherchant à tout prix la rupture (et la rencontrant à maintes reprises) comme une constance dans la mise en danger artistique qui font la marque de fabrique d'un groupe résolument en phase avec son label (Sub Pop) et délivre ici des titres de la puissance supernoïsique d'un "Circling with dizzy", ou à l'inverse la nonchalance d'un "A ceiling dreams of a floor" enfumé et erratique, avant de conclure sur un "Commerce, comment, commence" final au magnétisme déroutant. Et comme le packaging surprend quelque peu (mais est réussi), An object est au final l'album qui permet à No Age de repousser ses limites après s'être révélé au monde avec Weirdo rippers, avoir confirmé (Nouns) puis définitivement entériné les espoirs placés en lui, pour produire un quatrième opus des plus détonnant et osés, en même temps que piloté de main de maître avec cette envie de subversion indie qui transparaît à chaque changement de rythme...

No Age / Chronique LP > Everything in between

No Age - Everything in between Après Weirdo rippers puis Nouns, on se doutait que ces deux new-yorkais, déjà pétris de talent malgré leur jeune âge allaient fatalement nous pondre un jour un petit bijou de noise-pop incandescente et délicieusement punky. Et voilà donc qu'ils reviennent avec sous le bras un Everything in between au visuel très réussi et sorti chez la référence incontournable qu'est Sub Pop. Au menu de la nouvelle offrande des No Age, une grosse douzaine de titres urgents et finement ciselés, oscillant en permanence entre l'élégance indie shoegaze d'un Ride ou d'My Bloody Valentine et la furie super-noïsique no-wave des Sonic Youth, Mudhoney et autres Husker Dü. Résultat des courses, c'est parfois tranquille ("Life prowler", "Glitter") d'autres fois clairement plus électrique ("Fever dreaming", "Depletion") mais ça joue... et pas qu'un peu. Une cacophonie maîtrisée, des titres instrumentaux (ou quasiment) aux ambiances travaillées ("Skinned", "Katerpillar"...), deux ou trois hits en quête d'absolu (électrisant "Depletion", magnifique "Dusted", "Positive amputation") et surtout une bonne dose d'indie-pop/noise-rock funambule. Des titres nappés de riffs élancés et domptés par un songwriting complètement décomplexé, une légèreté qui parfois contraint le groupe à proposer quelque chose d'un peu insignifiant ("Chem trails", "Valley hump crash"), mais souvent à distiller une musique à fleur de peau, tantôt rugueuse, tantôt plus apaisée, toujours sur le fil invisible d'un rasoir rock à la lame particulièrement aiguisée ("Common heat", "Shed and transcend"). 13 titres, à peine plus de 38 minutes, ça fait donc moins de 3 minutes par morceaux (oui, on est aussi très bon en maths au W-Fenec), des titres courts, fulgurants et incisifs, après deux efforts déjà furieusement bien troussés, les natifs de la Cité des Anges ont encore frappé.

[NB] : les packagings CD et vinyles sont vraiment très classes...

No Age / Chronique LP > Nouns

no_age_nouns.jpg A peine un an après un Weirdo rippers en forme de collection de singles noise-rock punky, le duo No Age revient sur le devant de la scène avec ce Nouns, nouveau recueil de pop-songs contrariées à coup de noise fulgurante qui vrille les tympans, déposé dans un sympathique digipack cartonné et publié par le toujours excellent label SubPop (The Album Leaf, The Gutter Twins, Wolf Parade...). Ambiances urbaines, titres courts (une seule fois plus de 3 minutes), chant lointain et volontairement approximatif, comme égaré dans un brouillard d'effets et de saturation noisy façon Sonic Youth ou shoegaze à la My Bloody Valentine. Des tempi particulièrement élevés ("Eraser"), des compositions échevelées, un halo sonique qui enveloppe des harmonies incertaines comme livrées à l'emporte-pièce avec toujours un souci d'urgence où parfois, une mélodie déviante fait irruption dans un ensemble remarquablement cohérent (contrairement à Weirdo rippers qui était déjà plus foutraque).
Le côté un peu brinquebalant de la chose peut heurter ("Teen creeps"), le côté "joyeux boxon sonore" a de quoi laisse sur le carreau, mais malgré tout, l'énergie déployée par le le duo Dean Spunt / Randy Randall parvient souvent à étouffer la critique dans l'oeuf. Un véritable bouillonnement électrique, de petites idées qui jaillissent de tous les côtés en perçant la brume de distorsion qui nous empêchait jusque là d'apercevoir l'horizon. Agile, discrètement décalé, anachronique, le duo joue les funambules rock ("Sleeper hold") et parvient à se sortir du piège du disque qui laisse indifférent ("Keechie"). La force du groupe est de savoir proposer des titres courts et presque punk, l'auditeur pouvant ainsi passer de l'un à l'autre sans jamais s'ennuyer, même si le côté brouillon de ce Nouns nécessite un petit temps d'adaptation. "Here should be my home" ou "Ripped knees" s'inscrivent dans la droite lignée de cette logique expérimentale. No Age est ici pour produire une musique racée et énergique, faite de collages sonores lof-i, une musique qui rebute ou fascine mais au moins, ne se pose pas en énième produit calibré pour fonctionner, mais plutôt comme un disque inventif et étonnamment bricolé pour créer quelque chose qui sorte de l'ordinaire.

