no_age_weirdo_rippers.jpg Si Sonic Youth avait rencontré Jesus and Mary Chains, si Deerhunter avait fusionné avec les Ramones, le tout dans une atmosphère lo-fi où le "do it yourself" est quasiment roi, on aurait sans doute eu droit à quelque chose qui ressemblerait singulièrement à No Age. Et le résultat s'intitulerait donc Weirdos rippers, un premier album, un peu cahotique et sauvagement noisy en forme de bilan anticipé de la carrière encore balbutiante des deux californiens qui avaient, à l'origine, décidé de ne sortir leurs compositions que via des vinyles aux pressages limités. Une fois compilés sur CD et sorties par le toujours exigeant label Fat Cat Records (Mum, Animal Collective, Songs of green...), le grand public peut donc découvrir No Age et mesurer par la même occasion le fossé culturel qui sépare ces deux jeunes hommes de la majeure partie de la production musicale nord-américaine.
Et pour cause, Weirdos rippers est un disque à la fois foisonnant et bordélique (ce qui va souvent de pair d'ailleurs). Engoncé dans un costume bruitiste dans lequel il se retrouve un peu à l'étroit, le duo démystifie le genre noise-rock lo-fi et met le paquet en tirant dans tous les sens pour faire éclater les coutures. "Boy void", "I wanna sleep", "My life's alright without you", les morceaux ne s'enchaînent pas dans la continuité, ils s'entrechoquent contre nature dans une véritable éruption sonore. L'effet est étonnant mais réussi. No Age ne sort pas un banal album de rock noisy mais balance à la face de l'auditeur une grosse dizaine de compositions parfois mal dégrossies et déroutantes, souvent accrocheuses et racées, toujours brutes de décoffrage. On adhère direct pour en rejette tout en vrac... ici, aucun compromis n'est envisageable. Evidemment, tout ceci reste assez expérimental et doit être sans doute réservé aux amateurs d'une musique exigeante et pas du tout commerciale (l'étrange "Sun spots", le lumineux "Loosen this job"). Car Weirdo rippers, c'est un album urbain, froid et anti-marketing à souhait, une oeuvre radicale mais à la créativité étonnante qui se contrefout des conventions musicales pour jeter à la platine ce que ses géniteurs ont à dire. Et comme ceux-ci ne semblent savoir s'exprimer que par le biais de quelques guitares acérées et mélodies improbables qui décloisonnent brutalement la scène indie nord-américaine, on prend tout ça comme ça vient et on profite de l'instant avec le plaisir de voir deux gamins jouer un sale tour à leurs compatriotes. Avec toute la conviction dont ils sont capables, les deux américains de No Age n'hésitent pas à se lancer à corps perdu dans des territoires musicaux hostiles où seule l'intégrité artistique fait loi. Mais à ce petit jeu, le duo démontre qu'il a déjà de belles cartes dans sa manche et livre avec ceWeirdos rippers un disque salvateur et exigeant qui se brûle par les deux bouts. On attend déjà la suite en trépignant d'impatience...