No Age / Chronique LP > Weirdo rippers

no_age_weirdo_rippers.jpg Si Sonic Youth avait rencontré Jesus and Mary Chains, si Deerhunter avait fusionné avec les Ramones, le tout dans une atmosphère lo-fi où le "do it yourself" est quasiment roi, on aurait sans doute eu droit à quelque chose qui ressemblerait singulièrement à No Age. Et le résultat s'intitulerait donc Weirdos rippers, un premier album, un peu cahotique et sauvagement noisy en forme de bilan anticipé de la carrière encore balbutiante des deux californiens qui avaient, à l'origine, décidé de ne sortir leurs compositions que via des vinyles aux pressages limités. Une fois compilés sur CD et sorties par le toujours exigeant label Fat Cat Records (Mum, Animal Collective, Songs of green...), le grand public peut donc découvrir No Age et mesurer par la même occasion le fossé culturel qui sépare ces deux jeunes hommes de la majeure partie de la production musicale nord-américaine.
Et pour cause, Weirdos rippers est un disque à la fois foisonnant et bordélique (ce qui va souvent de pair d'ailleurs). Engoncé dans un costume bruitiste dans lequel il se retrouve un peu à l'étroit, le duo démystifie le genre noise-rock lo-fi et met le paquet en tirant dans tous les sens pour faire éclater les coutures. "Boy void", "I wanna sleep", "My life's alright without you", les morceaux ne s'enchaînent pas dans la continuité, ils s'entrechoquent contre nature dans une véritable éruption sonore. L'effet est étonnant mais réussi. No Age ne sort pas un banal album de rock noisy mais balance à la face de l'auditeur une grosse dizaine de compositions parfois mal dégrossies et déroutantes, souvent accrocheuses et racées, toujours brutes de décoffrage. On adhère direct pour en rejette tout en vrac... ici, aucun compromis n'est envisageable. Evidemment, tout ceci reste assez expérimental et doit être sans doute réservé aux amateurs d'une musique exigeante et pas du tout commerciale (l'étrange "Sun spots", le lumineux "Loosen this job"). Car Weirdo rippers, c'est un album urbain, froid et anti-marketing à souhait, une oeuvre radicale mais à la créativité étonnante qui se contrefout des conventions musicales pour jeter à la platine ce que ses géniteurs ont à dire. Et comme ceux-ci ne semblent savoir s'exprimer que par le biais de quelques guitares acérées et mélodies improbables qui décloisonnent brutalement la scène indie nord-américaine, on prend tout ça comme ça vient et on profite de l'instant avec le plaisir de voir deux gamins jouer un sale tour à leurs compatriotes. Avec toute la conviction dont ils sont capables, les deux américains de No Age n'hésitent pas à se lancer à corps perdu dans des territoires musicaux hostiles où seule l'intégrité artistique fait loi. Mais à ce petit jeu, le duo démontre qu'il a déjà de belles cartes dans sa manche et livre avec ceWeirdos rippers un disque salvateur et exigeant qui se brûle par les deux bouts. On attend déjà la suite en trépignant d'impatience...